Section bovine de la FDSEA
Mise en marché des bovins : les contrats sont un changement de paradigme

Marc Labille
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Le déploiement des contrats est le chantier numéro un pour la section bovine de la FDSEA. Profitant d’un marché favorable et d’une loi qui met enfin de l’ordre dans les pratiques commerciales, le temps est venu d’en finir avec le manque de revenu. 

Mise en marché des bovins : les contrats sont un changement de paradigme
Pour Guillaume Gauthier et Michel Joly, les contrats constituent un outil pour la mise en marché des animaux qui permet désormais à l’éleveur de construire son prix.

L’assemblée générale de la section bovine de la FDSEA a eu lieu le 21 février dernier à Écuisses. La réunion a débuté par un tour d’horizon de l’activité de l’année écoulée. Bilan qui a immédiatement donné le ton d’une section syndicale qui ne se contente pas de dénoncer, mais agit par des actions concrètes (lire encadré).

En dépit de prix mieux orientés, la décapitalisation chronique, la baisse des aides couplées, la hausse des charges confortent le cruel manque de revenu qui perdure dans la production bovine. La conjoncture actuelle (lire encadré), avec des prix qui peinent à remonter malgré le manque de disponibilité, confirme que quelque chose ne tourne pas rond dans la filière. C’est ce constat révoltant qui, après les échecs des ÉGAlim 1, impose aujourd’hui un véritable changement de paradigme, estime Guillaume Gauthier, président de la section bovine. En rendant les contrats obligatoires, les ÉGAlim 2 offrent enfin « des outils pour devenir acteur de son prix », résumait le président de la FDSEA, Christian Bajard.

Coûts de production enfin pris en compte

Le déploiement des contrats a été le sujet central de cette assemblée. Des contrats qui, depuis le 1er janvier dernier, s’imposent déjà aux jeunes bovins, génisses, vaches de race à viande et signes officiels de qualité. Tout l’intérêt de ces contrats réside dans le fait qu’ils intègrent le coût de production. C’est une avancée majeure pour les éleveurs qui se voient ainsi mieux armés face à un aval tout puissant. Ce coût de production vient à nouveau d’augmenter de + 4,6 % par rapport au trimestre précédent, confirmait Hélène Fuchey de la FNB. Il est aujourd’hui de 5,34 € pour des vaches allaitantes, 5,84 € pour des génisses, 5,17 € pour des JB et 3,54 € pour des broutards… Des chiffres qui sont loin d’être couverts par les prix pratiqués aujourd’hui et auxquels il faudrait ajouter 1,10 € de plus sans les aides Pac !

« Un mythe qui tombe… »

Sans surprise, l’application de ces contrats, que la loi rend obligatoire, n’est pas appréciée par tout le monde. La pensée économique dominante continue de cautionner la politique des prix bas. Durant l’été 2020, en pleine première vague de Covid, le prix des vaches avait pris + 42 centimes par kilo de carcasse sans empêcher une explosion de la consommation de steak haché, rappelait Guillaume Gauthier. Pourtant, nombre de détracteurs prédisaient l’inverse et que cette hausse allait retomber. « Cela n’a pas été le cas. C’est un mythe qui tombe ! », recadre le président de la section bovine. Ce rétablissement de la vérité en appelle d’autres : une hausse de + 1 € le kilo de carcasse n’alourdirait le budget des ménages que de + 25 € par personne et par an, rappelait-on. Autre fait à connaître : les consommateurs ont encaissé une hausse globale des produits de + 177 % en 20 ans ! Une envolée constante et vertigineuse que les prix payés aux producteurs ont vite cessé de suivre. Cette hausse a bien profité à certains maillons de la filière et n’a pas empêché les consommateurs de consommer, faisait-on remarquer.

Il faut se lancer !

Pour la section bovine, le mot d’ordre est qu’il faut se lancer dans l’établissement des contrats sans attendre. Dépasser les réticences et prendre son crayon, encourageait Guillaume Gauthier. Les adhérents à une coopérative pourront compter sur leur organisation de producteurs pour les guider dans la démarche. Les adhérents d’Elvéa pourront s’appuyer sur l’accord-cadre mis au point par Elvéa France. Seuls les éleveurs qui se rendent sur un marché sont dispensés de contrat, informait-on.

Conscients des interrogations suscitées par cette nouvelle façon de mettre ses animaux en marché, les responsables de la section bovine se montraient rassurants. Les risques sont en effet inexistants à tenter d’établir un contrat. Contrairement aux idées reçues, ce dernier « n’enferme pas l’éleveur », assurait Guillaume Gauthier qui prenait l’exemple des productions céréalières où les contrats ne posent pas de problème. « C’est vrai que la difficulté est de savoir quel contrat proposer à son acheteur », reconnaissait Christian Bajard. Des réunions d’information, des formations vont être proposées aux éleveurs pour les aider à remplir leurs contrats.

« Vous êtes des chefs d’entreprise. C’est vous qui faites naître, vous qui devez faire rémunérer votre travail… », renchérissait le président de la section bovine. Le contrat est l’outil qui permet de le faire. Et même s’il ne fait aucun doute que les distributeurs se montreront très durs dans les négociations de ces contrats, la loi ÉGAlim 2 a prévu des contrôles et des sanctions pour les acteurs qui ne joueront le jeu, prévenait-on. En tout cas, la profession ne lâchera pas l’affaire et elle saura le faire savoir lors du prochain salon de l’agriculture.

Conjoncture inédite…

C’est une conjoncture inédite que les éleveurs allaitants ont à affronter en ce début d’année 2022. Comme le confirmait Hélène Fuchey de la FNB, le cheptel allaitant est frappé par une décapitalisation sans précédent qui aboutit à une baisse des naissances, laquelle a un impact sur les marchés. La Bourgogne Franche-Comté est une des régions les plus touchées par ce phénomène et en Saône-et-Loire, cette décapitalisation dépasse – 2 %, indiquait l’intervenante. En résulte une baisse de l’offre sur le marché export de – 11 % d’où une hausse des prix de + 18 % en 2020. Du côté des animaux finis, la décapitalisation provoque un ralentissement des abattages avec même des pénuries inquiétantes de jeunes bovins. Les cotations européennes bondissent (+ 26 % pour les JB). Ces hausses sont toutefois plus tardives en France…

Dans le même temps, l’indice des prix d’achat des moyens de production agricole (Ipampa) a bondi de + 13 % en 2021, indiquait Hélène Fuchey. Un chiffre qui témoigne d’une hausse des charges inquiétante, laquelle a fait perdre aux éleveurs tout ce qu’ils auraient dû gagner en prix, résumaient les responsables de la section bovine. En 2021, le revenu moyen des exploitations allaitantes sera inférieur à 10.000 €.

Maintien de la pression sur les grossistes, GMS, élus…

La section bovine poursuit son action auprès de la restauration hors foyer et du grossiste Metro notamment. Ce travail efficace a débouché sur la mise en place d’une charte intégrant les attentes des éleveurs. L’opérateur a consenti des efforts pour s’approvisionner davantage en viande bovine française, saluaient les responsables de la section bovine. Les discussions seront poursuivies avec l’objectif d’aborder la rémunération des éleveurs avec les centrales d’achat.

Tout au long de l’année, les éleveurs ont maintenu la pression sur les GMS en leur remémorant ce plan de filière qu’ils ont tous signé et qui fixe un certain nombre de consignes. Trois magasins ont été ciblés par la section bovine (Carrefour Chalon, Leclerc Lux, Bi1 Buxy) avec au menu : vérification des origines des viandes, sensibilisation aux labels, nécessité d’une rémunération des éleveurs aux coûts de production… Toujours sous l’impulsion de la section bovine, une contractualisation est en train de se mettre en place avec le groupe Schiever (50 bêtes par semaine avec un prix intégrant le coût de production à hauteur de 20 %).

Pour une meilleure résilience économique

Ce lobbying auprès des acteurs économiques n’empêche pas la section de rester en « discussion permanente » avec les élus, les parlementaires et le préfet. La mobilisation perdure au-delà du département, en région, à l’échelle du bassin allaitant… À la région justement, la section bovine participe à la mise en place d’un « CAF Viande ». Pour répondre au manque de revenu, à la décapitalisation, à la problématique du renouvellement des générations, aux conséquences de la réforme de la Pac…, « une réflexion est conduite pour une meilleure résilience économique des exploitations », rapportait Loïc Belin, animateur de la section. Ces discussions n’épargnent pas les collectivités qui sont tenues d’avoir plus de 60 % d’approvisionnement local ou en signe de qualité, rappelait Michel Joly, représentant FRB. C’est à l’échelon régional que se dessine aussi le nouveau PCAE ainsi que les nouvelles MAE, informait le responsable.

Avec Interbev, le syndicalisme spécialisé est aussi partenaire de l’opération Made In Viande qui, malgré le Covid, a été reconduite en 2021 en vidéo et sur les réseaux sociaux.