Guerre en Ukraine
Une ferme France à l’épreuve de la résilience

Les Chambres d’agriculture France (CDA) ont dressé à la mi-février un état des lieux de l’agriculture française, un an après l’invasion de l’Ukraine par la Russie. La ferme France résiste mais les chiffres qui paraissent flatteurs cachent des réalités plus critiques. 

Une ferme France à l’épreuve de la résilience

« À première vue, la ferme France ne se porte pas si mal que cela. La balance commerciale des grandes filières, notamment la viticulture et les céréales, se portent bien […] mais quand on rentre dans le détail, la réalité est toute autre », a résumé Sébastien Windsor, président de CDA. De fait, le service Économie des Chambres d’agriculture pointent des secteurs en décroissance comme le lait, la volaille, la viande bovine… La France qui avait l’opportunité de compenser en partie les volumes de production perdus par l’Ukraine n’a pas pu saisir l’occasion en raison de nombreux facteurs. À commencer par « l’absence de réaction de la Commission européenne » qui a une facilité déconcertante « à porter des politiques de contrainte au lieu de porter des politiques d’encouragement », a lâché, entre déception et agacement, Sébastien Windsor. La Commission « n’a porté aucune politique de reconquête de souveraineté », a-t-il insisté, listant rapidement les contraintes et obstacles mis en place par l’instance communautaire en 2022 : la directive sur les émissions industrielles, celle sur la restauration de la nature, sur le système alimentaire durable, la directive SUR (pesticides) etc. Non pas qu’il s’oppose fermement à ces projets. Il regrette surtout le manque de vision prospective de la Commission sur l’agriculture européenne qui lui a fait perdre des opportunités sur les marchés internationaux.

Quels débouchés ?

Il craint surtout une perte de souveraineté alimentaire compte tenu du volume d’importations réalisées par notre pays sur de nombreux produits comme la viande de volailles. Beaucoup d’indicateurs sont en recul, ont concédé Marine Raffray et Thierry Pouch du service Économie de CDA. Le blé tendre recule de -2,8 % en surface (S) et de -3,6 % en volume (V). Il en est de même pour le maïs irrigué (-18,5 % S ; -24,7 % V), des betteraves industrielles (-10,3 % S ; -14,6 % V), etc. Seul le tournesol résiste avec une progression de +33,5 % (S) et +19,1 % (V). « La collecte de lait a reculé tout au long de l’année 2022 et cette baisse va s’accentuer au cours de l’année 2023 […] L’abattage de viande bovine est en recul d’environ 9 % et la baisse des volumes constatée devrait se poursuivre dans les prochains mois », a indiqué Marine Raffray. En face, la demande des consommateurs commence à s’effriter : la consommation alimentaire à domicile a chuté de - 8 % en 2022 par rapport aux trois années précédant la pandémie. Les Français entendent acheter moins cher et même acheter ailleurs. L’inflation les contraint à réaliser certains arbitrages, « rebattant ainsi les cartes des débouchés pour l’agriculture et la transformation », a insisté Thierry Pouch. Autrement dit, les Français se rabattent sur des produits premiers prix ou des marques de distributeurs qui, pour beaucoup, viennent de nos concurrents directs. D’où l’irritation légitime de Sébastien Windsor qui souhaiterait une réaction des pouvoirs publics en général et des collectivités locales en particulier, pour encourager à consommer français. « À condition que l’on change les règles. Il n’y a en effet aucune règle sur l’origine française des matières premières dans les appels d’offres, dans les commandes publiques », s’est-il agacé.