Viande bovine - voie mâle
Une marque italienne qui se remarque en France

La création d’une marque « ombrelle » en Italie, signe d’une structuration de la filière à l’œuvre dans ce pays, suscite l’intérêt en France. Emmanuel Bernard, président de la section Bovine d’Interbev Bourgogne et vice-président de la FNB, revient sur cette évolution à surveiller.

Une marque italienne qui se remarque en France

L’émergence d’une marque en Italie peut-elle avoir un effet bénéfique pour les éleveurs de bovins allaitants français ? C’est l’espoir qui découle, en tout cas, d’une évolution actuellement à l’œuvre au-delà des Alpes. Pour bien comprendre, il faut revenir au 11 décembre 2020. Ce jour-là, dans un manoir de Cornaredo, petite ville proche de Milan, a été décidée la création du Consorzio sigillo italiano pour la filière viande italienne. Derrière ces trois mots, c’est une marque « ombrelle » qui s’est concrétisée dans un esprit voisin de notre Label Rouge. Pour Emmanuel Bernard, éleveur nivernais, président de la section Bovine d’Interbev Bourgogne et vice-président de la FNB, il se passe là quelque chose à observer de près. Cette marque, il en a pris connaissance début février à l’occasion des Journées de Vérone. 

Des opérateurs qui s’organisent

Méconnu du grand public, cet événement n’en est pas moins un grand rendez-vous annuel pour le monde de l’élevage et du commerce de la viande bovine des deux côtés des Alpes. Comme leur nom l’indique, ces journées se tiennent habituellement dans la ville de Vérone, au nord de l’Italie, pas très loin du lac de Garde. Mais puisque avec la pandémie de Covid, l’expression « habituellement » n’a plus grand sens, la 36e édition a eu lieu en visioconférence. C’est à cette occasion qu’Emmanuel Bernard a pu découvrir le Consorzio sigillo italiano qui symbolise une structuration de la filière viande bovine italienne peut-être porteuse d’éléments positifs pour son homologue française. « L’évolution importante à noter, précise-t-il, c’est que jusqu’à présent, lors des Journées de Vérone, l’interprofession bétail et viande française avait comme interlocuteurs les différents opérateurs italiens. Or aujourd’hui, ils ont commencé à s’organiser, il y a maintenant une interprofession italienne. Par ailleurs depuis deux ou trois ans, on remarque que les discussions, qui, d’habitude, portaient sur des éléments tarifaires et des intérêts particuliers, évoluent maintenant vers une approche plus « filière ». Les Italiens se concentrent sur le fait de plus marketer leur viande, issue de broutards français en grande partie ». Il faut conserver à l’esprit que la France exporte chaque année en Italie environ 850.000 broutards. En 2020, ce chiffre était en hausse de 1 %. Il faut aussi savoir que les Italiens ont déjà essayé d’autres broutards, mais ils connaissent la qualité du broutard français en termes de performances. 

Une dimension plus collective

« Par ailleurs, précise Emmanuel Bernard, les Italiens renforcent la robustesse de leur système via la production de biogaz. Leur objectif est de gagner de l’argent avec l’engraissement, mais aussi de valoriser tous les fumiers par de la production de biogaz. Tout cela crée une certaine stabilité qui se retrouve aussi sur le volume d’animaux qu’on exporte. Il y a une interdépendance des deux filières ». Dans ce contexte, la création du Consorzio sigillo italiano permet de marketer un produit qui sera né, élevé et engraissé en Italie, ou au moins engraissé et abattu en Italie. « On sent qu’une dimension plus collective est en train d’émerger, poursuit le représentant d’Interbev. Avant, on avait en face de nous plusieurs démarches : Coopitalia, Inalca, d’autres démarches émanant de groupes d’éleveurs... À présent, on sent vraiment une volonté de structuration de leur approche qui correspond en tout point avec l’approvisionnement du broutard français ».
Quel impact peut-on en attendre pour les éleveurs français ? « Je ne sais pas si nous augmenterons nos volumes d’exportation de broutards grâce à cela, reconnaît Emmanuel Bernard, mais il est certain que cela participera à une différenciation avec d’autres viandes d’importation, notamment la concurrence polonaise. Cette marque, c’est une manière de sécuriser et ça peut aussi amener à une démarcation sur l’approvisionnement de broutards. L’enjeu, c’est que ce label, qui sert les engraisseurs, serve aussi les intérêts des naisseurs. Il s’agit de sécuriser le fait que les Italiens ont besoin des broutards français et de continuer à travailler une production de broutards français en correspondance avec la demande de demain. D’autre part, il faut que l’interprofession française porte avec l’Italie le fait qu’il nous faut gagner de la valeur. Les coûts de production ne font que varier à la hausse. On sent que la démarche italienne suit la tendance de la démarche française, qui a commencé par un plan de filière avec une montée en gamme et le label et qui, dans le même temps, travaille sur les coûts de production. Tout ça peut créer une véritable cohérence entre les deux filières ».

L’Italie consomme toujours beaucoup de viande

Dernier élément fort à prendre en compte : la consommation de viande en Italie s’est très bien portée en 2020. « En Italie comme en France, conclut Emmanuel Bernard, nous avons eu une année atypique avec des fermetures de restaurants. Ici, nous nous sommes demandés si on allait pouvoir continuer à exporter nos broutards, si les chauffeurs italiens allaient pouvoir continuer à venir en France... Finalement, l’Italie s’est adaptée de manière un peu similaire à nous : les gens confinés se sont retrouvés à cuisiner chez eux et ont aussi favorisé la consommation de viande, non pas italienne d’origine mais engraissée en Italie. Structurellement, cette évolution favorable du marché italien est une bonne chose ».   

Berty Robert