Produits phytopharmaceutiques
La baisse des usages est bel et bien enclenchée

Même si les ventes de produits phytopharmaceutiques ont progressé en 2020, la tendance est nettement à la baisse si on établit des comparaisons sur des périodes plus longues qui permettent de gommer les effets météo ponctuels et les changements de réglementation.

La baisse des usages est bel et bien enclenchée

Le ministère de l’Agriculture et le ministère de la Transition écologique ont publié les données provisoires de ventes de produits phytopharmaceutiques pour l’année 2020.

Ce sont 44.036 tonnes de substances actives (hors usage en Agriculture Biologique ou en biocontrôle) qui ont été vendues par les distributeurs en France en 2020. Comme l’indiquent les ministères, ce tonnage est supérieur de 23 % à celui de 2019. En fait, les distributeurs avaient enregistré en 2019 un net repli par rapport à 2018 de 43 % suite à l’augmentation de la redevance pour pollution diffuse. C’est pourquoi, pour avoir une idée claire des évolutions des pratiques à long terme, il est nécessaire d’élargir les comparaisons à des périodes plus longues, triennales, en l’occurrence. Ceci permet de gommer dans le temps les évolutions de la règlementation et les surutilisations ponctuelles de phyto quand la météo est défavorable. Ainsi les ventes de produits phytopharmaceutiques (hors produits de biocontrôle et Agriculture Biologique) se sont repliées de 5,7 % sur la période 2018-2020 par rapport à 2017-2019 et de 9,1 % si on compare 2018-2020 par rapport à 2009-2011, la première moyenne triennale du plan Écophyto. Autre comparaison, si on rapproche les quantités vendues en 2020, à savoir les 44.036 t, à la moyenne décennale 2009-2019, le recul des tonnages vendus s’affiche à 16 %.

Baisse drastique des substances les plus toxiques

Un autre point très important à signaler est la poursuite de la baisse de substances actives classées cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques (CMR). Celles qui sont classées CMR1, les plus toxiques, selon le nouveau classement européen, ont vu les ventes s’effondrer de 92,5 % entre 2017 et 2020.

En outre en 2020, il n’y a eu que 64 tonnes de substances actives classées CMR1 vendues soit 1,6 % de la quantité totale, contre 3,8 % en 2019. Pour les CMR2, les quantités sont restées stables entre 2019 et 2020 et représentent 11 % de la quantité totale de substances actives vendues.

Enfin, si l’on compare les moyennes triennales, tous CMR confondus, on constate encore une fois une baisse importante liée notamment au retrait d’un certain nombre de substances actives classées CMR 1 et 2 pour des raisons de santé publique, de -12,7 % en 2018-2020 par rapport à 2017-2019 et de -34 % en 2018-2020 par rapport à 2009-2011.

Glyphosate : tendance à la baisse attendue

Quant au glyphosate, après avoir enregistré une diminution de 37 % entre 2018 et 2019, les quantités vendues ont augmenté à nouveau de 42 % entre 2019 et 2020. Mais en moyenne triennale, le niveau des ventes s’établit à 8.151 tonnes/an pour 2018-2020, en légère diminution par rapport à la moyenne 2017- 2019 (8 215 tonnes/an). Après l’évaluation comparative menée par l’Anses et les restrictions d’usages et interdictions qui ont suivi en 2020, la tendance à la baisse devrait s’accentuer nettement à compter de la parution des données 2021/2022. Dans certains secteurs cependant, des ventes pour des usages spécifiques risquent de perdurer faute de produits de substitution, en raison d’impasses techniques.

Croissance des produits AB et de biocontrôle 

Pour ce qui concerne les produits utilisables en Agriculture Biologique (AB) et les produits de biocontrôle, les ventes confortent leur croissance tendancielle : les données provisoires pour 2020 (21.305 tonnes) en font la seconde année la plus élevée après 2018 (22.083 tonnes) et la moyenne triennale est la plus élevée enregistrée (20.856 tonnes), avec une progression de 20 % par rapport à la moyenne triennale 2015-2017. Enfin, la moyenne triennale 2018-2020 est presque deux fois plus favorable que celle de 2009-2011 (10.828 tonnes). Ces chiffres confirment ceux publiés à la mi-juin montrant une hausse de la valeur du marché du biocontrôle. Celui-ci est passé de 217 millions d’euros à 236 millions d’euros entre 2019 et 2020 avec une hausse des parts de marché de près de 11 % à plus de 12 % en 2020.

Et 2021 devrait être encore pire. Début août, les viticulteurs ont été autorisés à dépasser provisoirement la quantité de traitements à base de cuivre pour lutter contre le mildiou de la vigne, selon un arrêté publié le 8 août au Journal officiel. Ainsi, la quantité annuelle autorisée de produits phytopharmaceutiques contenant du cuivre, qui ne doit habituellement pas excéder 4 kg/ha de cuivre, est exceptionnellement augmentée à 5 kg/ha pour 2021. Ces apports devront toutefois rester dans la limite de 28 kg/ha sur sept ans (2019-2025), conformément à la réglementation européenne. L'ensemble des viticulteurs, en viticulture biologique comme conventionnelle, est concerné par cet arrêté « en vigueur pour une période de 120 jours ».

Épée de Damoclès au dessus du Bio

Fin juillet, le gouvernement rendait publique une étude scientifique indiquant que « toute la population française est exposée à des métaux lourds ». Dans la liste, on retrouve notamment le cuivre pouvant être génotoxique et s’accumulant en plus dans les sols puisqu’il ne peut être dégradé.

L’étude réalisée à partir de données collectées de 2014 à 2016 révèle l’exposition de toute la population étudiée (adultes et enfants) à la présence de métaux lourds (arsenic, mercure, cadmium, chrome, plomb, cuivre, nickel, etc.). Les résultats, publiés sur le site de Santé publique France, sont le fruit de l’étude Esteban (Étude de santé sur l’environnement, la biosurveillance, l’activité physique et la nutrition) qui est établie pour être répétée chaque sept ans environ. Selon l’étude, les niveaux d’exposition sont en général supérieurs à ceux des autres pays d’Europe et d’Amérique du Nord.

Parmi les raisons de la présence de ces métaux dans le corps humain, le site du gouvernement indique clairement que ces accumulations de métaux lourds peuvent être liée à : 

- une forte consommation de poissons et de produits de la mer (arsenic, mercure, chrome, cadmium) ;
- la consommation de céréales du petit-déjeuner (cuivre) ;
- la consommation de légumes issus de l’agriculture biologique (cuivre) ;
- le tabagisme, actif ou passif (cadmium et cuivre) ;
- les implants médicaux (chrome) ;
- les plombages dentaires (mercure).

Autant dire qu’une énorme épée de Damoclès plane désormais au-dessus du seul label environnemental reconnu officiellement par... le gouvernement.