INNOVATION
La médecine mobile au secours des déserts médicaux

L’apparition de déserts médicaux révèle de profondes fractures territoriales en matière d’accès aux soins dans notre pays. Face à l’incapacité des pouvoirs publics à résoudre le problème, plusieurs associations se mobilisent et amènent la médecine directement auprès des habitants.

La médecine mobile au secours des déserts médicaux
Le camion de la société Dok'Ici s'installera bientôt à Givors dans le Rhône. (Crédit Dok'Ici)

Rien ne remplacera l’action de l’État mais les acteurs locaux sont là pour montrer la voie. C’est cette philosophie qui a animé les bénévoles de la Croix-Rouge de l’Ain lorsqu’ils ont lancé en 2014 leur antenne mobile info santé. « Notre projet de départ s’inscrivait dans cette logique de lutte contre les déserts médicaux. Aujourd’hui, notre action s’est élargie aux personnes en situation de précarité, les sans domicile fixe ou les retraités notamment », explique Émilie Bretonnière, directrice de la Croix-Rouge de l’Ain. Le principe de cette unité mobile est très simple : un poids lourd, transformé en cabinet médical mobile, sillonne le département à la rencontre des patients. Depuis plusieurs mois, il s’est installé à Bourg-en-Bresse, préfecture du département de 60 000 habitants mais confrontée à un manque criant de médecins qui lui préfèrent souvent Lyon ou Genève. « Le camion est entièrement équipé avec du matériel qui permet de réaliser des soins de premier recours et une salle d’attente pour accueillir les patients dans les meilleures conditions. Quatre médecins bénévoles à la retraite et deux infirmières travaillent sur ce projet, les consultations sont entièrement gratuites », détaille Émilie Bretonnière. En 2019, la Croix-Rouge de l’Ain a lancé un deuxième projet : une unité mobile dentaire, qui fonctionne grâce à des bénévoles et à des praticiens rémunérés à la consultation. « L’accès à la médecine générale est déjà compliqué mais pour certaines spécialités comme les soins dentaires, c’est encore pire ! », alerte la directrice de la Croix-Rouge de l’Ain.

Dok’Ici pose ses valises à Givors

Repoussé en raison de la crise sanitaire, un projet similaire à celui de la Croix-Rouge aindinoise verra le jour dans le Rhône dans les prochains mois. Dok’Ici, une société créée en 2018 pour répondre aux inégalités territoriales dans l’accès aux soins, a choisi Givors pour implanter son deuxième projet après la Normandie. « Givors est un désert médical avec peu de praticiens et un niveau de précarité important, cet emplacement est rapidement apparu comme le plus pertinent. Le camion sera rattaché à un centre de santé ouvert à Givors en 2019, l’idée est de pouvoir nous déplacer aussi dans les villes alentour, dans un périmètre de maximum une demi-heure à partir de Givors. À terme, cinq médecins salariés travailleront sur ce projet », explique Marion Demontet, directrice de Dok’Ici. À l’image des camions de la Croix-Rouge de l’Ain, le camion givordin de Dok’Ici sera équipé du matériel médical le plus complet pour apporter une offre de soin adaptée aux patients. « Le matériel dont disposeront les médecins sera suffisamment poussé pour leur permettre de réaliser des échographies ou encore des électrocardiogrammes. Ils resteront en lien permanent avec le cabinet de santé. Il s’agira surtout de médecine générale de premier recours mais nous aurons aussi des médecins capables par exemple d’effectuer un suivi gynécologique. La consultation reviendra à vingt-cinq euros, l’objectif est que chacun puisse y accéder », ajoute la directrice de Dok’Ici.

La médecine mobile doit encore trouver sa place

Si des projets comme celui de la Croix-Rouge ou de Dok’Ici voient le jour un peu partout en France, il faudra du temps pour rattraper le retard qui a été pris en matière de médecine mobile. « La médecine mobile traîne derrière elle de nombreux a priori. Pendant longtemps, ce que l’on nommait la médecine foraine était même interdite car elle était souvent pratiquée par des charlatans. Depuis quelques années, nous sommes plus favorables aux expérimentations et les lois ont été assouplies », explique Marion Dumontet. D’après elle, ce type de projets peuvent non seulement apporter une partie de la solution aux déserts médicaux et aux attentes des nouvelles générations de médecins. Elle appelle aujourd’hui à des schémas directeurs qui pourraient permettre d’aller encore plus loin à l’échelle nationale. « Nous proposons du salariat avec des horaires cadrés, c’est quelque chose qui attire les jeunes médecins. L’intérêt à plus long terme, c’est que la patientèle constituée sur place au fil des années leur donne un jour envie de s’installer définitivement ».

Pierre Garcia