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Tribune De Jean-François Guihard, Président D’Interbev : Européennes : réévaluer l’élevage herbager (*)

Cédric Michelin
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Dans le contexte actuel où l’Europe redéfinit ses priorités environnementales avec le Green Deal et la stratégie Farm to Fork, il est impératif de redonner à l’élevage herbager une place primordiale dans la politique agricole. Pierre angulaire d’une agriculture durable, ce modèle de production ne se contente pas seulement de répondre aux objectifs de la transition agroécologique, il y contribue activement. Voici une tribune de Jean-François Guihard, président d’Interbev.

Tribune De Jean-François Guihard, Président D’Interbev : Européennes : réévaluer l’élevage herbager (*)

Pourtant, l’élevage herbager de ruminants se heurte trop souvent à des réglementations inadaptées. En témoigne l’analyse du cycle de vie (ACV), un outil destiné à mesurer l’impact environnemental des produits alimentaires sur lequel travaillent la France et l’Union européenne, et qui privilégie la productivité au détriment de la qualité et de la durabilité de notre élevage. Conçue initialement pour évaluer les impacts des produits industriels, elle juge la performance environnementale par unité de produit, ce qui favorise les grandes exploitations intensives. En d’autres termes, l’ACV appréhende davantage l’agriculture dans sa fonction de “production alimentaire” et néglige ses externalités positives. Ainsi, les systèmes d’élevage de ruminants, dont les cycles de vies sont longs, sont pénalisés car ses bénéfices à long terme qu’ils induisent, tels que la biodiversité, l’assainissement des sols ou la préservation des haies, ne sont pas pleinement reconnus ou valorisés.

En France, avec ses 12,5 millions d’hectares de prairies pâturées par nos vaches et moutons [1], l’activité d’élevage de ruminants compense en moyenne un tiers de ses émissions [2] par le stockage de carbone dans le sol des prairies que nos animaux paissent. Un cercle environnemental vertueux malheureusement trop souvent sous-estimé, d’autant plus que les prairies sont des réserves très importantes de biodiversité. Plus de la moitié des espèces endémiques du pays sont des espèces prairiales, et leurs sols abritent une diversité biologique bien plus riche que celle des terres cultivées.

Consciente des défis à relever, la filière Élevage et Viande française que je représente, en tant que président d’Interbev, est pleinement investie dans la planification écologique. Au travers de leviers techniques innovants, dont le programme Méthane 2030 ou le déploiement de l’outil Cap’2ER, nous visons à réduire les émissions de méthane de 5 millions de tonnes d’équivalent CO2 d’ici 2030, un objectif aligné sur les directives fixées par le gouvernement français.

L’élevage est aussi une activité essentielle pour nos territoires, dans la mesure où il contribue au maintien des communautés rurales, en soutenant l’économie locale – création d’emplois, dynamisme commercial – et en prévenant le dépeuplement des campagnes. Préserver les surfaces agricoles au travers des cultures et de l’élevage est fondamental pour de nombreuses régions d’Europe, où l’agriculture reste un pilier de l’identité culturelle et sociale.

Il est donc impératif que nos futurs élus européens adoptent une perspective holistique afin de prendre en compte les externalités positives de l’élevage herbager et révisent les méthodes d’évaluation de son empreinte écologique. Pour l’Europe de demain, notre filière doit être au centre de l’agenda des décideurs politiques de chaque pays membre.

D’eux dépendent des décisions éclairées qui embrassent la complexité et la richesse de nos systèmes agricoles, envoyant ainsi un signal clair et positif aux consommateurs et permettant d’avancer vers une politique agricole qui favorise la transition écologique et plus de durabilité.

Jean-François Guihard, président d’Interbev

(*) Le titre est de la rédaction : le titre originel est le suivant : « Pourquoi l’élevage herbager doit être réévalué à sa juste valeur lors de la prochaine mandature européenne »

[1] Source : Agreste – Statistique agricole annuelle (SAA)

[2] Source : Dispositif INOSYS Réseaux d’élevage - Traitement Institut de l’Élevage