Prédation par des loups
Bruxelles propose un changement du statut de protection

Sur la base d’une nouvelle analyse, la Commission européenne a proposé de revoir le statut de protection du loup dans la convention de Berne, étape préalable à un reclassement au niveau européen en vue de permettre aux États membres d’avoir recours à des mesures de gestion des populations plus souples. « Enfin ! », saluent organisations agricoles et certains eurodéputés qui poussaient en ce sens. Mais les ONG dénoncent une décision électoraliste à l’approche des élections européennes de juin 2024.

Bruxelles propose un changement du statut de protection

Comme s’y était engagée sa présidente Ursula von der Leyen, la Commission européenne a présenté le 20 décembre une proposition de décision, qui devra être validée par les États membres, visant à adapter le statut de protection du loup au titre de la Convention internationale de Berne sur la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe. Bruxelles propose de faire passer le loup d’un statut de protection stricte (annexe II) à une protection simple (annexe III) permettant des mesures de gestion des populations plus souples. Cette modification est une condition préalable à tout changement similaire de statut au niveau de l’UE dans le cadre de la directive Habitats. Le loup relève actuellement de l’annexe IV (statut de protection stricte) dans la directive Habitats et pourrait donc être déplacé vers l’annexe V (statut de protection simple).

Avant cela, il faudra dans un premier temps un vote à la majorité qualifiée en faveur de la proposition au sein du Conseil Environnement. Si elle obtient son feu vert, la Commission européenne espère être en mesure de soumettre sa proposition lors de la 44e réunion du Comité permanent de la Convention de Berne qui se tiendra du 2 au 6 décembre 2024. Mais elle pourrait aussi solliciter la tenue d’une réunion exceptionnelle à la fin du premier semestre 2024. En 2022, la demande, portée par la Suisse, visant à reclasser le loup de l’Annexe II à l’Annexe III, avait été rejetée. Pour être adoptée, ce type de proposition doit recueillir une majorité des deux tiers des parties contractantes à la Convention de Berne – qui s’élève à une cinquantaine : la plupart des pays européens et quelques pays africains concernés par la question des oiseaux migrateurs. Seuls six pays s’étaient alors exprimés en faveur de la demande suisse.

Selon la Convention de Berne et la directive Habitats, si une espèce est « protégée » (et non plus « strictement protégée »), la chasse peut être autorisée, en tenant compte de l’état de conservation des populations. La chasse à cette espèce doit être soigneusement réglementée par les États membres qui sont toujours tenus de veiller à ce que l’état de conservation favorable soit atteint et maintenu pour les populations de leurs régions biogéographiques.

65.500 têtes de bétail tuées chaque année

L’analyse de la Commission européenne, qui s’appuie sur les données récoltées auprès des États membres, montre que les populations de loups ont considérablement augmenté au cours des deux dernières décennies, atteignant « 20.000 individus avec des aires de répartition en expansion, ainsi que des meutes de reproduction dans 23 États membres ». « Cette expansion a conduit à des conflits croissants avec les activités humaines, notamment concernant les dégâts causés au bétail, avec une forte pression sur des zones et des régions spécifiques », souligne Bruxelles. Selon le préfet, la Saône-et-Loire fait partie des dix départements français les plus prédatés en 2023.

Les loups dans l’UE tuent chaque année au moins 65.500 têtes de bétail, dont 73 % sont des moutons et des chèvres, 19 % des bovins et 6 % des chevaux et des ânes (pour la plupart élevés pour la viande). Mais à échelle de l’UE, l’impact sur le bétail reste très faible (avec une mortalité annuelle de 0,065 %), précisent les auteurs de l’analyse. Ces dommages coûtent à l’UE environ 18,7 millions d’euros en réparation. La France est le pays où ces compensations sont les plus élevées avec environ 4,1 M€ d’indemnisation en 2022.

Absence de rapport officiel

La présidente de la Commission européenne s’était engagée fin août à revoir le statut de protection du loup d’ici la fin de l’année. Pour prendre cette décision, elle avait demandé aux États membres de lui faire parvenir des données actualisées sur les populations de loups. « Enfin ! », s’est félicitée Christiane Lambert, qui préside le Copa-Cogeca. « Il ne s’agit pas d’éradication, mais d’assurer une véritable coexistence harmonieuse entre les éleveurs et les loups », salue l’organisation professionnelle. Au Parlement européen, qui s’était prononcé il y a un an pour un déclassement du loup, les Français Jérémy Decerle (centriste) et Anne Sander (droite) ont aussi salué la proposition de la Commission européenne.

Les ONG (Birdlife, EBB, WWF) dénoncent un cadeau fait aux éleveurs et une décision électoraliste (à l’approche des Européennes de juin 2024) prise sur la base de données floues et sans publication du rapport officiel concernant l’état de la biodiversité attendu pour 2026 sur la base des données récoltées en 2025. Selon le WWF, Ursula von der Leyen « sacrifie délibérément des décennies de travail en faveur de la protection de la nature pour son propre intérêt politique ». En vain, le bureau européen de l’Environnement (EBB) soutenu par quelque 300 ONG européennes « préoccupées par le fait que le débat a été largement dominé et dirigé par les représentants de l’industrie agricole et de la chasse », demandait pourtant, quelques jours auparavant, dans une lettre du 18 décembre adressée à la présidente de la Commission européenne, de ne pas réviser le statut de protection du loup. L’ONG Eurogroup For Animals appelle donc les États membres à voter contre cette proposition. Verdict dans les prochains mois !