La France est le premier exportateur de semences aux mondes. Si le poids économique de cette filière est indéniable, elle fait face à de nombreux défis. Climatiques en premier lieu, mais également le maintien des surfaces de production.
Béatrice Petit : « Entre la campagne 2021-2022 et la campagne 2022-2023, le chiffre d’affaires à l’export a augmenté de 11 % à l’échelle mondiale. Si le premier marché de semences françaises se concentre sur l’Union européenne, une dynamique de progression existe, notamment en Amérique latine et en Amérique du Nord. En revanche, la Russie, qui est un gros acheteur, a adopté une politique de fermeture de ses frontières, ce qui a provoqué une contraction du marché. »
Selon une étude réalisée par l’assureur Axa Climate et Semae, « 27 % des surfaces en multiplication de semences sont aujourd’hui soumises à un risque climatique « fort à extrême et qu’à mode de production identique, 60 % le seraient en 2050 ». Où sont situées ces surfaces et à quoi correspondent ces risques ?
B. P. : « Un excès d’eau ou un manque d’eau, une hausse des températures à des moments clé du cycle de la semence… Les risques sont multifactoriels et vont probablement entraîner des mouvements d’espèces. Nous ne sommes pas encore entrés dans la territorialisation de telle ou telle espèce, puisque notre objectif est plutôt de trouver avec quels moyens la production de semences pourra perdurer. Le sud-est de la France fait partie des zones fortement impactées. À l’horizon 2030, le risque numéro un est le manque d’eau, suivi par l’augmentation des températures qui entraîne le blocage des plantes et qui ralentit l’activité des pollinisateurs. Les gelées d’avril constituent également une source d’inquiétude. »
Ce même rapport recommande de favoriser la plantation de pois chiche, mais aussi de cultures de lentilles et de haricots rouges dans le sud-est du pays. Ces recommandations ont-elles été entendues ?
B. P. : « Avec l’union de coopératives Top Semence, les semences de pois-chiches se développent peu à peu sur l’ensemble du territoire français, dont le sud-est. À l’image de ce qu’il est en train de se faire pour le sorgho, ces cultures nécessitent de structurer de nouvelles filières. Cela passe par le déploiement des surfaces de production, des modes de commercialisation et des coopératives. »
Dans une interview accordée à l’Agence France Presse en 2022, Didier Nury, président de l’Union française des semenciers (UFS), avait soutenu que si la production de semences baissait trop, la France risquait d’en manquer en 2025. Que répondez-vous à cette crainte ?
B. P. : « La France est le premier exportateur mondial de semences agricoles. Peser ce poids économique-là est un atout. Le pays ne manque pas de semences, mais éprouve de plus en plus de difficultés à maintenir son réseau d’agriculteurs-multiplicateurs. À titre d’exemple, le nombre d’agriculteurs-multiplicateurs a baissé de 20 % en huit ans en Auvergne-Rhône-Alpes. Concernant certaines espèces, comme le maïs, nous connaissons également une baisse des surfaces. Ces tendances nous alertent. À l’avenir, serons-nous en capacité de continuer à produire de la semence, qui est pourtant une production technique et plus rémunératrice que les productions de consommation ? »
Quels facteurs expliquent ce désintérêt éprouvé par certains agriculteurs-multiplicateurs ?
B. P. : « Il y a deux ans, certains agriculteurs-multiplicateurs se sont détournés de la production de semences ou ont réduit leur surface, car le gain financier de cette production était moins important. Depuis, le contexte a changé et les surfaces ont été retrouvées. Bien qu’il soit nécessaire de prendre en compte les coûts de revient liés à l’eau et à l’énergie, le Sud-Est est un territoire qui irrigue plus que les autres, l’activité de production de semences y est donc rémunératrice. »
Propos recueillis par Léa Rochon
Le Parlement européen confirme sa position
Le 24 avril, le Parlement européen a confirmé sa position par 336 voix contre 238 et 41 abstentions concernant les nouvelles techniques de sélection génomiques (NBT). Début février, les eurodéputés avaient convenu d’une position libéralisant l’utilisation des plantes issues des NBT dans l’Union européenne (UE), tout en introduisant des dispositions sur la traçabilité et l’étiquetage tout au long de la chaîne alimentaire, ainsi qu’une interdiction d’accorder des brevets aux NBT de catégorie 1, considérées comme équivalentes ou très proches de variétés conventionnelles. Toutefois, les États membres – divisés sur la question de la brevetabilité – n'ayant pas encore adopté leur position sur ce dossier, le Parlement a dû clore son examen en première lecture lors de la dernière session plénière avant les élections de juin. En mars, l’Anses, l’agence responsable de la sécurité sanitaire de l’alimentation, avait publié un rapport dans lequel elle recommandait d’évaluer « au cas par cas » les plantes issues des nouvelles techniques génomiques avant leur mise sur le marché européen. Selon l’organisme, le référentiel actuel d’évaluation des risques sanitaires et environnementaux des plantes génétiquement modifiées « n’est que partiellement adapté à l’évaluation de ces nouvelles plantes ». Lors de son analyse, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a développé un arbre décisionnel « adapté à une approche graduée des risques ». Cette évaluation pourrait être « simplifiée pour des plantes génétiquement modifiées pour lesquelles l’historique de connaissances permet de justifier un moindre niveau de risque », ont néanmoins précisé les experts.
Agra Presse et L. R.