Variétés résistantes mildiou, oïdium, black rot
Jusqu’à 95 % de l’IFT moyen en moins !

Cédric MICHELIN
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Le 8 mars dernier, à l’atelier du Cinéma à Beaune, un webinaire en triplex entre Beaune, Bordeaux et Montpellier promettait de faire rencontrer scientifiques et vignerons. Le sujet était central et ô combien complexe : sortir des pesticides. S’il s’agit principalement de pistes de recherche, le GIP pôle Bourgogne Vigne et Vin a réussi son pari : permettre à la filière viticole d’envisager plus sereinement l’avenir.

Jusqu’à 95 % de l’IFT moyen en moins !

"Cultiver et Protéger Autrement" est le programme de recherche qui finance de façon transversale tous ces travaux de recherche. Cet événement était d’ailleurs co-organisé par les projets de recherche Vitae et Fast ainsi que par les partenaires GIP pôle Bourgogne Vigne et Vin, Agri Sud-Ouest Innovation et Inno’vin. Les premières interventions parlaient d’agroécologie évidemment, de mesures agro-environnementales ou encore des MAE contre le ver de la grappe (lire nos précédentes éditions). La quatrième intervention d’Anne-Sophie Miclot, chercheuse à l’Inrae Bordeaux, s’intéressait à l’observatoire Oscar qui coordonne le déploiement des cépages résistants depuis 2017, date des premières inscriptions idoines au catalogue des variétés officielles en France.

L’observatoire Oscar favorise le partage d’expériences et d’informations notamment les « éventuelles apparitions de contournements » desdites résistances conférées à ces dernières variétés. Idem pour la surveillance de nouvelles problématiques phytosanitaires liées à leurs utilisations (lire à la fin).

Pour accumuler les références qui manquent encore sur ces nouvelles variétés, le réseau Oscar est un dispositif « participatif ». Ainsi, toute parcelle plantée avec une variété résistante inscrite au catalogue peut intégrer le réseau Oscar, au choix du vigneron qui a planté. Les données sont ensuite collectées par les nombreux partenaires (chambres d’agriculture, caves coop, IFV, lycées viticoles, etc.) avant de transmettre au comité de pilotage scientifique « pluridisciplinaire » d’Oscar. Il s’agit notamment d’observations au vignoble (cinq notations par campagne via un protocole standard) sur la dynamique des « bio-agresseurs » ciblés ou non par la résistance. Également remontées, des informations sur le « comportement » agronomique de ces variétés, leur aptitude à la mécanisation ou encore sur les itinéraires techniques conduits (traitements phytos, pratiques culturales…).

En 2021, 116 parcelles (80 ha) sur 64 sites différents ont permis de récolter des données sur 26 variétés, plantées progressivement depuis 2011 : débuté par les variétés Inrae Bouquet monogénique, avec donc un gène de résistance à l’oïdium et un gène de résistance au mildiou, puis les variétés Resdur, avec deux gènes de résistances cette fois, et enfin des variétés issues de programmes de sélection étrangers (monogénique ou polygénique).

Quelles économies de traitement ?

Évidemment, l’intérêt premier des variétés résistantes à l’oïdium et au mildiou est d’espérer un jour se passer totalement de traitements phytosanitaires… et s’approcher des caractéristiques des cépages historiques de chaque vignoble. Qu’en est-il des premiers résultats sur les économies de traitement ? Ils sont prometteurs : « les premières années de suivi ont confirmé le fort potentiel des variétés résistantes pour réduire l’IFT fongicide, avec une réduction de 77 à 95 % (en fonction du millésime) par rapport à la référence nationale 2019 ».

Toutefois, ce n’est pas le tout de pouvoir réduire, encore faut-il que la récolte soit bonne en quantité et qualité. « Cette forte réduction IFT est accompagnée dans la majorité des cas d’une bonne maîtrise de l’ensemble des bio-agresseurs, même pendant les années à fortes pressions parasitaires comme 2018 et 2019 ». Mildiou, oïdium, black rot, que ce soit sur feuille ou sur grappe, la fréquence et l’intensité globale de chaque maladie a été enregistré pour chaque cep et tous symptômes dans la parcelle. Attention, toutes les variétés ne se valent pas et les dégâts constatés vont de nul à très importants (supérieur à 50 % de dégât). Dans le tableau (voir ci-contre), « pour le mildiou, on observe des résistances partielles avec des dégâts et sur certaines parcelles, des fréquences fortes avec plus de 80 % des ceps touchés, mais dans la majorité des cas, on reste sur une intensité globale faible, avec quelques tâches par ci, par là ». Pour l’oïdium, les variétés Inrae résistantes « n’ont présenté aucun symptôme ».

Même bonne nouvelle pour le reste des variétés. Pour le black rot, en cas de pression parasitaire forte, « une parcelle présente des dégâts significatifs sur grappe » tout de même.

Points de vigilance

Conclusion, « la pression reste présente et il est nécessaire de réaliser un faible nombre de traitements pour maîtriser les populations de pathogènes ciblés par la résistance et ainsi, éviter qu’elle n’évolue, mais aussi sur certaines parcelles, maîtriser les maladies secondaires comme le black rot ».
En parallèle de cet observatoire au vignoble, des recherches en laboratoire évaluent et vérifient l’évolution de « l’agressivité des pathogènes », principalement du mildiou, pour déterminer un « profil de virulence isolat par isolat ». L’idée étant de vérifier qu’il n’y ait pas de phénomène de résistances croisées sur les variétés résistantes ou « sensibles » ou « historiques » à proximité par la suite.

Des variétés résistantes autorisées en AOC ?

À la question, est-ce que ces variétés résistantes sont autorisées en appellation d’origine contrôlée, Anne-Sophie Miclot rappelait que les variétés hybrides ne l’étaient pas en AOC depuis 1927, « mais la nouvelle Pac (Politique agricole commune) a changé ce règlement », sur proposition française. Résultat, à partir de 2023, ces variétés résistantes pourront être autorisées dans le règlement européen avec même un règlement d’application « qui permet dès à présent de mettre des variétés résistantes dans le cahier des charges des AOC, comme en AOC champagne (avec des variétés d’intérêt, comme Voltis, et limité à 10 % des assemblages) », rajoutait un collègue. L’ODG bordeaux a également fait une demande pour quatre variétés résistantes (Vidoc, floreal…) à l’INAO qui doit maintenant prendre des dispositions dans ce sens ou non. « C’est donc possible, mais reste de l’initiative et responsabilité des ODG », concluaient les chercheurs.