Techniques culturales
Le tournesol sous couvert testé en Bresse

Marc Labille
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Depuis 2014, la Chambre d’agriculture suit des essais de semis sous couvert permanent dans une exploitation de la Bresse. Après le colza, c’est le tournesol associé à des légumineuses pluriannuelles qui est étudié de près à Baudrières.

Le tournesol sous couvert testé en Bresse
Au 10 juin, le tournesol implanté le 19 avril sous couvert de trèfle présentait un bel aspect avec un tapis de trèfle blanc nain très dense.

Le semis sous couvert permanent de légumineuses est à l’essai depuis 2014 sur l’exploitation de Romuald Gros à Baudrières. De 2014 à 2019, la Chambre d’agriculture de Saône-et-Loire y a suivi une rotation de colza/blé/maïs/orge-pois d’hiver comparée sous deux systèmes ; l’un en semis sous couvert permanent de trèfle blanc nain et l’autre en conduite conventionnelle. 

Le semis sous couvert permanent de légumineuses est une réponse aux limites rencontrées dans le cadre des techniques de travail du sol simplifiées (sans labour, semis directs…). Séduisantes pour le gain en temps de travaux, ces techniques n’allègent pas vraiment les frais de mécanisation et elles sont gourmandes en herbicides, notamment le glyphosate. L’intégration dans la culture d’un couvert de légumineuses pluriannuel est sensée palier ces écueils. Il doit notamment réduire l’utilisation d’herbicide par sa capacité à étouffer les adventices. En outre, il a la propriété de protéger de l’érosion, d’améliorer la porosité du sol, de favoriser la biodiversité, l’activité biologique et le taux de matière organique.

Colza, blé, maïs… dans un même couvert de trèfle

Concrètement, l’agriculteur sème deux cultures en même temps ; le couvert pluriannuel de légumineuses et le colza. Au printemps, le colza se développe malgré la présence de trèfle à ses pieds. Sitôt la moisson du colza, le couvert qui se retrouve au grand jour se met à pousser fortement avant d’être broyé. Le blé suivant est implanté en semis direct dans ce couvert qui est régulé au préalable avec du glyphosate. Le trèfle est à nouveau broyé après la moisson du blé. Une troisième culture, de maïs cette fois, est implantée dans le couvert le printemps suivant. Le maïs est en principe suivi d’une culture de pois et d’orge.

Efficace contre les adventices

Les six années d’expérimentation en Bresse ont permis de montrer que la présence de trèfle est intéressante pour le colza. Ce couvert ne compromet pas le développement de l’oléagineux et il joue pleinement son rôle de contrôle des adventices. Pour le blé, le semis sous couvert de trèfle facilite la gestion des mauvaises herbes au semis permettant de se passer quasiment de glyphosate. Ce que confirme Romuald Gros qui dit avoir consacré seulement 1 €/ha au désherbage la première année.

La concurrence du trèfle est en revanche plus problématique avec le maïs qui est fortement pénalisé par la légumineuse (perte de rendement de – 10 quintaux par ha). Une destruction du trèfle est inévitable. 

Herbicides toujours nécessaires

Concernant les rendements, la présence du couvert - dont la concurrence est difficile à gérer - a un impact. L’écart devrait se réduire avec la pratique et l’expérience. Dans sa rotation, Romuald Gros a d’ailleurs remplacé la culture de pois et d’orge par du triticale. 

L’itinéraire sous couvert n’a pas permis d’atteindre l’objectif de réduction de 50% d’utilisation d’herbicides qui avait été fixé au départ. Cette baisse n’est en effet que de 16%. En revanche, Romuald Gros dit avoir économisé 70 unités d’azote pour son maïs.

« Ces essais montrent que rien n’est vraiment permanent », ajoute Antoine Villard, conseiller en grandes cultures à la Chambre d’agriculture. « L’implantation d’un couvert est pour 2 ou 3 ans seulement et derrière, il faut une culture pour le valoriser ».

Pour lutter contre l’ambroisie dans le tournesol

Pour prolonger cet essai, Romuald Gros cultive depuis 2021 du tournesol sous couvert de légumineuses. Le fort recul du colza dans le département fait revenir le tournesol dans les assolements. Et le semis sous couvert offre une solution pour lutter contre les mauvaises herbes, notamment l’ambroisie très présente dans le tournesol. En 2021 et en 2022, Romuald Gros a réalisé un double semis de trèfle blanc et de tournesol dans la même parcelle. Cette année, la légumineuse (trèfle et luzerne) a été implantée au semoir en ligne le 18 avril et le tournesol semé au semoir monograine le lendemain. Au préalable, la parcelle, qui avait reçu du triticale, a été broyée fin février puis désherbée au glyphosate le 12 mars avant d’être travaillée au déchaumeur et à la herse rotative le 15 avril, détaille Romuald Gros. 

Tournesol, blé… sous couvert de légumineuses

Pour la seconde année consécutive, l’essai montre que cette double implantation « fonctionne ». Cette année, de bonnes conditions de semis printanières ont permis d’obtenir un joli couvert de trèfle et des tournesols présentant un bel aspect au 10 juin (photo). Comme dans l’essai avec le colza, la modalité sous couvert est comparée avec une modalité conventionnelle et l’étude va jusqu’au rendement et au salissement final, explique Antoine Villard. 

Après la moisson du tournesol, le couvert est broyé avant le semis d’un blé. Un désherbant est appliqué pour « calmer » la légumineuse. Ce blé qui a suivi le tournesol semé sous couvert en 2021 a été visité le 10 juin dernier. Une partie de la céréale avait été semée dans un couvert de luzerne. Mais cette dernière qui avait atteint 40 cm de haut début mars, a dû être régulée avec un herbicide. Quant au couvert de trèfle, sous le blé en épis, il commençait à repartir au 10 juin. Mais l’effet sur les adventices a été décevant dans cette parcelle sale d’origine, indiquait l’agriculteur. Le trèfle conserve cependant son intérêt pour le maïs qui suivra ce blé, faisait valoir Antoine Villard.