Mildiou
Composter les feuilles à l’automne pour lutter contre le mildiou

Cédric MICHELIN
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Ils sont fous ces scientifiques et osent tout pour faire avancer la recherche, à commencer par poser des hypothèses qui paraissent à première vue improbables. De l’Inrae Bordeaux, François Delmotte cherche à « rompre le cycle sexué du mildiou pour limiter les épidémies » dans les vignes. 

Composter les feuilles à l’automne pour lutter contre le mildiou
Autre piste envisagée un temps mais peu concluante pour l’heure, « les parcelles enherbées ne suffisent pas à contrôler la germination du mildiou », sans même savoir l’impact dans un sens ou dans l’autre, positif ou négatif sur la phase sexuée du mildiou.

Ils sont fous ces scientifiques et osent tout pour faire avancer la recherche, à commencer par poser des hypothèses qui paraissent à première vue improbables. De l’Inrae Bordeaux, François Delmotte cherche à « rompre le cycle sexué du mildiou pour limiter les épidémies » dans les vignes. Le tout avec des méthodes préventives basées sur la prophylaxie en commençant par faire le « portrait-robot » du mildiou : une algue (plasmopara viticola), soit donc des oomycetes qui ont perdu la capacité à faire de la photosynthèse, devenus dès lors souvent des « parasites ou biotrophes ». La famille du mildiou est donc classée comme algues brunes et diatomées, alternant reproduction sexuée (une fois/an) et asexuée, pour un total d’une dizaine de cycles par an, « très variable d’une année à l’autre ».
L’idée de François Delmotte est « à l’instar d’autres pathogènes, de s’attaquer et cibler la phase sexuée pour essayer de mieux gérer ce pathogène ». La phase sexuée est en effet un « moment clé » permettant au mildiou de diffuser « ses innovations » (recombinaisons) pour s’adapter à son environnement. S’attaquer à cette phase sexuée permettrait de limiter son potentiel d’adaptation donc et de diminuer sa population pour au final, réduire l’intensité des attaques en saison végétative « pour espérer mettre en place des biocontrôles » plus efficaces alors à la vigne.
Mais quand a lieu cette phase sexuée du mildiou ? « De l’automne au printemps », des milliers d’œufs sont présents dans les feuilles infectées. L’idée étant d’intervenir à cette période inhabituelle de lutte pour les viticulteurs. L’hypothèse de travail est donc intéressante mais comment la concrétiser. Les chercheurs s’inspirent de la reproduction sexuée du mildiou de la pomme de terre pour comprendre le cycle de la reproduction sexuée (émission d’hormones pour accouplement) du mildiou de la vigne. Si les scientifiques font des avancées sur les hormones du mildiou en vue d’essayer « de créer une confusion sexuelle chez le mildiou », pour l’heure, les scientifiques envisagent la « suppression de l’inoculum à l’automne par défoliation » ! L’idée étant donc de retirer les feuilles de la parcelle pour retirer les œufs qui conduisent à la production de l’inoculum et ainsi réduire l’épidémie primaire depuis le sol l’année suivante. Les chercheurs imaginent enfin composter – « de manière à tuer le mildiou par augmentation de température » - les feuilles afin de restituer la matière organique à la vigne.
Les chercheurs veulent savoir maintenant où se trouvent les oospores dans le sol, à quel degré un sol primaire est en capacité d’induire une épidémie… pour ne pas envisager cette « prophylaxie » systématiquement. Et côté vigne, l’Inrae veut savoir l’impact de la défoliation sur la physiologie et le développement du cep, si cela pénalise la mise en réserve et la quantité et qualité de récolte suivante notamment. L’Inrae cherche donc le meilleur moment « sur le palissage » pour défolier en fonction du climat de l’année aussi. Ce projet Ecophyto intègre la « construction d’une machine dédiée » car même pour l’Inrae, cela nécessite 20 personnes pour 10 rangs faits « à la main ».
L’Inrae prévient « cela prendra du temps d’éliminer une parcelle de son inoculum car les oospores peuvent se maintenir plusieurs années dans le sol, même si on ne connaît pas bien le taux de germination selon les années » ensuite.