Chambre d'Agriculture
Tour de l’actualité à la session, et toujours le loup…

La Session de printemps de la chambre d’agriculture du Jura s’est tenue le mercredi 15 mars à Lons-le-Saunier. Une session rattrapée par l’actualité générale, avec un éclairage sur l’impact de la guerre en Ukraine, et des questions plus locales comme le loup ou les ressources en eau. L’avenir de l’association Solidarité Paysans s’est également invité au débat.

Tour de l’actualité à la session, et toujours le loup…
La question climatique et de la gestion de l’eau font parties des sujets évoqués

En pleine journée de grève nationale, un rassemblement sur le parking de la Maison des agriculteurs aurait pu laisser penser à une manifestation contre la réforme des retraites. Ce n’était pas la raison de ce regroupement provoqué par l’association Solidarité paysans. Pour que ses représentants puissent s’exprimer devant l’assemblée, le président de la chambre d’agriculture a proposé une interruption de séance. « Le refus de subvention du conseil départemental à Solidarité paysans en 2022 met à mal le travail réalisé en faveur des agriculteurs en difficulté, expliquent les bénévoles de l’association. Nous serons contraints d’arrêter nos actions si nous n’avons plus un appui salarié pour les accompagner. Recentrer uniquement l’accompagnement sur l’action sociale, comme le propose le département, serait un échec total », regrettent-ils.

La chambre d’agriculture, par la bouche de son président François Lavrut, assure vouloir soutenir l’association (par des prêts de locaux notamment) mais « ne souhaite pas interférer avec la décision politique du département ». La chambre d’agriculture et la MSA se sont entretenues avec le président du conseil départemental, Clément Pernot, sur le sujet. La réponse donnée par le département est le souhait d’aller vers « une professionnalisation du dispositif prenant en compte le mal-être des agriculteurs en difficulté, compétence sociale qui est de son ressort », indique Franck David, vice-président du Conseil départemental, présent à la session de chambre d’agriculture. Le représentant du département complète son propos : « Le problème des agriculteurs est un problème majeur. Il est faux de penser que l’on ne reconnaît pas les actions de Solidarités Paysans. On aura besoin de votre bénévolat, de votre aide, comme d’autres associations le font dans d’autres domaines. ».

À son tour, Christophe Buchet, s’exprime en tant que vice-président de la chambre d’agriculture et président de la FDSEA : « Je réaffirme notre soutien entier au travail réalisé par Solidarité Paysans. Il est nécessaire que ce travail soit collectif, avec l’ensemble des OPA et des bénévoles. Collégialement, il faut que l’on poursuive ce travail pour accompagner et aider les agriculteurs en difficulté. »

Incertitudes

« Bilan et perspectives pour l’agriculture française, un an après le début de la guerre ». Tel était le thème de l’intervention en visioconférence à la session de chambre de Thierry Poulch, responsable du service études économiques et prospectives à Chambres d’agriculture France. L’économiste a éclairé ces enjeux et les différents scenarii de cette période pleine d’incertitude. (Lire à ce sujet l’article paru dans le Jura agricole du 24 février 2023, où Thierry Poulch s’exprimait dans nos colonnes sur les conséquences de la guerre en Ukraine.)

Les réactions de la salle traduisent une conscience affirmée de l’importance d’une souveraineté alimentaire mais aussi une certaine inquiétude « de ne pas avoir toutes les armes pour y répondre ». Plusieurs questions des participants font résonner ce sentiment d’inquiétude. Comment anticiper l‘effet ciseaux entre les charges et les prix pour maintenir les exploitations dans leurs capacités de production ? Que dire de l’effondrement du nombre d’actifs agricoles, de la décapitalisation des cheptels ? Autant de questions sur lesquelles il est difficile de conclure…

Viande in vitro, formations agricoles…

Deux motions ont été adoptées à l’unanimité lors de la session de chambre. L’une présentée par la Confédération paysanne s’oppose à la culture de viande in vitro, sujet débattu le jour même au Sénat. Christophe Buchet, pour la FDSEA, a appelé l’assemblée à voter pour cette motion.

L’autre motion présentée par la FDSEA et JA a été lue par Isabelle Bailly, vice-présidente de la chambre d’agriculture et par ailleurs présidente du lycée agricole de Montmorot. Cette motion s’oppose à la baisse des financements accordés aux formations agricoles par la région. Pierre Martin, directeur du lycée de Montmorot énumère les conséquences pour son établissement : le BPREA va former deux fois moins de jeunes à l’installation. Le très reconnu certificat de spécialisation plantes aromatiques, dont le recrutement est national, va fermer en 2024. Même couperet pour le BTS viti-œnologie. Une seule formation serait portée par le conseil régional : le salariat en exploitation laitière avec 24 places financées en 2024. « Or nous n’arrivons pas à recruter sur cette formation ! », remarque avec consternation le directeur du lycée.

Discours d’actualité

Dans son discours d‘actualité, François Lavrut, président de la chambre d’agriculture du Jura, s’est penché sur la question climatique. « L’évolution du climat remet en cause nos systèmes habituels. » Pâturages, forêt, plaines ne sont pas épargnées. « L’arrêté cadre sécheresse a bien joué son rôle, se félicite le président, en permettant de sauver nos cultures à fortes valeurs ajoutées » . Et d’appeler à la recherche de solutions « pour préserver le potentiel de notre territoire », « en se mettant tous autour de la table avec une approche pragmatique et technique, non pas militante » .

Autre sujet évoqué : la nouvelle programmation de la PAC. « Les services de la chambre d’agriculture restent mobilisés pour accompagner les agriculteurs dans leurs dossiers », rappelle François Lavrut. 2023 sonne aussi le début d’une nouvelle programmation pour les dossiers installations et modernisation. « À l’heure où je vous parle, il reste encore beaucoup de zones d’ombre sur l’instruction de ces dossiers qui sont maintenant du ressort du conseil régional », signale le président de la chambre d’agriculture, espérant que les agriculteurs « ne seront pas pénalisés » par cela.

Le président de la chambre d’agriculture est intervenu aussi sur d’autres sujets comme le projet de parc naturel régional de la Bresse, le soutien à l’agriculture biologique, le Salon de l’agriculture, les retraites agricoles, l’élan de solidarité des agriculteurs au côté des pompiers, le compte financier 2022 de la chambre d’agriculture du Jura avec une amélioration du résultat « grâce aux efforts des équipes », …

La question du loup aussi. « Partout où le loup s’est implanté, l’élevage a régressé », alerte François Lavrut. Et de saluer la réactivité des services de l’État sur ce sujet. Sujet qui sera d’ailleurs repris largement par le préfet dans son allocution.

Trois sujets pour le préfet

Pour clôturer la session, Serge Castel, préfet du Jura est revenu sur trois dossiers qui le « préoccupent ». D’abord le volet de l’eau, avec un maître mot : « anticiper ». Son objectif : lancer prochainement des assises de l’eau avec les acteurs concernés pour mener une réflexion sur les ressources, la qualité de l’eau, les usages et la gouvernance.

Autre sujet de préoccupation pour le préfet : les feux de forêt et la vulnérabilité aux incendies l’été prochain. Parmi les actions proposées : une formation des agriculteurs au côté des pompiers, « même si les intervenants prioritaires restent les services du SDIS qui auront progressé par rapport à l’an dernier », confirme le préfet.

Enfin, troisième sujet de préoccupation pour le représentant de l’État : le loup. Le préfet remercie « la sagesse des agriculteurs », malgré « les difficultés et le mal-être de certains » dont il dit « avoir conscience ». « Vous nous avez fait confiance, nos services ont été très réactifs mais j’appréhende le mois de mars », ne cache pas Serge Castel qui a demandé aux services de l’État d’être « très présents sur le terrain ». Le nombre de louvetiers a augmenté, avec 9 intervenants supplémentaires formés récemment. Le préfet du Jura espère également que des décisions pourront être prises au sein du prochain comité coordinateur régional, en phase avec le plan national loup. Et de conclure sur le sujet : « Ce que je ne veux pas, ce sont des confrontations. Je demande aux agriculteurs de ne pas céder à certaines provocations. Je serai là pour faire respecter les droits des ayants droit et les autorisations de tirs », assure le représentant de l’État, avec force. Le message est passé.

IR

 

Ils ont dit :

Franck David, vice-président du Conseil départemental en charge de l’agriculture, s’inquiète du conventionnement entre le département et la région « qui a du mal à se concrétiser ». « Cette étape est nécessaire pour que le département puisse continuer à intervenir que ce soit sur le Feader ou dans le cadre de la convention de la Loi NOTRe. Parmi les actions portées par le conseil départemental, je pense par exemple à l’adaptation aux changements climatiques, à la lutte contre la pollution des eaux superficielles et souterraines… » .

Christophe Buchet, pour la FDSEA et JA, est intervenu tour à tour sur le loup, « nous souhaitons de la régulation », le projet de parc naturel régional de la Bresse « où les agriculteurs de la zone se sont mobilisés pour réaffirmer qu’ils ne voyaient pas pour l’instant d’intérêt à un parc » et l’assurance climatique, invitant « les viticulteurs à se poser la question et les éleveurs à travailler sur des simulations ». Enfin, le représentant syndical souligne « l’incohérence de la région qui demande à gérer le 2ème pilier de la PAC mais qui, le jour venu, n’est pas prête à le faire et remet la faute sur les services de l’État… ».

Patrick Revilloud, attaché parlementaire de Christine Chauvin, confirme que la question de la viande in vitro était à l’ordre du jour le matin même. « La sénatrice, par ailleurs présidente du groupe élevage au Sénat, a voté contre. »