Les institutions européennes ont entamé une série de réunions qui doivent permettre aux négociations sur la future Pac d’entrer dans leur phase finale. Ce 22 mars, les ministres de l’Agriculture de l’Union européenne ont essayé de dégager certains éléments de compromis pour répondre aux demandes du Parlement européen en vue d’un "super trilogue" programmé ce 26 mars.

Semaine charnière
À deux reprises, en 2008 et 2009, le grand Massif central avait pris possession de la Place de Jaude à Clermont-Ferrand.

Les négociations sur la future Pac entrent dans une semaine charnière qui se conclura ce 26 mars par un super trilogue (Conseil, Commission, Parlement) qui doit placer les pourparlers dans leur dernière ligne droite en vue de finaliser un accord d’ici le mois de mai.
Première étape : la réunion du Conseil Agriculture ce 22 mars à Bruxelles. Les ministres de l’Agriculture des Vingt-sept ont discuté des marges de manœuvre qu’ils sont prêts à accorder à la présidence portugaise coincée depuis des semaines entre le Parlement et les États membres. Elle a mis sur la table deux mini-paquets de compromis l’un portant sur les paiements directs, l’autre sur le nouveau modèle de mise en œuvre. Dans le premier, il est proposé une définition obligatoire de l’agriculteur actif, une définition des nouveaux agriculteurs, une convergence interne des aides pour atteindre 85 % en 2026 (75 % dans la position initiale du Conseil et 100 % pour le Parlement), et une part de 3 % des paiements directs réservée aux jeunes agriculteurs (le Conseil s’est positionné pour 2 %, le Parlement défend 4 %).
Le second établit une liste d’indicateurs de résultats utilisés pour l’examen de la performance qui serait mené sur une base bisannuelle. Des avancées qui pourraient satisfaire le Parlement européen, comme l’a indiqué son rapporteur sur les plans stratégiques Peter Jahr lors d’une réunion de la commission parlementaire de l’Agriculture le 15 mars. Mais il demande encore des efforts sur le plafonnement, la dégressivité, la conditionnalité sociale ou encore le paiement redistributif. Des points sur lesquels les États membres se montrent pour l’instant inflexibles. Et ce, à nouveau le 23 mars.

Inflexibles ?

Pourtant, a prévenu la ministre portugaise de l’Agriculture, Maria Ceu Antunes, « nous ne pouvons pas maintenir telle quelle notre position si nous voulons enregistrer des avancées » en vue de ce 26 mars. Les États membres ont quand même accepté quelques-uns des compromis proposés par le Portugal notamment sur le nouveau modèle de mise en œuvre, les contrôles et la gestion, mais se sont montrés plus sceptiques sur le paquet de compromis sur les plans stratégiques. Ils sont notamment très attachés à disposer d’un maximum de flexibilité et refusent toutes les propositions du Parlement européen visant à maintenir une forme de contrôle de la part de la Commission européenne. Les ministres semblent par contre prêts à accepter de porter à 3% l’enveloppe de la Pac à consacrer aux jeunes agriculteurs. Enfin, ils sont divisés sur les exigences du Parlement de renforcer les outils de gestions des crises dans le cadre de l’OCM unique, un règlement sur lequel les négociations ont enregistré peu d’avancées à ce stade, hormis sur les questions viticoles.

Green deal des plans stratégiques

Si tout ceci n’était déjà pas assez compliqué, la future Pac doit donc prendre en compte les Plans stratégiques des États, mais aussi d’autres politiques européennes. Le calendrier se complique encore un peu plus. La plupart des ministres de l’Agriculture de l’Union européenne ont rappelé que les recommandations que leur a adressé la Commission européenne pour que les futurs plans stratégiques de la Pac répondent aux ambitions du Green deal (réduction de l’utilisation des pesticides et des engrais notamment) ne pouvaient pas leur être imposées, car ces objectifs n’ont pas été adoptés formellement. Selon eux, les plans stratégiques devront uniquement être validés sur la base des règlements de la Pac, pour lesquels un accord devrait être trouvé d’ici le mois de mai. C’est l’histoire du chien qui se mort la queue ! « La Pac doit être alignée sur des actes législatifs contraignants, pas sur des intentions », a résumé le ministre espagnol, Luis Planas. S’ils se disent de manière globale en faveur des objectifs fixés par le Green deal, les Vingt-sept préviennent que la Pac ne peut pas à elle seule y répondre. Ils ont donc demandé, une nouvelle fois, à la Commission européenne de leur présenter une analyse de l’impact des stratégies « de la ferme à la table » et « biodiversité 2030 » sur le secteur agricole de l’Union européenne. Le commissaire à l’Agriculture, Janusz Wojciechowski, a indiqué que les services bruxellois étaient en train de mener cette analyse, mais a aussi prévenu que ce genre d’évaluation était très compliqué à mener. Le monstre semble avoir dépassé ses créateurs...

Mobilisation du 25 mars : les inquiétudes de la FNB

Mobilisation du 25 mars : les inquiétudes de la FNB

« La France veut-elle encore de ses éleveurs de bovins de race à viande ? » Telle est la question que la Fédération nationale bovine (FNB) a posé le 18 mars, au gouvernement. En effet, quelques jours après avoir annoncé le déblocage d’une enveloppe de 60 millions pour soutenir les éleveurs de bovins en situation d’urgence absolue, Matignon envisage de supprimer 250 millions d’euros par an d’aides couplées au cheptel bovin allaitant dans la prochaine Pac. « L’incompréhension. Voici le sentiment de la FNB », indique l’association spécialisée de la FNSEA. Pour elle, ces aides sont indispensables « à la survie » des exploitations, « alors que 2.000 d’entre elles disparaissent déjà chaque année », mais aussi au maintien d’un modèle d’élevage « familial, herbager, autonome » et « préservant la biodiversité ». Pour la FNB, cette diminution « évaluée entre 30 et 50 % de leurs aides couplées » correspond à « une baisse de 30 à 50 % de leur revenu ». Or les éleveurs « ont, en 2020, dégagé un revenu de moins de 700 euros par mois », souligne la Fédération.
C’est pourquoi, ce jeudi 25 mars, à l’appel de la FRSEA et des JA et de la Copamac-Sidam (grand Massif central) notamment, des milliers d’agriculteurs ont convergé vers Clermont-Ferrand et Lyon. Des dizaines de points de ralliement aux quatre coins d’Auvergne-Rhône-Alpes et du grand Massif central, des milliers d’hommes et de femmes bien décidés à défendre leur métier, venus rallier Clermont-Ferrand et Lyon en tracteurs, voitures, bus… dont de nombreux agriculteurs saône-et-loiriens. Sans aucun doute, ce jeudi 25 mars 2021 restera dans les annales de la mobilisation syndicale. Une journée noire donc pour exprimer une colère rouge face à des prix trop bas, et suite à la communication, jeudi dernier, de la première mouture de la copie française du plan stratégique national pour la Pac. « Les propositions du ministère sont extrêmement inquiétantes notamment pour l’élevage allaitant », résume Patrick Bénézit, président de la Copamac et secrétaire général adjoint de la FNSEA. « Avec une attaque en règle des aides couplées, notamment celle aux bovins viande, le scénario avancé par la Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE) est ni plus ni moins de supprimer les aides animales couplées », alerte Christian Bajard, coordinateur du berceau des races à viande et président de la FDSEA de Saône-et-Loire. En clair, si la copie n’est pas retravaillée, on pourrait s’orienter vers une diminution drastique des aides animales. 

OCM : des avancées

Les dernières réunions techniques sur l’OCM unique ont, elles, permis d’enregistrer des avancées, les États membres ayant notamment accepté de discuter de tous les points mis sur la table par le Parlement. « Nous étions inquiets du retard pris sur ce volet, mais les dernières discussions ont été rassurantes », a indiqué le directeur adjoint à l’Agriculture de la Commission européenne Michael Scannell, lors de la réunion de l’intergroupe vins du Parlement européen le 17 mars. Mais, prévient le négociateur parlementaire sur ce dossier, Éric Andrieu, « le travail n’est pas terminé. Le super trilogue ne réglera pas tout. Et rien n’est conclu tant que tout n’est pas conclu ».
Le député européen, Jérémy Decerle était rapporteur pour son groupe politique lors de l’adoption à l’unanimité d’un texte de la commission commerce international sur la stratégie Farm to Fork. L’éleveur charolais de Saône-et-Loire note ici « de belles victoires et avancées agricoles ». « Notamment, la demande que le respect des standards de production - en termes de bien être, de produits phyto, d’alimentation, de transports... - deviennent obligatoire et systématique pour toutes les importations dans l’Union européenne. C’est là la seule façon d’assurer une concurrence loyale entre nos producteurs et les producteurs du reste du monde », analyse Jérémy Decerle. En tant qu’ancien président des JA, il se réjouit également de voir aboutir « une demande chère au monde agricole et en particulier aux Jeunes agriculteurs qui en sont à l’origine depuis déjà pas mal d’années : celle de négocier, lors des futures négociations sur des accords commerciaux internationaux, les produits agricoles et alimentaires dans un cadre spécifiquement dédié ». Évidemment, les pays les plus libéraux d’Europe ne sont pas contents, mais cela devrait empêcher à l’avenir que la Commission ne brade l’agriculture en échange de préférences tarifaires pour d’autres secteurs ou technologies.

ZNT : des adaptations toujours possibles

Saisi d’une Question prioritaire de constitutionnalité (QPC) par Générations Futures, le Conseil constitutionnel a jugé le 19 mars que les modalités d’élaboration des chartes départementales sur les ZNT « méconnaissent les exigences constitutionnelles ». D’une part, les dispositions réglementaires « se bornent à indiquer que la concertation se déroule à l’échelon départemental, sans définir aucune autre des conditions et limites ». Par ailleurs, le fait que ces concertations ne se déroule qu’avec les représentants des riverains « ne satisfait pas les exigences d’une participation de "toute personne" qu’impose l’article 7 de la Charte de l’environnement ». Interrogé, le ministère de l’Agriculture « prend acte » de la décision et examine « ses conséquences en droit et les suites à y donner ». La Rue de Varenne souligne que cette décision ne remet pas en cause « l'existence (des chartes) par principe ». Par ailleurs, le ministère rappelle que les mesures d’adaptation des distances minimales de sécurité, telles que « déterminées conformément aux recommandations de l'Anses (...) conservent d’un point de vue pratique leur efficacité en dépit de l’invalidation des chartes et leur mise en œuvre doit pouvoir continuer de permettre l’adaptation des distances minimales de sécurité ». Reste qu’il y a à nouveau urgence de clarifier la situation à la veille d’une nouvelle campagne...