Développement durable
Lancer sa démarche RSE en viticulture

Ariane Tilve
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Qu’est-ce qu’une démarche de Responsabilité sociale des entreprises (RSE) ? Pourquoi et comment se lancer sans attendre, mais sans précipitation pour autant, Iris Bottut, directrice des Vignerons engagés, et Amélie Petit, responsable développement, nous expliquent tout dans un webinaire très complet.

Comment appliquer les obligations de RSE "de la vigne au verre" ?
Comment appliquer les obligations de RSE "de la vigne au verre" ?

Pour rappel, la Responsabilité sociale des entreprises (RSE) est définie dans la norme ISO 26000 comme étant « la responsabilité d’une organisation vis-à-vis des impacts de ses décisions et de ses activités sur la société et sur l’environnement, se traduisant par un comportement transparent et éthique qui contribue au développement durable ; prend en compte les attentes des parties prenantes ; respecte les lois en vigueur et est compatible avec les normes internationales. Elle est intégrée dans l’ensemble de l’organisation et mise en œuvre dans ses relations ». Mais pourquoi se lancer maintenant ? Outre le contexte environnemental, « c’est un outil pour anticiper les nouvelles réglementations, plutôt que de les subir, mais aussi pour répondre aux attentes sociétales », répond Iris Borrut. En d’autres termes, le RSE engage l’entreprise dans un développement durable (DD), c’est à dire qu’elle doit apprendre à se développer sans entamer la capacité des générations futures à se développer à leur tour. « Le DD ne concerne pas uniquement l’environnement, donc, mais veille également à l’équité sociale et la pérennité économique de l’exploitation » ajoute la directrice de l’association Vignerons engagés.

Les enjeux RSE de la filière vin 

De la préservation des ressources (eau, sol, etc.) à l’adaptation au changement climatique en passant par le maintien, voir l’augmentation de la biodiversité, il existe des enjeux propres à la vigne, à l’instar du décalage phénologique avec un impact sur la qualité des vins. Il s’agit également de préserver le patrimoine bâti et paysager mais aussi faire cohabiter l’agriculture en général avec d’autres enjeux socio-économiques tels que le tourisme et le logement ; ou encore assurer un revenu cohérent ou la transmission du domaine. A cette liste, non exhaustive, qui concerne essentiellement la production, s’ajoutent les enjeux liés à la vinification et à la commercialisation, de l’export du vin à l’utilisation des matières premières pour le conditionnement.

La stratégie RSE représente un atout fort pour la marque employeur, et donc faciliter les embauches, et un argument commercial, pour booster les ventes. C’est aussi un projet fédérateur en interne. La démarche peut être entreprise via une labellisation, mais aussi au sein d’un syndicat ou d’une interprofession, lorsque ceux-ci souhaitent sensibiliser leurs adhérents. Cela peut se traduire sur tous les étapes de la production, du vignoble au chai en passant par la commercialisation, ou encore au sein de l’organisation de l’entreprise.

Comment procéder ?

Il existe une multitude d’actions qui peuvent rentrer dans une démarche RSE, mais si l’exploitant se contente d’une seule action, il s’agit d’une bonne pratique, indéniablement, pas d’une démarche RSE en bonne et due forme. Pour cela il faut associer plusieurs actions à une réflexion stratégique. Plusieurs viticulteurs mènent aujourd’hui déjà une démarche en ce sens, sans forcément le savoir, en limitant les intrants, avec une réflexion sur la sobriété du conditionnement, sur la gouvernance collective territoriale, avec l’agroforesterie, les nichoirs, etc.

Les outils pour se lancer

Avant de se lancer, il y a cinq étapes clés à respecter :

1.       Bien comprendre ce qu’est la RSE. Pour être sûr d’avoir compris, il suffit de se demander pourquoi on se lance, avec qui ? Il est important d'impliquer les parties prenantes en interne (salariés, familles, etc.) mais aussi en externe (fournisseurs, organismes agricoles, etc.) qui peuvent éventuellement eux-mêmes dans une démarche RSE), mais aussi quelles sont mes sources d’informations, des associations aux organismes agricoles en passant par les services de l'État.

2.       Faire un état des lieux de mes pratiques actuelles. Il faut commencer par se demander quelles sont les valeurs de mon entreprise ? Se traduisent-elles dans mes pratiques ? Quelles pratiques, de la vigne au verre, puis-je d’ores et déjà mettre en avant ? Quels sont les axes d’amélioration continue puis-je mettre en place, sachant que l’idée de continue, de durable, est essentielle au RSE. S’il n’est pas obligatoire, le diagnostic RSE par un tiers est fortement recommandé. Il est toujours plus facile pour une personne extérieure à l’exploitation d’identifier les points forts et les axes d’amélioration afin d’élaborer un plan d’action. Des évaluateurs comme l’Afnor se basent sur la norme ISO 26000 qui est reconnue dans 126 pays dans le monde.

3.       Identifier mes parties prenantes et les questionner sur leurs attentes. Qui sont mes parties prenantes internes et externe (clients, riverains, employés, famille, fournisseurs, adhérents, assureurs, interprofession, partenaires sociaux, la concurrence, etc.) ? Quelle importance ont-elles dans mon activité ? Identifier ces parties prenantes permet de dialoguer avec chacune d’entre elle, d’identifier les risques et les opportunités qui nous lient, et s’inscrit dans la pérennité du domaine. Il faut que chacun adhère au plan d'action pour qu'il soit plus facile à mettre en place et surtout qu'il puisse perdurer dans le temps, évoluer avec les pratiques et les contraintes de chacun. Sachant que l'on ne peut contenter tout le monde, il faut donc hiérarchie les parties prenantes, définir celles qui sont les plus importantes (parties prenantes principales) pour l'exploitant et l'activité et s'attacher en premier lieu à leurs besoins, leurs contraintes. 

4.       Définir ma stratégie RSE. Quels sont les principaux enjeux sur lesquels je dois travailler ? Qu’attendent mes parties prenantes principales ? Quels risques et quelles opportunités puis-je anticiper pour les années à venir ? Identifier les enjeux est l’une des étapes clés pour établir ma stratégie RSE. Le principe est de faire une liste exhaustive pour hiérarchiser l’importance pour soi et pour les parties prenantes afin de réduire le nombre d’enjeux, via un questionnaire par exemple. Vignerons engagés propose notamment un questionnaire type dont vous pouvez vous inspirer pour construire votre « matrice de matérialité ». Derrière ce mot barbare se cache un outil visuel qui permet de croiser les attentes des parties prenantes et vos attentes en tant qu’entreprise pour prioriser les enjeux en DD, mais aussi pour construire ma stratégie et mon plan d’action RSE. Ce n’est pas une fin en soi, mais un outil de travail.

5.       Animer ma démarche, éventuellement la faire labelliser et communiquer ! Comment impliquer mes collègues dans ma démarche pour ne pas la porter seule ? Pour faire vivre son plan d'action il est essentiel, encore une fois, d'inscrire sa démarche dans le temps et d'en partager les démarches, de communiquer. Mais attention, il ne faut surtout jamais communiquer avant d’avoir agi, au risque d'être accusé de "greenwashing".

La stratégie RSE repose avant tout sur du bon sens. La démarche couvre l’ensemble de la production, de la vigne jusqu’au verre.