Changement climatique
Les semences sont-elles une solution ?

L’interprofession des semences et plants (Semae) a organisé en février une table-ronde sur le thème « La filière semences et plants répond aux impératifs de souveraineté alimentaire et de transition agroécologique face au réchauffement climatique ». S’y ajoute aussi une dimension consumériste dont il faudra tenir compte.

Les semences sont-elles une solution ?

L’une des conséquences du changement climatique est la montée progressive des cultures vers le nord mais aussi la recherche de plantes plus résilientes face aux aléas climatiques. Les courgettes qui sont d’ordinaires cultivées dans le sud de la France sont ramassées au-dessus de la Loire. Ainsi, Jean-Michel Ombredanne, agriculteur multiplicateur dans le Loir-et-Cher, produit-il plusieurs tonnes de semences de courgettes par an. Dans un autre domaine, le centre de recherche RAGT dans le Tarn, s’intéresse à sélectionner des plantes tolérantes aux maladies, aux insectes, et plus résistantes à la sécheresse. « Nous sommes le premier maillon de la production agricole et de ce fait, un acteur clé de la transition agroécologique, du changement climatique et de la souveraineté alimentaire », a affirmé Pierre Pagès, vice-président de Semae.

Mais le secteur des semences est, lui aussi, au carrefour « d’un faisceau de contraintes », selon l’expression de Marie-Cécile Damave, responsable innovations et affaires internationales du think-tank Agridées. En d’autres termes, ce secteur dépend de la recherche, de l’agronomie, du climat, du politique, des finances, de la réglementation, des consommateurs, etc.

Risque de débordement

« Nous avons besoin d’outils qui permettent de produire pour répondre aux urgences », a-t-elle ajouté mettant en avant les contradictions des consommateurs qui « veulent moins de chimie, alors que ces produits ont prouvé leur efficacité ». Soulignons qu’ils sont aussi réticents à la recherche génétique sur les plantes, alors qu’ils soutiennent la recherche génétique sur l’homme pour traiter les maladies. « Il existe dans ce domaine un risque sérieux de se faire déborder », a estimé Pierre Pagès qui s’étonne toujours de l’interdiction d’utiliser les organismes génétiquement modifiés (OGM) en France « alors que cette technologie s’est développée ailleurs dans le monde ». Les New breeding techniques (NBT) sont encore assimilées aux OGM en Europe. « Or, elles peuvent nous permettre d’aller plus vite et d’orienter la sélection de façon plus précise. S’il y a trop de contraintes, on ne les utilisera pas ou peu, mais par contre, elles sont utilisées ailleurs dans le monde », a ajouté le vice-président de Semae.

Attractivité

Faute de ces solutions qui permettraient de répondre aux attentes de la filière agroalimentaire, les sélectionneurs doivent travailler pendant dix ans avant de pouvoir mettre au point de nouvelles semences et les mettre sur le marché, avec toutes les autorisations nécessaires. Ces freins réglementaires découragent aussi certains jeunes de s’orienter dans la recherche végétale : « la filière n’attire pas beaucoup les jeunes et les recrutements sont difficiles », s’est désolée Anne Tissot, coordonnatrice d’une équipe de sélectionneurs chez un semencier. Elle est cependant convaincue de la pertinence de la recherche : « On crée des variétés qui correspondent aux attentes du marché, et celui-ci est exigeant : variétés de blé qui valorisent mieux les apports d’engrais pour faire de la protéine, variété avec moins de gluten », a-t-elle dit, réclamant des « outils pour aller plus vite et être plus efficace ». Un message à faire passer au ministre, Marc Fesneau, sur le stand Village des semences lors du prochain salon de l’Agriculture.