Gestion des eaux
Le fossé de l’impasse

Françoise Thomas
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Nouvel exemple de la mise en pratique de la loi sur l’eau entrainant une totale incompréhension sur le terrain, voire des aberrations, et prenant au piège des agriculteurs qui ne demandent que de pouvoir utiliser leurs terres. Cette fois, le problème se situe dans la Bresse à Savigny-en-Revermont. 900 m d’un fossé classé cours d’eau, dont certains drains sont bouchés, nécessiteraient un curage d’entretien. La facture annoncée est très élevée !

Le fossé de l’impasse
Les agriculteurs devant le cours d'eau bouché : Pierre Mercier, Anton Andermatt, Cédric Guillaume, le maire Robert Goyot, François Mercier et Jérôme Deliance.

« Voici le fossé de la colère », annonce le maire de Savigny-en-Revermont en arrivant sur le site source des problèmes. Et en effet, les agriculteurs concernés ne décolèrent pas.
Des drains bouchés empêchent l’écoulement naturel des eaux. Au pied du Revermont, le profil de ces terres bressanes est bien peu pentu, d’où l’aménagement de tout temps de fossés pour drainer l’eau et rendre les terres cultivables.
Sur le site, en contrebas du village, près de 60 ha de culture sont concernés, exploités par six agriculteurs. La lagune, aménagée en 2014 et servant à l’assainissement des eaux usées de 280 habitants, déverse également ses eaux dans ce fossé. « Celui-ci a été classé cours d’eau il y a quelques années, explique le maire actuel Robert Goyot, sans qu’on en soit averti ». S’il y a de l’eau quasiment toute l’année, celle-ci est plutôt stagnante une bonne partie de l’année : aucune source naturelle ne vient l’alimenter…

Anticiper les problèmes

« Depuis deux-trois ans, les problèmes d’écoulement des eaux se fait ressentir, car les dépôts s'accumulent naturellement jusqu'aux niveaux des drains, nous avons donc pris les devants pour ne pas attendre qu’il soit trop tard et nous avons déposé notre demande », expliquent les agriculteurs réunis en association foncière depuis de nombreuses années.

Bien mal leur en a pris, estiment-ils désormais : « si on avait curé sans rien dire, sans doute personne n’en aurait rien su et au pire, on aurait "juste" été condamnés à du sursis », lâchent-ils en référence à l’affaire similaire du cours d’eau curé du côté de Versaugues (voir encadré)…
Car cette demande de travaux de curage leur a réservé une bien mauvaise surprise. Les services de la Direction départementale des territoires dépêchés sur place impose des relevés - avant, pendant et après les travaux - de la population d’une espèce de libellule, repérée lors d’une visite.

« À 3.500 € le comptage, cette procédure nous coûte 11.500 € à elle seule », détaille Cédric Guillaume le président de l’association foncière, une somme impossible à couvrir quand on sait que le budget annuel de la structure plafonne à 11.000 € et qu’il doit être ventilé sur l’ensemble des réseaux de fossés et de chemins à entretenir !
« En fait en respectant la procédure, on se retrouve puni », insiste Anton Andermatt l’un des agriculteurs concernés. 

Fin de non-recevoir

La situation est d’autant plus dommageable que le ressenti des agriculteurs est clairement celui d’une impossibilité de dialogue, d’aucune prise en considération de leurs métiers, de leurs activités, de leurs contraintes et des conséquences des inondations potentielles à venir sur leurs cultures.

« Nous avons proposé de curer en trois ou quatre fois si nécessaire, explique Cédric Guillaume le président de l’association foncière, mais rien à faire, on ressent un vrai manque de concertation ». « On voit bien dans les parcelles semées, les taches où très certainement rien ne va pousser à cause des premières résurgences sur les terrains », fait remarquer le maire, pointant du doigt les zones qui restent nues en ce mois de janvier quand tout autour on voit poindre les premières pousses des différents semis.
De tout temps, l’endroit a toujours été curé, « ça l’était avant nous et il y a toujours des libellules ! En plus, ce genre d’intervention se passent tous les quinze-vingt ans environ, ce n’est pas comme s’il fallait nettoyer tous les deux-trois ans ». Et ces agriculteurs soulignent que même un cours d’eau peut nécessiter un entretien.
Une question, in fine, taraude également les exploitants : « Qui paiera le jour où il y aura un accident car la route sera inondée ? Vers qui se retournera-t-on ? »

Pessimiste et en colère, pris au piège d’un système qui les dépasse et ne les prend pas en considération, ils menacent de curer le fossé malgré tout : « nous serons les gilets verts ! »

Demande de concertation

Interrogé sur cette nouvelle affaire, Louis Accary, le maire de Versaugues condamné en novembre dernier pour avoir curé un cours d’eau qui posait des problèmes d’inondation (voir notre édition du 4 décembre 2020), réitère plus que jamais sa demande de concertation conjointe en préfecture. Pour lui, il est « primordial désormais d’assoir autour d’une même table, les différents services de l’État concernés, les maires ruraux, les représentants de la profession agricole ».
Cette demande, comme notre demande d'informations auprès de la préfecture, sont en attente d’un retour.