EXCLU WEB / Rapport de l'OCDE : Les politiques agricoles sur le grill

Régulièrement, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) établit un suivi et une évaluation des politiques agricoles de ses 38 pays membres auxquels s’adjoignent des économies émergentes.

 

EXCLU WEB / Rapport de l'OCDE : Les politiques agricoles sur le grill

« Répondre aux enjeux des systèmes alimentaires ». Telle est l’ambition de l’OCDE qui, dans son immense rapport de 600 pages publié de 22 juin et portant sur la période 2018-2020, remarque cependant que cet objectif est difficile à atteindre, notamment parce que « le soutien public à l’agriculture a continué d’augmenter ces dernières années dans le monde ». L’immense majorité de “l’estimation au soutien des producteurs (ESP)” agrégée en 2018-2020 est principalement « imputable à quatre pays : la Chine (44 %), l’Union européenne (24 %), les États-Unis (10 %) et le Japon (9 %) », souligne l’étude. Cependant, l’OCDE remarque que le soutien aux producteurs dans l’Union européenne reste proche de la moyenne de l’OCDE et qu’en pourcentage des recettes agricoles brutes, « il s’est stabilisé autour de 19 % depuis 2010, contre 18 % pour l’ensemble des pays membres de l’OCDE ».

Cependant, le rapport égratigne quelque peu la politique agricole européenne, notamment, la réforme de la PAC, et le Green Deal avec « Farm to Fork » et la stratégie Biodiversité 2030. Sur la PAC, l’OCDE rappelle que si  « les plans stratégiques nationaux donnent la possibilité de mieux adapter les mesures aux spécificités de chaque pays, ils risquent d’élargir les divergences dans la mise en œuvre nationale de la PAC, notamment en ce qui concerne le soutien couplé ». Quant à Green Deal, « la manière dont les objectifs choisis sont susceptibles d’agir sur la productivité générale et la durabilité n’est pas claire », souligne l’étude. Ces stratégies « devraient mettre davantage l'accent sur la nécessité d’améliorer la gestion de l’eau comme condition préalable au renforcement de la durabilité et de la résilience », préconise l’OCDE.

Relever trois défis

Parmi les pays qui soutiennent le moins leurs agriculteurs, le rapport désigne le Kazakhstan, l’Afrique du Sud, le Chili, l’Australie, l’Ukraine, le Brésil et la Nouvelle-Zélande. Pis « trois pays présentent des niveaux négatifs de soutien aux producteurs du fait d’une taxation implicite des agriculteurs par des prix à la production minorés : l’Argentine, le Viet Nam et l’Inde », ajoute-t-elle. En tout état de cause, ces niveaux d’aides ou de taxes influent naturellement sur les systèmes alimentaires propres à chaque pays ou continent. Ainsi l’Afrique et l’Asie abritent actuellement 92 % des personnes sous-alimentées dans le monde, soit 631 millions d’individus sur 688 millions. L’accès à une alimentation saine reste toujours pour l’organisation, une pierre d’achoppement (lire encadré).

Selon l’OCDE, ces niveaux d’aides impactent également l’environnement : « en l’absence de politiques environnementales complémentaires, de moins en moins de pays parviennent à conjuguer croissance de la productivité et diminution des pressions sur les ressources naturelles et des émissions » de gaz à effet de serre. Les pays de l’OCDE devront donc relever trois défis, indique l’étude : atteindre la sécurité alimentaire et la nutrition pour une population mondiale croissante ; Fournir des moyens de subsistance aux agriculteurs et aux autres personnes liées au secteur, que ce soit verticalement le long de la chaîne de valeur ou spatialement dans les économies rurales ; et enfin réduire l'empreinte environnementale du secteur et contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES).

Avec cet esprit libéral dont cette institution ne s’est jamais départi, l’OCDE demande (encore) la « suppression progressive des interventions visant les prix et le soutien aux producteurs faussant les marchés ». Elle préconise aussi d’orienter le soutien au revenu vers les ménages agricoles qui en ont le plus besoin et, lorsque c’est possible, l’intégrer à la protection sociale et aux filets de sécurité visant l’ensemble de l’économie. Enfin, elle souhaite réorienter la dépense publique vers les investissements dans les biens publics – en particulier les systèmes d’innovation.

L’alimentation saine toujours trop chère ? 

L’OCDE table sur un maintien des prix alimentaires « à un niveau bas ». Ce qui pour elle est « de bonne augure s’agissant de l’accessibilité générale » à la nourriture. Cependant, l’organisation craint que les aliments sains et nutritifs « ne restent inaccessibles à une bonne partie de la population de la planète et qu’en conséquence, la faim, l’insécurité alimentaire et la malnutrition ne progressent ». D’après une récente étude intitulée l'Etat de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2020, « une alimentation saine coûte 60 % plus cher qu’une alimentation répondant seulement aux besoins de nutriments essentiels, et est près de cinq fois plus chère qu’une alimentation satisfaisant seulement les besoins énergétiques alimentaires élémentaires au moyen de féculents ». Toujours selon l’OCDE, « plus de 1.5 milliard d’êtres humains (sur 7,7 milliards) n’ont pas les moyens d'avoir une alimentation qui leur apporte les niveaux requis de nutriments essentiels, et pour plus de 3 milliards de personnes, l’alimentation saine la moins coûteuse est encore trop chère ».