Comité loup
"Faire cause commune" pour mieux protéger les troupeaux

Florence Bouville
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Le 19 juin, le comité loup s’est réuni à la préfecture de Saône-et-Loire. La DREAL a une nouvelle fois dressé un bilan des derniers épisodes d'attaques sur le territoire. Ont aussi été présentées quelques évolutions réglementaires, ayant, pour certaines, suscité de nombreuses réactions de la part de la profession agricole. Cette dernière a d’ailleurs pu clairement exprimer ses attentes quant au prochain Plan national d’action (PNA). Yves Séguy, le préfet, préfère pour l’instant parler de « cohabitation ».

"Faire cause commune" pour mieux protéger les troupeaux
Le dernier loup aperçu en Saône-et-Loire à Marcilly-les-Buxy le 2 juin dernier.

En 2022, à l’échelle nationale, 7 % des attaques se sont portées sur des bovins, en général âgés de six mois ou moins. Cela représente 3 % des victimes répertoriées. La même année, des actions fortes ont été menées pour mobiliser les louvetiers. Le loup est aujourd’hui présent sur deux tiers du territoire français. Le cumul des données nationales montre que le nombre de victimes a tendance à stagner, tandis que le nombre de constats a nettement augmenté (+19 % en mai 2023). Cette hausse étant plus forte au sein des nouveaux territoires colonisés, car plus sensibles (zones de plaine avec une prédation continue).

Pour rappel, lorsque la DDT reçoit le constat de dommage, trois réponses sont possibles. Soit la prédation est immédiatement prouvée, ce qui débloque les indemnisations. Deuxième cas de figure, la responsabilité du loup n’est pas écartée, ce qui assure également une compensation financière. Cela signifie bien que « le doute favorise l’éleveur », explique Juliette Bligny de la Dreal. Dernière possibilité, les experts n’aboutissent à aucune conclusion. Dans ce cas, le préfet peut quand même décider d’indemniser l’éleveur, en cohérence avec les éléments de contexte (précédents lieux d’attaque). À noter que 30 % des déplacements (constats) effectués ne permettent pas de conclusion. Désormais, les agents de l’OFB pourront dématérialiser leurs constats.

En 2023, dans le cadre de l’appel à projets national ouvert jusqu’au 31 juillet, douze dossiers d’aides à la protection ont été déposés. Tous se situant en cercle 2. Il n’est donc pas encore trop tard pour faire parvenir votre demande.

Évolutions réglementaires ?

Concernant l’indemnisation des dommages, les barèmes vont être revalorisés. Les résultats de l’étude lancée par le ministère de la Transition écologique visant à évaluer au plus juste les pertes indirectes (avortements, baisse de lactation…), sont attendus. Actuellement liées à la taille des troupeaux, ces indemnisations demeurent parfois sous ou surévaluées. Du côté des pertes directes, le ministère est aussi en train de revoir les différents barèmes, selon les catégories d’animaux préexistantes, afin de prendre en compte l’inflation. La profession fait le forcing sur un barème intégrant la valeur génétique surtout, en ovins comme en bovins. Déjà, six catégories de bovins vont être ajoutées, permettant ainsi une instruction plus rapide des dossiers. Ces deux évolutions ne sont donc pas encore parues, on en est encore au stade de la concertation, au niveau national.

Autre point, qui selon l’ensemble de la profession, mériterait d’évoluer : la fixation du plafond annuel légal de loups prélevés. En 2023, à mi-juin, ce plafond est presque atteint (169 sur 174 autorisés). La Dreal a bien expliqué la logique et l’objectif de « garder un stock et une capacité de tirs pour toute l’année ». Seulement, cette logique plaît peu aux éleveurs qui souhaiteraient « revoir ce système de plafond fixe, car la situation évolue très vite ». Réponse de Juliette Bligny : « l’objectif est de les focaliser là où la prédation est la plus dense », consciente, néanmoins, que la réglementation puisse manquer de souplesse. Ce plafond est pour l’instant un impératif à l’échelle nationale. D’ailleurs, beaucoup de remarques ont déjà été faites quant à sa non-adaptation. Les professionnels proposent de changer de paradigme, en prenant en compte le nombre d’éleveurs impactés, pour ne pas dire traumatisés.

La reconnaissance de non-protégeabilité est généralement accordée pour une durée d’un an. Même durée environ pour l’autorisation de Tirs de défense simples (TDS), délivrée à un éleveur. Pour Jean-Pierre Goron, le DDT, il est préférable de maintenir les choses telles qu’elles sont. C’est loin d’être l’avis d’Alexandre Saunier, représentant de la chambre d’agriculture et de Thibault Renaud, représentant des JA. Ils prônent un allongement de la durée de cette autorisation, notamment pour les éleveurs qui ont investi, ou investissent, dans des infrastructures de protection de longue durée. D’autant plus que ces démarches administratives « rajoutent du travail au travail de l’éleveur ».

Un appel à projets (AAP) sera lancé par les services de l’État d’ici à la fin du mois. Il portera sur trois axes scientifiques majeurs, tels que l’effet des tirs sur les populations lupines. La DDT se fera relais de cet AAP s’inscrivant dans le domaine de la recherche. Il est prévu qu’en 2024, des sujets soient ajoutés, dédiés à la prédation en plaine et aux attaques de bovins.

Prochain PNA

Le prochain PNA sera effectif dès le 1er janvier 2024. Pour rappel, une version a été rédigée, mais elle n’est pas encore finalisée. Une première présentation au Groupe national loup (GNL) sera faite début juillet, basée sur les travaux issus des différents groupes techniques.

« Il faut qu’on profite de cet instant pour bien réfléchir », souligne Christian Bajard, président de la FDSEA 71. Il attend une plus grande efficacité du prochain plan loup. Pour Thibault Renaud, on n’est pas assez revenu sur l’échec des mesures dédiées au pastoralisme. Un courrier avait d’ailleurs été envoyé par les préfets (Bourgogne-Franche-Comté, Doubs, Jura, Yonne et Saône-et-Loire) pour interpeller les ministres en charge de l’Agriculture et de l’Environnement, sur la nécessité d’adapter le futur PNA aux territoires non alpins. Visant ainsi notamment à tenir compte du morcellement des parcelles et à déployer des expérimentations pour la protection des bovins.

Mobilisation des chasseurs

La décision a été prise de mobiliser des binômes composés exclusivement de chasseurs, en complément des binômes historiques louvetier-chasseur. Le 5 mai dernier, 24 chasseurs ont été formés par l’OFB aux tirs de défense. 176 chasseurs sont désormais habilités dans le département.

"Coexistence" ou "cohabitation" ?

Pour Yves Séguy, on doit parvenir, sur le long terme, à cohabiter avec le loup. Tandis que selon Benoît Regnault, vice-président de la FDSEA, il faut différencier "cohabitation" de "coexistence". Il s’agit pour lui de « deux termes très différents ». Dans les Alpes, les éleveurs et les locaux « coexistent avec le loup, de manière gérée, depuis 25 ans », ajoute-t-il. La profession a aussi alerté l’assemblée quant aux conséquences de l’augmentation des attaques sur l’élevage bovin extensif, tel que nous le connaissons sur le territoire, du fait de la vulnérabilité des bêtes. La distinction entre zones de plaine et de montagne s’avère plus qu’essentielle. Or, le préfet refuse de parler de risque de disparition totale, qui pour lui représente une situation extrême. Cela n’enlève rien à sa volonté de trouver un système territorial davantage adapté.

Enfin, l’ensemble de la profession a tenu à remercier l’engagement des équipes et est conscient des actions menées depuis trois ans, que ce soit en termes de prévention, de dissuasion ou bien d’indemnisation. Alexandre Saunier en a profité pour lancer un appel pour que tous puissent continuer à travailler ensemble. « En Saône-et-Loire, on a tous mis la main à la pâte », affirme-t-il. Il poursuit en soulignant : « dans tout ça, l’objectif est de protéger les troupeaux, il ne faut pas perdre ce fil conducteur ». Même s’il concède rencontrer quelques « difficultés à avancer dans le même sens ». Pour aller dans le même sens, un outil de communication commun pourrait se montrer fort utile, à l’instar de Maploup, déjà décliné sur d’autres territoires. En parallèle, la Dreal a fait valoir sa « forte volonté d’asseoir l’observatoire de la protection », à une échelle infranationale. Cet observatoire met, entre autres, à disposition, les bilans annuels de l’aide à la protection et la cartographie des moyens engagés.