Consommation d’énergie des fromageries
Energies : ce que révèle l'oeil de la caméra thermique dans les fromagerie...

Marc Labille
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Dans une optique d’optimiser les consommations d’énergie des exploitations fromagères, le GIEE caprin départemental a fait réaliser des analyses thermographiques dans plusieurs fromageries du groupe. Ce que révèle l’œil de la caméra thermique est éloquent… 

Energies : ce que révèle l'oeil de la caméra thermique dans les fromagerie...
Image réalisée à la caméra thermique d’une fenêtre double. En bleu, les zones les plus froides et en rouge, les zones les plus chaudes. La différence de température entre les vitres et l’intérieur de la salle de fabrication atteint 4,4°C. Crédit photo David Du CLARY – Chambre d'agriculture 71.

En s’intéressant à la consommation des énergies des exploitations caprines, le GIEE caprin « Lait’s Goat » s’est penché sur les pertes d’énergie liées aux problèmes d’isolation et de ponts thermiques dans les bâtiments. Le phénomène ne doit en effet pas être pris à la légère dans les exploitations qui possèdent des fromageries très gourmandes en énergie. Fin 2022, David Du Clary, technicien spécialisé sur les questions énergétiques à la chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire, est allé réaliser des analyses thermographiques dans plusieurs fromageries du groupe. Il en a livré les résultats aux intéressés début décembre dernier. « Pour réaliser les mesures thermographiques, on utilise une caméra thermique pour détecter les ponts thermiques par lesquels le froid –ou le chaud– entre là où il n’est pas le bienvenu », présentait David Du Clary. Muni de sa caméra thermique, le technicien a passé au crible les fromageries, en ciblant les entrées d’air, portes, fenêtres, arrivées de lait, sols, préfabriqués…

Du bon usage des ventilations

« Les entrées d’air de ventilation constituent toujours des points d’air froid qui se cumulent avec d’autres pertes de chaleur avec un impact de -2 à -5 °C », présente David Du Clary. Une poignée de volet manuel peut être à l’origine d’une entrée d’air contre laquelle il sera difficile de remédier. D’autres entrées d’air ne servent qu’occasionnellement. Il faudrait pouvoir les munir d’un dispositif de fermeture/ouverture étanche et isolé, recommande le technicien.

Aux entrées d’air de ventilation, il est recommandé de préchauffer l’air entrant. Une solution de base est une VMC à double-flux où l’air sortant préchauffe l’air entrant, indique David Du Clary. On peut recourir aussi à des puits canadiens. Ce procédé fait appel au principe de la géothermie ; l’air va circuler dans un conduit enterré pour exploiter la température du sol. L’effet est réchauffant en hiver et climatisant en été, fait valoir le technicien. Pour limiter les ponts thermiques aux entrées d’air, il est également possible de prélever l’air entrant dans un local sec et chauffé. Les ventilations doivent être hygroréglables, autrement dit se déclencher seulement lorsque l’hygrométrie atteint un certain seuil, complète David Du Clary. Et il faut boucher les entrées d’air quand elles ne sont pas en service.

Des fenêtres toujours impactantes…

« Une fenêtre est toujours émissive, car elle facilite l’entrée du froid par rayonnement, même avec le double vitrage. C’est une perte de -2 à -5°C par rapport à la température de la pièce », explique l’expert. Et les cadres de fenêtre peuvent même être parfois plus froids que la vitre elle-même, notamment quand ils sont en aluminium, ajoute-t-il. Lorsque l’encadrement de la fenêtre est un mur en pierre, cet encadrement peut se trouver encore plus froid que la fenêtre, car il n’est pas isolé. Et la surface étant plus large, l’effet refroidissant est augmenté, commente David Du Clary.

Pour lutter contre l’effet refroidissant des fenêtres, on recommande de limiter les surfaces vitrées. Le double vitrage - voire triple vitrage est préconisé. Mieux vaut opter pour des cadres de fenêtres non métalliques : PVC ou bois. Il faut isoler les encadrements de fenêtres des vieux murs en pierre. Et il faut isoler les parois internes qui séparent les pièces chauffées des pièces non chauffées.

Des portes en bon état

David Du Clary distingue des portes froides (qui ferment des pièces réfrigérées de type chambre froide) des autres portes (portes chaudes). Ces dernières peuvent séparer des locaux chauffés de locaux non chauffés. « En général, elles ne sont pas hermétiques et l’impact peut aller jusqu’à -3 à -7 °C », indique l’expert. Certaines de ces portes ne sont pas isolées du tout et d’importants passages d’air peuvent être constatés au niveau des bas de porte. Pour ces portes dites « chaudes », David Du Clary recommande des portes isolantes qu’elles soient extérieures ou intérieures. « Il faut installer des protections de bas de porte et surveiller l’état des joints, surtout ceux de bas de porte », met-il en garde.

Les portes « froides » qui ferment les locaux réfrigérés sont censées être isolantes et hermétiques. Mais quand elles sont défectueuses, la chambre froide peut refroidir le local se trouvant de l’autre côté de la porte, d’où des frais de chauffage accrus. De même que la consommation électrique du groupe froid qui est contraint de tourner davantage puisque le froid s’échappe de l’espace réfrigéré. Pour pallier ces problèmes de portes froides, « il faut que ces portes soient en bon état », préconise David Du Clary. Leur face extérieure doit être à la même température que les parois du local et elles doivent être parfaitement hermétiques. Il faut aussi surveiller les joints et les remplacer si besoin, surtout ceux en bas de porte, recommande le technicien.

Robinet d’arrivée du lait = pont thermique !

Les tuyaux et robinets d’arrivée du lait dans la salle de fabrication peuvent être de « parfaits ponts thermiques », pouvant abaisser jusqu’à -4 °C la température ambiante, met en garde l’expert. Provenant d’une salle qui n’est pas forcément chauffée, la canalisation amenant le lait passe souvent à travers la cloison de la salle de fabrication. Or le trou laissant passer le tuyau n’est pas forcément bien bouché et l’inox de la robinetterie est un excellent conducteur de froid, explique-t-il. Pour lutter contre ce pont thermique, il faut assurer l’étanchéité au niveau de l’arrivée du lait. Pour éviter l’entrée de froid, il faut rendre cette partie hermétique et isolante. Cela sans empêcher le nettoyage du tuyau ou du robinet et en respectant les normes sanitaires.

Et le sol…

Les ponts thermiques sont fréquents au niveau du sol, au pied des cloisons extérieures. Ils proviennent de l’accumulation d’humidité que ce soit du fait d’une topographie particulière (un talus), de l’absence de vide sanitaire, ou bien d’un terrain humide. Pour lutter contre la présence d’eau au pied du bâtiment, « il faut drainer le pied du talus et/ou reprendre l’étanchéité de la dalle », conseille David Du Clary. Il peut aussi être nécessaire de poser une isolation intérieure au bas des cloisons en cas de discontinuité de l’isolation, complète-t-il.

Les préfabriqués modulaires sont déconseillés pour une fromagerie. Leur isolation est insuffisante avec beaucoup de discontinuité d’isolation au niveau des coins et des angles, fenêtres, sols… À réserver pour des usages froids, ces préfabriqués peuvent se révéler très chauds en période estivale, complète David Du Clary.

 

 

GIEE caprin : des énergies fossiles aux énergies vertes

GIEE caprin : des énergies fossiles aux énergies vertes

Les éleveurs de chèvres de Saône-et-Loire ont créé un GIEE caprin qui s’appelle « Lait’s Goat ». Ses objectifs sont de pérenniser la filière caprine avec ses élevages et ses éleveurs et de l’adapter aux enjeux environnementaux et climatiques. Ces axes recoupent toutes les problématiques actuelles que connait l’élevage caprin fromager comprenant la valorisation des produits et sous-produits laitiers et viandes, la main-d’œuvre, les charges, l’alimentation, la valorisation de l’herbe… Pour diminuer l’impact carbone des exploitations tout en maintenant la biodiversité, le GIEE a lancé un travail sur leurs consommations d’énergies fossiles ainsi que sur la production d’énergies vertes. Plusieurs journées techniques ont été organisées et le groupe s’est notamment fait accompagner par le conseiller énergie biomasse de la chambre d’agriculture, David Du Clary. 

Les éleveurs sont allés découvrir une unité de méthanisation qui incorpore du lactosérum en provenance d’un élevage caprin du groupe. Le thème du bois énergie (plaquettes de bois et chaudières bois) a également été abordé. Le groupe a consacré une journée au photovoltaïque avec autoconsommation de l’électricité produite. La dernière journée était dédiée au séchage en grange avec la visite de deux installations en Saône-et-Loire et les interventions de Jacques Auclair, conseiller bâtiments à la chambre d’agriculture et Frédéric Pacaud, conseiller caprin à ACSEL Conseil Elevage. 

La finalité de ces travaux est de constituer un guide méthodologique à destination des éleveurs caprins, explique Anne-Laure Fernandez, conseillère caprine à la chambre d’agriculture et animatrice du GIEE. Ce guide sur les énergies vertes et les économies d’énergie devrait être édité début 2024.