Visite présidentielle en Bourgogne
Emmanuel Macron : « Les agriculteurs doivent être payés au juste prix »

Le président de la République, Emmanuel Macron, accompagné du ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, est allé à la rencontre des agriculteurs le 23 février en Côte d’Or. Il a présidé une table ronde autour du thème des États généraux de l’alimentation et de la répartition de la valeur ajoutée. 

Emmanuel Macron : « Les agriculteurs doivent être payés au juste prix »

Le Salon international de l’agriculture aurait pu se tenir cette année que le contexte n’aurait pas changé. C’est en pleine polémique sur les menus sans viande, en pleine définition du Plan stratégique national et alors même que les négociations commerciales étaient sur le point de s’achever que le chef de l’État s’est rendu à la ferme d’Etaules, un village situé à une quinzaine de kilomètres au nord de Dijon (Côte d’Or). Après la visite de cette ferme en polyculture élevage (oléagineux, légumes, porcs, ovins, chevaux…) qui travaille aussi en circuits courts, Emmanuel Macron s’est entretenu avec une douzaine de personnes (lire encadré) dans un débat animé par l’ancien PDG de Système U, Serge Papin (lire interview en page 16).


« Pas de paysans sans revenus »

Au cours de cet échange, Marion Colson-Estalivet qui accueillait la délégation présidentielle sur sa ferme, a expliqué qu’il était compliqué pour elle de joindre « les deux bouts » et cela même si son exploitation est bien diversifiée. « On travaille plus de 60 heures par semaine, avec peu de vie de famille, mais si, à la fin, on n’a pas de salaire, ce n’est pas possible », a-t-elle ajouté. « Le drame de l'agriculture française c'est qu'il n'y aura pas de paysans s'il n'y a pas de revenus », a renchéri Christian Decerle, président de la Chambre régionale d'agriculture. Emmanuel Macron a souhaité que les producteurs, les transformateurs et les distributeurs « se réconcilient » et ne jouent plus « les uns contre les autres ». « C'est dans l'intérêt de tout le monde que les négociations se passent bien (…) On doit se battre pour le juste retour de la valeur chez les producteurs », a insisté Emmanuel Macron, en saluant de nouveau leur engagement depuis le début de la crise du Covid. « Je n'oublierai jamais qu'ils ont nourri le pays lorsqu'on le fermait » avec le confinement, a ajouté le président. De même il a insisté sur le fait que la transition agricole ne pourra se faire « sur la base d'invectives, d'interdits (et) de démagogie ».


Accélérer sur la question du revenu

Au terme de cette journée « marathon », marquée en fin d’après-midi par une rencontre à la préfecture de Côte-d'Or avec Julien Denormandie, ministre de l'Agriculture, les responsables de la FRSEA Bourgogne Franche-Comté et de JA, Christophe Chambon et Florent Point, ont livré leurs impressions et leurs attentes. « On va rester positif, soulignait Christophe Chambon, et dire que les annonces qui ont été faites par le Président de la République vont dans le bon sens : il souhaite faire reconnaître les indicateurs des coûts de production dans la loi Egalim. Qu'il y ait plus de transparence au sein de la filière, c'est aussi un point positif, mais je rappelle qu'il existe, depuis une dizaine d'années, un observatoire des marges et qu'il n'a pas débouché sur des résultats convaincants ». 

« Que la loi Egalim s'applique vraiment »


Le représentant syndical régional s'estime par ailleurs relativement satisfait sur la thématique des contractualisations pluri-annuelles : « la prise en compte des indicateurs de coût de production, les contractualisations pluri-annuelle, et plus de transparence au niveau des différents maillons de la chaîne qui va de la production à la distribution des produits : si ces trois critères sont appliqués dans l'année qui vient, cela nous donnera de la lisibilité et de la plus-value qui redescendra plus rapidement vers les agriculteurs ». L'exécutif leur a paru réceptif aux situations inacceptables qui émergent à l'occasion des négociations commerciales : « Le Président de la République et le ministre de l'Agriculture nous ont confié leur incompréhension devant les demandes de certaines grandes enseignes sur une baisse du prix du lait alors que les ventes se sont maintenues à un bon niveau l'an dernier, souligne le président de la FRSEA BFC. On espère vraiment une réaction de leur part pour mettre un terme à ces comportements de la grande distribution ». 

« Il a fallu le Covid pour reconnaître notre rôle »


Reste la dimension symbolique de la visite du chef de l'Etat, qui intervient alors même que l'absence de Salon de l'Agriculture laisse un grand vide : « On ne va pas se voiler la face, reconnaît Christophe Chambon  : la crise sanitaire nous prive de notre vitrine, qui sert aussi de  caisse de résonance aux attentes du monde agricole. Il a insisté auprès de nous sur la souveraineté alimentaire, sur le rôle qu'avait tenu l'agriculture pendant le confinement. Il est dommage qu'il ait fallu une telle crise pour reconnaître notre rôle ! En venant, le Président a fait un pas, mais ça ne sera pas suffisant. Nous devons poursuivre sur ce chemin. Nous attendons des résultats. Sur la PAC, nous demandons du soutien envers les zones intermédiaires, et notamment une aide à l'hectare. Nous devons aussi travailler sur des programmes opérationnels, avec de l'argent qui vienne aider à construire nos filières. En construisant nos filières on rejoint les préoccupations liées à la loi Egalim : permettre un meilleur partage de la valeur en faveur des producteurs ». Les attentes sont clairement énoncées, il faut maintenant des actes.
« On a eu en face de nous un ministre à l’écoute, qui a envie de travailler, et qui n’a pas peur de prendre des coups. Mais de notre côté, nous sommes bien décidés à poursuivre nos actions pour obtenir satisfaction », ont-ils conclu. 

Berty Robert et

JA BFC : « que les euros reviennent dans les fermes »

Pour Florent Point, président des JA de Bourgogne-Franche-Comté « c'était important de pouvoir échanger avec le Président de la République, même si les échanges furent relativement rapides. Je l'ai trouvé assez prometteur concernant les perspectives sur la loi Egalim. Il a précisé qu'à ses yeux, la loi, telle qu'elle est aujourd'hui, était une première étape et qu'elle méritait d'être affinée. Cela passera, notamment, par la mise en place de la contractualisation pluri-annuelle avec une notion de sécurisation pour les producteurs. Maintenant, notre grande interrogation, c'est de savoir comment tout cela va se mettre en place sur le terrain. Nous serons satisfaits quand les euros reviendront effectivement dans les cours de fermes. Pour nous, JA, la question du renouvellement des générations en agriculture est primordiale et j'ai eu le sentiment que c'était pris en compte par le Président, comme par le ministre. Ils ont compris l'enjeu, l'urgence de la situation : dans les dix ans qui viennent, plus de la moitié des agriculteurs vont partir à la retraite. Ils sont conscients de la nécessité d'accompagner les jeunes qui veulent entrer dans le métier. Si on veut faire en sorte que beaucoup de jeunes s'installent en agriculture, il faut que les prix soient là, qu'ils puissent vivre de ce métier et que la valeur soit vraiment restituée aux agriculteurs. Il faut que notre métier soit vivable et que cela soit compatible avec les attentes sociétales, notamment sur l'environnement ou le bien-être animal ».

 

Les participants à la table ronde

Pascale Hebel, directrice du pôle consommation et entreprise du Crédoc
Marion Colson-Estivalet, agricultrice et gérante de la ferme d'Étaules
Aurélie Blondon, agricultrice à Coulmier-le-Sec en Côte-d'Or
Gilles Pousse, producteur laitier dans la Sarthe et président de l’association des producteurs laitiers Bel de l’ouest (APBO)
Christophe Richardot, directeur général de la coopérative et du groupe Dijon Céréales
Vincent Lavier, président de la Chambre départementale d’agriculture
Christian Decerle, président de la Chambre régionale,
Marie-Thérèse Bonneau, éleveuse laitière en Vendée, première vice-présidente de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL)
Michel Biero, directeur exécutif de Lidl France
Marc Delage, directeur de la catégorie lait du groupe Carrefour
Emmanuel Vasseneix, président du groupe LSDH