BIVB
L’AG d’un vignoble en transition

Françoise Thomas
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Malgré le contexte actuel, l’assemblée générale du Bureau interprofessionnel des vins de bourgogne, le BIVB, a bien pu se tenir à Beaune le vendredi 17 décembre. Malheureusement, elle se sera réduite à la stricte partie institutionnelle alors que le verre de l’amitié habituel serait venu saluer la mise en place d’un nouveau binôme de présidents à sa tête.

L’AG d’un vignoble en transition
Laurent Delaunay à gauche et François Labet, respectivement président délégué et président du BIVB.

L’assemblée générale du BIVB qui s’est tenue le 17 décembre à Beaune a permis de faire le point sur une année qualifiée de charnière par Jean-Philippe Gervais du pôle technique et qualité du BIVB. Une année « où l’on a basculé d’une situation extrême à une autre » mais où justement, grâce à un nouveau mode de fonctionnement, le pôle technique a pu bénéficier de budget (1,3 million d’euros au total) et de moyens supplémentaires. À l’excellente vendange 2020, en qualité et en quantité, a succédé 2021, avec son gel et sa faible récolte, tous deux historiques.

De son côté, le président de la commission Technique, Jean-Yves Bizot, a prévenu : « pour continuer il va falloir dépasser notre modèle, non le détruire mais le prolonger ».

Et ainsi tous les intervenants qui se sont succédés à la tribune n’auront pas manqué de souligner tous les enjeux et les paradoxes qui se présentent actuellement aux viticulteurs et au marché.

Ainsi ont été évoquées « les inquiétudes que suscite le plan cancer au niveau européen », qui incrimine même le premier verre d’alcool. Lorsque Jean-Philippe Gervais a rappelé les pressions croissantes de la flavescence dorée et de l’Esca, François Labet a souligné les problématiques liées à l’interdiction du glyphosate sans solution alternative et les contraintes à venir dues aux zones de non-traitement (ZNT) riverains. Heureusement, tous ont mis en exergue la profession qui se mobilise pour agir et poursuivre la transition. « Une nouvelle façon de travailler », a présenté François Labet, plus en concertation et en partage d’expérience et de compétence, le tout appuyé par les nouvelles technologies.

Programmes de recherches

Ceci se concrétise notamment par le plan dépérissement qui remet le végétal au cœur des recherches et des pratiques. Les budgets consacrés au pôle technique et qualité du BIVB vont d’ailleurs dans ce sens : le prochain budget sera voté en juillet prochain et deux recrutements sont en cours, « nous allons passer d’une logique de financeurs à celle d’investisseurs ». Et même si le président du BIVB prévient « est-ce que demain nous aurons des résultats au vignoble, cela n’est pas gagné », la logique est bien celle de la diffusion d’informations techniques.

D’ailleurs, dans cette mouvance de questionnements, voire de remise en question, l’intervenant extérieur de cette AG était Maxime Toubard, président du Comité interprofessionnel du vin de Champagne, le CIVC, venu présenter les conclusions de leurs 15 ans d’étude sur les vignes semi-large (voir encadré).

D’autres programmes de recherche sont menés de concert avec les vignobles voisins. Il en est ainsi de Qanopée, le projet de prémultiplication sécurisée sous serre impliquant tout le quart nord-est  (Bourgogne, Alsace, Champagne et Beaujolais). Les premiers plans devraient sortir fin 2024. Et lorsque l’on partage « les méthodes, les projets et l’humour », avec un vignoble comme la Champagne, il peut y avoir CepInnov, un programme régional focalisé sur les variétés résistantes notamment à l’oïdium et au mildiou.

Enfin, troisième projet lancé en 2021, GreffBourgogne pour travailler sur des porte-greffes tolérants à la sécheresse, spécifiquement adapté à la Bourgogne.

Retour des rendez-vous

En attendant, le manque de production se ressent sur les marchés actuels et François Labet a encouragé tous les professionnels présents à maintenir le lien avec leurs clients : « il est primordial de garder le contact, d’où l’importance des rendez-vous de début d’année », parmi lesquels Wine-Paris-Vinexpo Paris en février, les Grands jours de Bourgogne en mars, les Grandes retrouvailles, sessions de dégustation organisées à l’étranger…

Enfin, un point sur l’avancée des travaux des trois sites de la Cité des climats et vins de Bourgogne a été proposé. Pour l’instant tout suit son cours et aucun retard ne vient pour l’instant remettre en question la date prévue d’ouverture au grand public fixée à mars 2023.

Demain des vignes semi larges en Bourgogne ?

Rien n’est moins sûr bien évidemment, mais des expérimentations ont été menées en Champagne et livrent des conclusions tout à fait intéressantes. Si l’idée fait encore grincer des dents ici en Bourgogne, c’est exactement à ce genre de réticences que Maxime Toubard et tous ceux lancés dans le projet ont eu à faire face dans leurs domaines champenois.

Lorsqu’ils ont planté ces premières vignes semi-larges (VSL) en 1995 (3.800 ceps/ha), il n’était même pas encore question des grandes sécheresses et des gels de printemps qui se succèdent depuis.

En 2005, est lancée l’expérimentation Mode de conduite et enherbement sous l’égide de l’INAO et du syndicat général des vignerons de la Champagne (SGV).

17 sites répartis dans tout le vignoble ont accueilli ces vignes plantées à 2 m x 1 m environ, avec une densité avoisinant les 5.000 pieds à l’ha contre les 8 à 10.000 pieds/ha habituels, inscrits dans les cahiers des charges des appellations de Champagne.

Aussi Maxime Toubard a lancé un « courage camarade ça va être dur ! » à un viticulteur bourguignon qui tente déjà de convaincre ses collègues de passer en VSL !

En Champagne, les études ont révélé qu’il n’y avait aucune différence au goût entre les deux conduites de cultures. Les VSL aident à la réduction des produits phyto. Il y a mathématiquement moins de raisins, mais ceux-ci sont plus gros, 18 % de perte de rendement ont été constatés mais pour 12.400 kg/ha.

Il y a beaucoup moins de pénibilité de travail, « les ceps sont montés plus haut, c’est beaucoup plus à portée et on travaille avec des petits tracteurs voire avec des quads, il y a donc moins de tassement de sol », relate encore le Champenois. Ces vignes ont moins souffert du gel du printemps dernier, en revanche, la hauteur (plus de 2 m.) rend les végétaux plus sensibles à l’échaudage.

D’un président à l’autre

Après seulement neuf mois à la présidence du BIVB, Frédéric Drouhin a laissé le poste pour s’envoler « vers des projets plus personnels ». Il avait repris au pied levé la présidence après les soucis de santé de Louis-Fabrice Latour. Aujourd’hui, c’est Laurent Delaunay qui lui succède. Cet œnologue et technicien de formation est issu d’une famille de producteurs et négociants-éleveurs. La Maison Édouard Delaunay a été fondée en 1893 et est située dans les Hautes Côtes, à l’Étang-Vergy, en Côte-d’Or, à mi-chemin entre Dijon et Beaune. Laurent Delaunay est impliqué dans les instances professionnelles depuis de nombreuses années, avec des mandats locaux (vice-président de la FNEB / UMVGB et administrateur du BIVB depuis 2012) et nationaux (conseil de surveillance de FranceAgriMer, UMVin, Anivin).

Lors de son discours, Laurent Delaunay a évoqué la « période d’incertitudes, sans nul doute intense et riche en défi », dans laquelle il entame sa co-présidence. Il a aussi rappelé l’importance d’accompagner et de justifier auprès du public les prix élevés que vont afficher les bouteilles de Bourgogne en raison de la pénurie de vins à prévoir… Avant de conclure, « l’unité de la Bourgogne est une force, il faut la préserver ! ».