Jeunes agriculteurs de Saône-et-Loire
Il est « grand temps que le paquebot régional change de cap » sur les fonds Feader

Cédric Michelin
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A Saint-Julien-de-Civry le 6 novembre dernier (lire nos précédentes éditions), Marine Seckler, présidente des Jeunes Agriculteurs de Saône-et-Loire, a été comme à son habitude franche et directe avec les élus du conseil régional pour leur dire tout le mal qu’elle pensait de leur mauvaise gestion des fonds Feader. Une clairvoyance salutaire pour faire avancer une administration à la ramasse, selon les nombreux témoignages.

Il est « grand temps que le paquebot régional change de cap » sur les fonds Feader
Marine Seckler, présidente des JA, au centre, le 6 novembre à Saint-Julien-de-Civry face aux élus du conseil régional à droite.

« J’ai commencé à suivre le dossier Feader par inquiétude pour mon département. Lors de ces premières réunions, j’étais enceinte. Mon fils a un an et demi aujourd’hui », se souvenait Marine Seckler, pour démontrer à quel point ce dossier traîne et touche à l’avenir. Si le petit Léon n’était pas à Saint-Julien-de-Civry ce 6 novembre avec sa maman, pour autant, à ce jour, « il marche, il dit ses premiers mots et aborde un beau sourire avec de nombreuses dents ». Une métaphore qu’elle aurait aimée pouvoir appliquer à la gestion des fonds Feader en région Bourgogne-Franche-Comté. Malheureusement, le petit Léon va encore voir sa mère partir et repartir pour des journées interminables de réunions à Besançon et à Dijon. Il l’a d’ailleurs accompagnée de multiples fois, « quatre heures de route avec sa maman qui y croyait encore », changeait alors de visage Marine Seckler. La présidente des JA71 n’en peut plus de ces réunions où rien ne bouge. « Le squelette de la nouvelle programmation grandit mais lui ne marche pas et même, le silence est sa grande spécialité », déplorait Marine Seckler en regardant droit dans les yeux, les élus du conseil régional présents, à commencer par Christian Morel, en charge de l’agriculture et de Jérôme Durain, président du groupe de la majorité. Point de sourire d’enfant en vue mais plutôt le « désespoir » qui émanait de tous les témoignages de jeunes, porteurs de projets, cédants, actifs voulant construire ou rénover… La veille de cette rencontre, Marine avait relu ses notes, remplissant un plein et épais cahier. « À chaque réunion, les mêmes promesses », faisait-elle le « triste constat ». Pire, en prenant le recul nécessaire, la jeune éleveuse de Blanot constatait que les informations transmises par le conseil régional BFC étaient même « de plus en plus vagues ». Selon elle, les administratifs du conseil régional « ne se donnent même plus la peine de cacher leur déconnexion avec le terrain et leur incompétence pour certains », jugeait-elle sans langue de bois. « D’autres, encore plus malins, tentent de dénigrer les fonctionnaires de la DDT et les salariés chambre. C’est inadmissible », ne tolérait-elle pas, sachant que la situation en Saône-et-Loire était parmi les meilleures de France avant ce transfert de compétence à la Région. Transfert réclamé, voulu et obtenu par l’Association des Régions de France. « En Saône-et-Loire, on sait travailler en équipe et c’est clean et efficace », continue-t-elle de constater, malgré cette épreuve.

De nombreuses mises en garde

Elle redisait les valeurs du syndicat JA « apolitique » et demandait aux élus justement de trouver des solutions et ne voulait entendre de réponses « politiciennes ». S’adressant plus particulièrement aux élus de la majorité régionale, Jérôme Durain – également sénateur de Saône-et-Loire, Christian Morel, en charge de l’agriculture et ancien éleveur du Doubs et à Fabrice Voillot, éleveur et maire de Charbonnat, Marine Seckler leur rappelait leur promesse de campagne électorale : « le relationnel, le local, l’humain… alors que s’est-il passé ? », questionnait-elle en guise de miroir les incitant à dire la vérité. Elle donnait la réponse à sa question : « un conseil régional qui ne communique pas, qui ne répond ni au téléphone, ni aux mails, régionalise obstinément ses forces vives alors que les mises en garde ont été nombreuses, pire refuse des mains tendues (des chambres d’agriculture, N.D.L.R.) à plusieurs reprises… on se pose la question de qui dirige cette boutique et avez-vous le sentiment de tenir vos engagements », les mettait-elle clairement au pied du mur.

Reprendre la main sur l'usine à gaz

Reprenant toujours avec son ton ferme, « peut-on imaginer – qu’en toute simplicité - vous vous occupiez des urgences pour que tout simplement, il y ait l’ordre que quelqu’un réponde au téléphone aux questions des agriculteurs ? Êtes-vous capables, vous les élus, de reprendre la main dans cette usine à gaz », fustigeait-elle, ne voulant pas employer d’autre qualificatif plus fort. Enfin, elle finissait « pour la petite histoire, que le critère « filière en difficulté » dans la construction de la nouvelle DJA (dotation jeune agriculteur), poussé par la profession pendant plus d’un an avec la chambre régionale d’agriculture, a été balayé d’un revers de main par Monsieur Morel – il y a trois mois – car cela arrangeait les collaborateurs qui programmaient Europac », le logiciel informatique de gestion des fonds Feader, qui comble ne fonctionne pas. Elle estime que cela a fait perdre pas moins de « 5.000 € » pour les jeunes s’installant dans la filière bovin viande. « Un tel montant peut remettre en question une installation », insistait-elle pour que les élus comprennent bien toute l’importance de ces fonds Européens qui ne sont pas à la Région. Lorsque les élus JA, FDSEA, chambres… leur expliquent que ces fonds sont faits pour cela, « là, on nous rigole à la figure », la Région semblant « incapable de comprendre que cette filière est en difficulté ».

Avant de passer la parole aux élus, elle rajoutait : « je trouve vraiment navrant que vous ne soyez pas venu avec une délégation de vos collaborateurs », pointant plutôt la direction des services de la Région. Pas pour qu’ils lui redisent : « Madame Seckler, on a dû fermer le standard téléphonique, car les agriculteurs étaient agressifs » mais bien, « pour rencontrer ces personnes, ces agriculteurs, venir sur le terrain », réclamait-elle. Finissant par une dernière métaphore forte et parlante, « la Région BFC s’apparente à un paquebot. Vous connaissez tous l’histoire d’un navire insubmersible dont le capitaine et son équipe décidèrent de maintenir le cap, à pleine vitesse et par manque de visibilité. Il serait grand temps que le capitaine et son équipe changent de cap », réclamait-elle pour finir. « Les responsables syndicaux ne serviront pas de bouée de sauvetage », mettait-elle une dernière fois en garde.