Elevage
Caprin, la ferme de demain

Ariane Tilve
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En marge de l’Assemblée générale du syndicat caprin 71, qui s’est tenue jeudi 8 décembre à Chenôves, les intervenants ont voulu dessiner les contours de ce qui pourrait être la filière de demain, entre maîtrise des dépenses énergétiques et adaptation au changement climatique.

Caprin, la ferme de demain

Chargé de projets en conduite des petits ruminants laitiers, Jérémie Jost a animé un atelier sur l’impact du changement climatique dans l’élevage caprin. Un partage d’expérience visant à trouver des solutions pour, notamment, constituer des réserves fourragères pour l’été pour les systèmes en pâturage ou en affouragement ouvert, mais aussi pour faire des stocks en début d’été. Chaque participant a fait part des solutions qu’il utilise ou dont il a entendu parler dans la presse, chez un voisin, ou un autre éleveur. L’objectif était de débattre de ces idées.

Plusieurs leviers sont ressortis. « Il existe une multitude de solutions mises en avant, mais il n’y a pas de solution miracle », conclut Jérémie Jost. Quand il fait très chaud et qu’il n’y a pas d’eau, comme en 2022, la plupart des espèces fourragères adaptées aux systèmes caprins, qui nécessitent une certaine qualité, un apport de protéines et de l’appétence, ne poussent plus. Première piste, il faut miser sur la Luzerne là où c’est possible puisqu’il s’agit de la légumineuse la plus apte à pousser et à s’adapter en début d’été. D’autres miseront sur le sorgho fourrager, utilisé en pâturage ou en affouragement en vert pendant l’été. « Le sorgho est appétant, riche en sucre, mais moins en protéine, il faut l’associé avec de la luzerne, par exemple, pour un équilibre alimentaire optimal, précise Jérémie Jost. Nous avons également des essais en cours dans différentes stations, dont la station du Pradel, sur d’autres variétés ». Des ressources comme le plantain, la chicorée, les légumineuses méditerranéennes dont la serradelle, le trèfle de Micheli ou le trèfle porte fraise. À l’heure actuelle, utilisé en pure, ce ne sont pas des solutions efficaces en raison du faible rendement, de l’apport en protéine insuffisant dans les systèmes caprins. « Le plantain pousse bien, mais il a d’importants besoins d’azote, la chicorée va avoir une croissance tellement rapide que dans nos systèmes caprins, nous aurons du mal à la pâturer correctement sans risque excessif de parasitisme ». La ressource ligneuse peut constituer un complément. Des études sont en cours, notamment en Ardèche, avec l’utilisation du mûrier blanc durant l’été ou des feuilles de vignes durant les vendanges. Dans ces cas, la ressource alimentaire est disponible en été, mais elle demande une surface importante pour un faible rendement qui risque d’engendrer une compétition avec l’alimentation humaine, sans oublier l’impact du coût du foncier. Dans des zones ou la pression foncière est importante (zones de plaine ou viticole) il vaut mieux avoir une praire productive ou une bonne luzerne et faire du stock pendant le printemps, pour l’été, lorsque c’est possible.

Dernier point, l’importance de faire du stock de qualité. C’est la solution la plus adaptée aux systèmes en bâtiment sur une ration foin et/ou enrubannage, mais aussi pour les systèmes en pâturage et en affouragement vert avec quelques petites solutions. « Globalement, il sera difficile de maintenir un pâturage alimentaire dans le futur. Il faut donc un fourrage riche et appétant pour poursuivre la lactation l’été. Ce qui n’empêche pas de sortir les animaux, évidemment, avec des haies, des arbres, des parcelles assez fraîches, un accès à l’eau, pour que les chèvres soient bien aussi en extérieur », insiste l’animateur de l’Institut de l’élevage. Un stock de qualité évite tout risque sanitaire pour le troupeau et les fromages. Le foin reste la solution la plus simple, ainsi que l’enrubannage avec des taux de matière sèche qui permettent de sécuriser, autour des 50 % de matière sèche minimum. Pour l’enrubannage, il faut une fauche assez haute, mais pas de terre, un filmage propre avec un recouvrement et un nombre de couches suffisants, par exemple six couches pour la luzerne, minimum quatre couches pour des graminées, sans oublier les règles de sécurisation. Quant au report de stock, les études menées dans l’ouest de la France font état en moyenne de 25 % de variabilité de la trésorerie fourragère entre les différentes années. Ce qui implique d’avoir un bâtiment de stockage - notamment pour le foin - de pouvoir trier les bottes, d’analyser la valeur alimentaire afin d’éviter une chute de lait en juillet /août et pour le pic de lactation. Il faudra plus de meilleur foin et d’enrubannage pour continuer à faire du lait avec le fourrage. « Ce qui nous amène à la difficulté du printemps qui va être plus poussant, plus précoce, avec des sécheresses plus précoces. La fenêtre pour faire du stock sera donc réduite, il faudra y mettre les moyens humains et matériels et trouver des solutions pour les premières coupes ». Il ne faut pas oublier qu’en sortie d’hiver les conditions météo ne sont pas simples, entre la pluie et les journées courtes. Enfin, les pratiques évoluent avec certains éleveurs qui avaient l’habitude de revendre leur surplus et qui risquent à présent de le garder pour leurs propres besoins. Ces quelques pistes sont le fruit de réflexions menées par l’Institut de l’élevage dans l’Ouest de la France. Institut qui débute en 2023, avec la NIcap et en partenariat avec le syndicat caprin 71, une étude sur le Mâconnais pour déterminer les différents leviers permettant de limiter les impacts du changement climatique sur nos territoires. Un travail adapté qui sera mené avec l’aide de plusieurs éleveurs, dont le président du syndicat caprin Jean-Philippe Bonnefoy.

David Du Clary, conseiller biomasse et énergie de la Chambre d'agriculture.

 

 

Maîtriser ses dépenses énergétiques

Il existe plusieurs leviers pour maîtriser et limiter l’impact de la flambée des prix de l’énergie dès aujourd’hui, de façon plus ou moins pérenne. Le premier, défendu par David Du Clary, ­­­­­ conseiller Biomasse, énergie, climat et bilan carbone à la Chambre d’agriculture de Saône-et-Loire, étant l’autoconsommation photovoltaïque. « De manière générale, l’autoproduction vous protège de variations du marché et il n’y a pas 50 méthodes, le photovoltaïque étant la plus simple ». Les éleveurs qui font de la transformation à la ferme ont un profil de consommation importante, essentiellement liée à des groupes froids, qui représentent en moyenne 45.000 kw/h par an. Or plus il fait chaud dehors, plus votre climatisation et votre groupe froid consomment. Les consommations estivales sont donc plus importantes que les consommations hivernales, ce qui correspond à la courbe de production photovoltaïque. Cela ne coûte pas extrêmement cher d’en installer, demande peu d’entretien et de surveillance, c’est donc très pratique pour un agriculteur. Il faut, évidemment, souscrire un contrat de maintenance pour éviter les problèmes. « J’accompagne des installations photovoltaïques depuis près de 15 ans, et j’en connais qui n’ont jamais eu de problème », insiste David Du Clary. Il existe une autre méthode d’autoproduction qui est la méthanisation en cogénération, mais ce sont des projets beaucoup plus complexes en termes de développement, qui coûtent beaucoup plus cher et peuvent exiger l’équivalent d’un mi-temps pour la gestion et l’entretien. Sans oublier qu’actuellement, en cogénération, il n’existe pas de contrats d’autoconsommation, l’exploitant est donc contraint de réinjecter sa production dans le circuit de distribution globale. Troisième levier, les économies d’énergie sur lesquelles David Du Clary travaille avec le Groupement d’intérêt économique et environnemental caprin (GIEE) pour des campagnes de mesures thermographiques chez quatre adhérents, dont le président du syndicat caprin. Cela permet d’identifier les points de pertes d’énergie, telles que des portes ou des fenêtres mal isolées, et de proposer des travaux d’isolation ou d’amélioration des performances énergétiques des bâtiments. « L’énergie que l’on ne consomme pas est de très loin la moins chère », s’amuse David Du Clary. Ce levier reste néanmoins le plus difficile à mettre en œuvre puisqu’il s’agit d’intervenir sur des installations existantes dont les modifications ne sont pas toujours simples à mettre en place. L’installation existante peut être soumise à une situation topographique qui favorise l’accumulation d’humidité au sol, notamment, et dans ce genre de cas, il n’y a guère de solutions. Certains travaux peuvent également coûter très cher. Enfin, dernier levier, les aides publiques exceptionnelles pour les DTPE et les PME. Il y a notamment des aides à la trésorerie qui peuvent monter jusqu’à quatre millions d’euros et dont les procédures d’accès ont récemment été simplifiées. Pour les connaître, il suffit de se rendre sur le site du gouvernement : https://www.economie.gouv.fr/hausse-prix-energie-dispositifs-aide-entreprises.