Zone de non-traitement
ZNT : la balle dans le camp de l’Anses

C’est l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) qui va devoir déterminer les distances d’épandage des produits phytosanitaires. Ainsi en a décidé le gouvernement après avoir demandé son avis au Conseil d’État. Une phase transitoire est prévue.

ZNT : la balle dans le camp de l’Anses
Près de 300 agriculteurs ont investi la place du Palais Royal, devant le Conseil d’Etat le 14 décembre pour dénoncer un avis concernant les ZNT et plus largement le fait que les « agriculteurs sont aujourd’hui noyés sous des règles pléthoriques (…) qui compliquent l’exercice du métier ».

La manifestation de près de 300 agriculteurs du Grand bassin parisien le 14 décembre, dès potron-minet, devant le Conseil d’État n’aura peut-être pas été vaine. En effet, la plus haute juridiction administrative a décidé de botter en touche sur les zones de non-traitement (ZNT). Missionnée par le gouvernement en juillet dernier, elle devait, dans un délai de six mois, revoir « les distances minimales d’épandage des produits dont la toxicité n’est que suspectée » mais aussi « prévoir des mesures de protection pour les personnes travaillant à proximité » et enfin veiller à « l’information des résidents et des personnes présentes ».

Finalement, les choses se sont accélérées en ce début de semaine et le gouvernement a décidé de s’en remettre à l’Anses. Il lui demande notamment « d’accélérer la mise à jour des autorisations pour évaluer scientifiquement et intégrer ces distances dans les autorisations de mise sur le marché », indique un communiqué commun du ministère de l’Agriculture et de celui de la Transition écologique. L’Anses sera également « amenée à fixer explicitement une distance de non-traitement pour les produits concernés (classés CMR2*, N.D.L.R.) qui en feraient la demande », indique le communiqué.

Chartes bis repetita

Surtout, les deux ministères mettent en consultation publique, un projet de décret et un projet d’arrêté adaptant le dispositif des ZNT. Plus concrètement, le projet de décret devrait confirmer « le principe des chartes d’engagement comme outil de concertation au niveau local », indique le communiqué ministériel. Le ministère encourage « chaque territoire à choisir la solution la plus adaptée ».

Le futur décret devrait aussi prévoir que chaque charte mettra en place un système d’information préalable des personnes présentes et des résidents. En outre, « les préfets et organisations représentatives disposeront d’un délai maximum de six mois pour mettre à jour les chartes. Durant ce délai, les chartes actuellement approuvées continueront de s’appliquer », précisent les deux ministères.

Le projet d’arrêté qui comprend déjà les règles qui s’appliquent à proximité des bâtiments habités devrait être complété par « un périmètre prévoyant des ZNT pour les lieux accueillant des travailleurs présents de façon régulière à proximité de ces traitements ». Selon toute vraisemblance, chaque notion de proximité et donc de distance devrait être discutée au plan départemental, avec comme base de discussion les chartes signées localement.

* Les produits CMR regroupent les substances cancérogènes (C), mutagènes (M) et toxiques pour la reproduction (R). Ils sont classés en 3 catégories : 1A (potentiel avéré), 1B (supposé) et 2 (suspecté)

Les zones d’ombre des nouveaux textes

Le ministère de l’Agriculture a mis en consultation le 21 décembre deux textes réglementaires sur les zones de non-traitement (ZNT) en matière de phytos, en répondant a minima à la décision du Conseil d’État. Les distances seront bien étendues aux travailleurs, mais les modes d’information des riverains sont renvoyés aux chartes. Quant aux restrictions sur les produits classés CMR2, elles attendront l’automne 2022, tout comme les éventuelles indemnisations d’agriculteurs. En matière d’information des riverains, comme le confie Christian Durlin, la FNSEA suggère toujours de valoriser les Bulletins de santé du végétal pour communiquer sur des probabilités de traitement, ou de développer des systèmes d’affichage dans les parcelles.

Aucune mention en revanche dans les nouveaux textes des produits suspectés d’être cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques (CMR2). Concernant les autorisations de mise sur le marché (AMM) pour l’heure, après le 1er octobre 2022, tous les produits CMR2 qui n’auront pas été réexaminés par l’agence pour des distances spécifiques pourraient alors voir leurs zones de non-traitement fixées à 10 m. Le syndicalisme majoritaire doute que quelques mois supplémentaires suffisent à achever le travail, alors que seule une dizaine de produits CMR2 sur les 300 existants ont pour l’heure été réévalués par l’Anses. La Rue de Varenne, consciente des embouteillages sur les bureaux de l’agence, envisagerait cependant déjà de renforcer ses moyens.

C’est également à l’automne prochain que pourrait être envisagée, notamment pour les situations d’impasses techniques sur les CMR2, la compensation demandée de longue date par le syndicalisme majoritaire. « Beaucoup de choses vont de passer d’ici là, et nous demandions la compensation dès le premier mètre », s’agace Christian Durlin.

 

Exposition aux pesticides : création d’un tableau pour les maladies professionnelles

Dans un décret du 22 décembre, le ministère de l’Agriculture vient de créer un tableau de maladie professionnelle relatif au cancer de la prostate « en lien avec l’exposition aux pesticides », a-t-il annoncé. Ce décret qui « va permettre de compléter et de faciliter les possibilités d’accompagnement au bénéfice des travailleurs agricoles qui ont été exposés aux pesticides », vient surtout officialiser la reconnaissance des cancers de la prostate liés à l'exposition au chlordécone, un pesticide très utilisé pendant des décennies aux Antilles, notamment dans les bananeraies. D’une manière générale, les agriculteurs concernés pourront prétendre à un fonds d'indemnisation des victimes s'ils ont travaillé pendant 10 ans au contact du chlordécone et s'ils ont été malade moins de 40 ans après y avoir été exposé. Plus de 90 % de la population adulte en Guadeloupe et en Martinique est actuellement contaminée par le chlordécone, selon Santé publique France. Cependant, le gouvernement souhaite « élargir le champ des réparations des préjudices subis par les victimes exposées professionnellement aux pesticides, avec la révision de tableaux existants au régime agricole et liées à l’exposition aux pesticides (maladie de Parkinson, lymphomes non hodgkinien notamment) », précise le communiqué. Ce décret ouvre aux agriculteurs concernés un fonds créé en 2020 et destiné à indemniser les personnes atteintes de maladies liées aux pesticides. Les personnes éligibles peuvent dès à présent se rapprocher de leurs caisses de sécurité sociale (caisses de MSA...) pour déposer une demande d’indemnisation.