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Le livre de l’agroforesterie

Depuis au moins deux décennies, de nombreux agriculteurs se sont lancés dans l’agroforesterie. Cette expérience est-elle concluante ? Quels analyses et enseignements en tirer ? L’un des spécialistes de la question répond dans un ouvrage paru aux éditions Actes Sud.

Le livre de l’agroforesterie

Tout le fil rouge de ce passionnant ouvrage est contenu dans son sous-titre : « Comment les arbres peuvent sauver l’agriculture ». L’agroforesterie, cette « agriculture du mélange » qui consiste à associer arbres, cultures agricoles ou animaux d’élevage, reprend peu à peu ses lettres de noblesse et devrait devenir, dans les prochaines années, un modèle cultural plus développé qu’il ne l’est aujourd’hui. En effet, les hivers secs, les printemps chauds et les étés caniculaires commandent de protéger les cultures et les animaux. Qui mieux que les arbres peuvent être en mesure d’apporter à la fois ombrage, fertilité du sol ainsi que de l’eau ? L’auteur, Emmanuel Torquebiau, chercheur au Centre de coopération international en recherche agronomique pour le développement (Cirad) et directeur de recherche à l’Université Montpellier 3, rappelle fort à propos une citation d’un agriculteur japonais, Masanobu Fukuoka : « C’est dans un désert américain que je réalisais soudain que la pluie ne tombe pas des cieux ; elle provient du sol. La formation des déserts n’est pas due à l’absence de pluie ; mais plutôt, la pluie cesse de tomber parce que la végétation a disparu ». En 29 chapitres très didactiques, l’auteur, spécialiste d’écologie tropicale et d’agroforesterie (il a passé plusieurs années en Indonésie), livre quelques clés pour que les agriculteurs passent à l’acte. Revenant sur la naissance de ce concept, et sur les 1001 définitions et classifications possibles, il s’appuie sur les nombreuses expériences menées à travers le monde, en particulier pour reconquérir des espaces en déshérence et préserver les autres.

Toutefois, le lecteur passera bien vite sur quelques récurrences sémantiques qui entendent dissocier agriculture conventionnelle (« industrielle », insiste parfois l’auteur) et agroforesterie. Rien ne semble d’ailleurs opposer les deux si ce n’est un parti pris idéologique. En effet, les agriculteurs (conventionnels s’entend) ont compris depuis longtemps combien les haies et les arbres que leurs pères et grands-pères avaient pu supprimer par choix ou par contrainte lors des grands remembrements des années 1970 reviennent maintenant sur le devant de la scène. Oui, l’agroforesterie est compatible avec l’agriculture, pas seulement biologique. Oui, les arbres préservent la qualité des sols, les régénèrent, luttent contre leur érosion et constituent à la fois un brise-vent, un parapluie et un parasol efficaces. Que dire de la préservation de la biodiversité indispensable à l’agriculture. Le texte, qui inclut beaucoup d’exemples, est rédigé dans un style très accessible et accompagné d’une riche iconographie. Un sommaire précis, un résumé en tête de chaque chapitre et un index détaillé en fin de volume permettent à ses lecteurs d’atteindre rapidement le sujet qu’ils souhaitent approfondir. Un ouvrage à même de susciter de nouvelles initiatives et d’aider à provoquer le changement.

Le livre de l’agroforesterie – Emmanuel Torquebiau – Actes Sud – 304 pages -39 euros