Loi ÉGAlim
Le projet de Besson-Moreau pour réviser la loi Egalim

Le député de l’Aube Grégory Besson-Moreau a enfin divulgué sa proposition de loi sur les relations commerciales dans le secteur agricole, qui vise à surmonter l’échec de la loi ÉGAlim à améliorer le revenu des agriculteurs. Deux mesures phares sont inscrites : les contrats pluriannuels obligatoires et la sanctuarisation de la part agricole dans les négociations commerciales.

Le projet de Besson-Moreau pour réviser la loi Egalim
L’examen de la PPL porté par le député Besson-Moreau est prévu en séance publique la première semaine de juin en procédure accélérée.

La tant attendue proposition de loi (PPL) « visant à protéger la rémunération des agriculteurs » du député Grégory Besson-Moreau est enfin dans les tuyaux. Elle vient d’être envoyée pour cosignature le 15 avril à ses collègues députés. Le texte, considéré comme une loi ÉGAlim 2, servira de base à la réforme annoncée des relations commerciales par le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie qui souhaite à nouveau modifier le cadre réglementaire après le constat d’échec de la première version. L’examen de la PPL est prévu en séance publique la première semaine de juin en procédure accélérée. L’entrée en vigueur est attendue idéalement avant les prochaines négociations commerciales.

Ce texte contient deux mesures phares. La première entend faire « des contrats écrits et pluriannuels la norme en matière de contrats de vente de produits agricoles entre un producteur et son premier acheteur » pour une durée de trois ans. Une formule de révision automatique devra être adossée à chaque contrat conclu à prix fixes. S’il est fait mention des « indicateurs dont l’usage a déjà été rendu obligatoire par la loi ÉGAlim », « les parties restent toutefois libres de définir la formule de révision du prix et les indicateurs utilisés », indique le député de l’Aube dans l’exposé des motifs. Certains secteurs pourront déroger à l’obligation de contrat écrit par accord interprofessionnel étendu ou décret.

C’est non-négociable

Seconde mesure phare du texte pour durcir le mécanisme de construction de prix en marche avant voulue par la loi ÉGAlim : la sanctuarisation du coût des matières premières agricoles dans les négociations commerciales annuelles entre la grande distribution et ses fournisseurs. Comme le préconisait Serge Papin dans son récent rapport sur le bilan de la loi ÉGAlim, le député Grégory Besson-Moreau propose que la part de la matière première agricole y devienne « non-négociable ».

Concrètement, « les matières premières agricoles utilisées et leur prix d’achat devront figurer dans les CGV (conditions générales de ventes) » que les transformateurs transmettent aux distributeurs. Ensuite, « la convention écrite conclue à l’issue de la négociation commerciale entre le fournisseur de produits alimentaires et son acheteur comporte les informations relatives au prix des matières premières agricoles entrant dans la composition du produit et […] ces éléments sont exclus de la négociation commerciale », explique Grégory Besson-Moreau. L’accord devra également intégrer une clause de révision du prix.

Les autres articles de la PPL proposent la création d’« un comité de règlement des différends commerciaux agricoles (CRDCA) » en cas d’échec de la médiation, « précisent que, par principe, l’indication du pays d’origine est obligatoire pour les produits agricoles et alimentaires pour lesquels il existe un lien avéré entre certaines de leurs propriétés et leur origine », et encadrent strictement la publicité en dehors des magasins lors des opérations de dégagement.

FNSEA et JA pointent une « impasse »

La FNSEA et les JA ont immédiatement réagi en saluant la proposition de loi « qui s’inscrit dans les attentes répétées de la profession et qui pose les bases pour conforter l’ensemble du dispositif ÉGAlim ». Les syndicats y retrouvent plusieurs des sujets qu’ils « portent de longue date ». Et de citer : « Consolidation législative sur la contractualisation, la transparence et la sécurisation du prix de la matière première agricole dans les négociations commerciales, l’étiquetage de l’origine, l’instauration d’un dispositif permettant de trancher les litiges et un encadrement de toutes les formes de braderies de produits alimentaires ».

Toutefois, les deux syndicats regrettent qu’elle fasse « l’impasse sur le renforcement des indicateurs de coûts de production ». Ils formuleront des propositions « pour que leur prise en compte soit précisée et renforcée dans le cadre de la contractualisation, en commençant par l’obligation de leur diffusion ». Ils assurent également qu’ils seront « attentifs à ce qu’il n’y ait aucune forme possible de contournement de la sécurisation de la part agricole du tarif du fournisseur ».

Pour la Feef (PME alimentaires), le risque est que ce soit finalement les transformateurs qui deviennent la variable d’ajustement des négociations commerciales. « Toute seule la non-négociabilité du prix agricole va créer un effet ciseau pour les transformateurs PME qui vont être pris en étau s’ils n’ont pas les moyens de répercuter ces hausses dans leur tarif au distributeur », commente Dominique Amirault qui prône la non-négociabilité du tarif fournisseur en plus de celui des prix agricoles. Une chose est sûre : les débats seront fournis dans l’hémicycle.

Le sénateur Genet veut une application « stricte » de la loi ÉGAlim

Le sénateur de Saône-et-Loire, Fabien Genet a interpellé le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie lors du débat sur la loi ÉGAlim. Il fait en effet le constat, avec la profession agricole du département, que trois ans après la loi ÉGAlim, « la juste rémunération des agriculteurs n’est toujours pas respectée et leur situation, en particulier celle des producteurs de viande bovine, est alarmante ». Et de souligner que cette situation dans la filière alimentaire est loin d’être la même pour tous ses acteurs : en 2020, encore et malgré la crise, « les grandes surfaces alimentaires françaises ont tiré de vrais profits et augmenté leur chiffre d’affaires de l’ordre de 1,8 % ». Et de prendre en exemple, la viande : « en 2020, le volume de viande vendue en France a augmenté, comme a augmenté le prix payé par le consommateur. Dans le même temps, le prix payé au producteur continue de baisser et ne permet pas de couvrir les coûts de production ». C’est pourquoi, Fabien Genet a réitéré sa demande de « faire appliquer l’obligation contractuelle d’intégration des coûts de production dans les échanges entre les grandes et moyennes surfaces et les producteurs agricoles », comme le dit la loi. Allant jusqu’à parler de « non-assistance à élevage en danger de disparition ». Le ministre lui a répondu : « concernant les jeunes bovins, il faut travailler la loi ÉGAlim. Mais pour les broutards, il faut créer de la valeur au sein même de la filière et augmenter les débouchés. C’est ce que nous devons faire avec grande force, et travailler sur la réforme de la Pac ». Une réponse du ministre qui n’a pas satisfait Fabien Genet qui demeurera vigilant quant au devenir de l’élevage français et l’application de la loi ÉGAlim.