Menu sans viande à Lyon
Le menu qui crée la polémique

Le maire écologiste de Lyon, Grégory Doucet, a décidé d’imposer des menus sans viande tous les jours, à compter du lundi 22 février. Raison invoquée : la rapidité du service et la lutte contre la Covid-19. Une décision qui a créé une vaste polémique politique et la colère des agriculteurs.

Le menu qui crée la polémique
«Il faut d'abord se poser la question du local, plutôt que de se poser celle du viande/pas viande!», a expliqué de son côté le président de Jeunes Agriculteurs Samuel Vandaele, le 22 février sur Cnews.

« Ce menu correspond au goût du plus grand nombre (2 % des Français se déclarent végétariens, 0,5 % vegans, NDLR). Si la situation sanitaire le permet, la ville reviendra aux menus tels qu’on les connaît, avec des menus sans viande une fois par semaine », a déclaré le 20 février, le maire de Lyon, Grégory Doucet. Il a en effet décidé d’imposer à partir du lundi 22 février des menus uniques sans viande (mais avec œufs et poissons) dans les cantines scolaires. Le prétexte avancé : « servir plus rapidement les enfants pour limiter les risques de contagion ». Stéphanie Léger l’adjointe au maire chargée de l’éducation a même ajouté : « le seul moyen de faire manger un plat chaud à tous les enfants de l’école, c’est de proposer un plat sans viande, mais avec des protéines animales comme le poisson ou les œufs, conforme aux exigences nutritionnelles. Nous n’excluons personne, c’est même le contraire ! ». Elle faisait notamment référence à la moitié des élèves de primaire qui ne choisissent pas la viande, par goût, par habitude familiale ou par précepte religieux. Dans le même temps, une adjointe à la mairie de Paris affirmait que la capitale réfléchissait à une même mesure.

Sauf avis contraire du préfet, la décision de Grégory Doucet doit être appliquée jusqu’aux prochaines vacances de Pâques, soit jusqu’au 10 avril. Certes, l’ancien maire de Lyon, Gérard Collomb, avait pris une décision identique au printemps 2020, mais « le contexte était totalement différent, nous étions au tout premier confinement et nous expérimentions », a justifié le conseiller municipal d’opposition Yann Cucherat.

« Insulte inacceptable aux éleveurs » 

La réaction de l’opposition lyonnaise ne s’est pas faite attendre, de même que celles des principaux ministres concernés par le dossier. « Idéologie scandaleuse », a tweeté, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, le 20 février ajoutant : « insulte inacceptable aux agriculteurs et aux bouchers français ». Pour lui, le maire de Lyon veut exclure les classes populaires des cantines scolaires au nom d’une « politique moraliste et élitiste ». Car, dit-il, « de nombreux enfants n’ont souvent que la cantine pour manger de la viande ». Le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie lui a embrayé le pas en déclarant : « Arrêtons de mettre l’idéologique dans l’assiette de nos enfants. Donnons-leur simplement ce dont ils ont besoin pour bien grandir. La viande en fait partie », a-t-il réagi sur les réseaux sociaux. Le député européen et éleveur charolais, Jérémy Decerle fait la même conclusion. Le ministre de l’Agriculture a par ailleurs indiqué avoir saisi le préfet du Rhône à ce sujet, afin qu’il exerce son contrôle de légalité. Plus prudent, le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, veut croire aux motifs sanitaires invoqués par l’édile local. « Il ne faut pas que ce soit une décision idéologique », a-t-il précisé lors de l’émission “Le Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI”

« L’idéologie sans le courage » 

La présidente de la FNSEA, Christiane Lambert, est-elle aussi montée au créneau en dénonçant le caractère « scandaleux » de cette décision : « prétexter les règles sanitaires du Covid-19 pour imposer les menus sans viande obligatoires aux enfants à la cantine, c’est afficher l’idéologie sans le courage. C’est contraire au Plan national nutrition santé. C’est insultant pour les familles », a-t-elle tweeté. Sur le terrain le président de la FDSEA du Rhône, Pascal Girin, lui-même éleveur de bovins à Grandis, explique que cette mesure déplaît « à un grand nombre de parents d’élèves pour qui le repas de midi est important », a-t-il indiqué. Selon lui, ce repas représente « une sécurité », l’assurance « d’avoir des enfants nourris avec un repas équilibré, ce qu’ils n’ont pas forcément le soir ». Le président de la FDSEA ne décolère pas : « Par ce biais-là, je pense qu’on veut plutôt orienter ou manipuler la population vers une idéologie extrême de l’écologie (…) On ne va pas en rester là », a-t-il prévenu annonçant l’installation d’une mini-ferme devant la mairie pour sensibiliser la population et y vendre de la viande. Il se dit d’autant plus déçu qu’« on nous a laissés entrevoir une collaboration entre la Métropole et le monde agricole (notamment dans le cadre de la Loi Égalim et des projets alimentaires territoriaux, ndlr) et on se voit sanctionnés ou imposer une décision pour laquelle nous n’avions pas été prévenus », fustige-t-il.

Pompili regrette « un débat préhistorique »

En marge d’un déplacement en Charente-Maritime dans une cantine scolaire le 22 février, la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili a regretté « un débat préhistorique » autour de menus sans viande à Lyon, prenant le contre-pied d’autres membres du gouvernement. D’après l’AFP, elle a aussi déploré « des clichés éculés, du type "l’alimentation végétarienne serait une alimentation déséquilibrée", alors qu’on sait que la viande peut être remplacée par du poisson, des oeufs, des légumineuses qui apportent toutes les protéines nécessaires ». Par ailleurs, le gouvernement porte l’expérimentation de menus végétariens quotidiens dans les cantines scolaires, dans le cadre de la loi Climat et résilience. « Sur la méthode, (...) ça doit se faire dans la concertation, en faisant des expérimentations, en donnant le choix et c’est la méthode que j’utilise », a précisé Barbara Pompili.

Levée de boucliers de la profession agricole

Les syndicats agricoles – hormis la Confédération paysanne – sont vent debout contre la décision de la mairie de Lyon de servir un menu unique sans viande dans ses cantines scolaires. « Quelle intolérance chez certains écologistes, alors que le Plan national nutrition santé insiste sur la nécessité d’un repas equilibré », a dénoncé la présidente de la FNSEA Christiane Lambert sur LCI le 21 février. Alors que la municipalité justifie son choix d’un menu unique par les contraintes sanitaires, la responsable syndicale accuse, dans un tweet, les élus lyonnais d’« afficher l’idéologie sans le courage ». La FDSEA du Rhône a manifesté devant l’Hôtel de ville le 22 février. « Il faut d’abord se poser la question du local, plutôt que de se poser celle du viande/pas viande ! », lance de son côté le président de Jeunes Agriculteurs Samuel Vandaele, le 22 février sur Cnews. Quant à la Coordination rurale, elle dit « merci » au ministre de l’Agriculture pour avoir appelé à « arrêter de mettre de l’idéologie dans l’assiette de nos enfants ». Dans un communiqué du 22 février, le Modef se dit « scandalisé », alors que « certains enfants ne mangent pas à leur faim chez eux ». Une ligne partagée par la CFBCT (bouchers, charcutiers, traiteurs), dont le président Jean-François Guihard dénonce « une insulte à l’ensemble des professionnels de la filière qui ont été mobilisés tout au long de la crise sanitaire ».