Depêche juridique
Le droit de préemption du fermier 

Le droit de préemption du fermier est une prérogative accordée au preneur à bail rural, qui lors de la vente de la parcelle exploitée, pourra acquérir le bien en priorité. 
Ce droit prévu par le Code rural à l’article L. 412-1 est soumis à diverses obligations, tant côté bailleur que preneur. Récemment, la Cour de cassation a rappelé les obligations pesant sur les propriétaires ruraux lors de la vente de leur bien. 

Le droit de préemption du fermier 

Le droit de préemption et le fermier 

Le droit de préemption du fermier constitue une prérogative d’ordre public, ce qui signifie que le bailleur ne peut y faire échec. Cette prérogative est accordée à tout preneur en place, c'est-à-dire un fermier justifiant d’un bail rural opposable au propriétaire. Peu importe que le bail soit écrit ou verbal, enregistré ou non. 

Pour bénéficier de ce droit, le fermier doit cependant respecter certaines conditions énoncées à l’article L. 412-5 du Code rural. 

Le preneur à bail doit exploiter personnellement le fonds vendu, cela s’entend d’une participation effective et permanente sur l’exploitation. Cette condition peut aussi être remplie par les membres de la famille. 

Le fermier doit également avoir exercé la profession agricole pendant au moins trois ans. 

Enfin, le fermier ne doit pas déjà être propriétaire de parcelles représentant une superficie supérieure à trois fois le seuil de surface, définie par le schéma directeur régional des exploitations agricoles, et compris entre le tiers et une fois la surface agricole utile régionale moyenne. 

Le droit de préemption et le bailleur 

Le principe posé par le code rural est qu’un bailleur ne peut vendre le bien loué sans tenir compte du droit de préemption bénéficiant à son exploitant. 

    Le cas de la donation 

Il ressort de ce principe que le droit de préemption ne s’applique que lorsque le bien est aliéné à titre onéreux. Par conséquent, il n’y a pas de préemption possible par le fermier lorsqu’il s’agit d’une donation. 

Il faut être vigilant toutefois sur ce point. En effet, certains pourraient être tentés de procéder à une donation dans le seul but de faire échec au droit de préemption de l’exploitant. 

La Cour de cassation a rappelé, dans un arrêt du 15 avril 2021, que la donation doit avoir une intention libérale, dans le cas contraire, la fraude au droit de préemption du preneur pourrait être caractérisée. Dans les faits, un couple de propriétaires avait consenti un bail à métayage en 2003, converti en bail à ferme par la suite. Puis, en 2016, les bailleurs ont consenti une donation portant sur l’ensemble des terres louées à plusieurs personnes. Les preneurs estiment alors qu’il y a fraude à leur droit de préemption. 

Il s’est avéré lors de la procédure judiciaire, que les bailleurs avaient tenté en vain de faire résilier le bail et que les rapports étaient mauvais entre les parties. La Cour en a déduit que la donation avec charge à des personnes inconnues relevait, non de l’intention libérale, mais d’une manœuvre frauduleuse dans le but de contourner le droit de préemption des preneurs. 

    Vente du bien loué et notification 

Lors de la vente du bien, le bailleur doit donc purger le droit de préemption du fermier. 

Il doit notifier le projet de vente au preneur par lettre recommandée avec accusé de réception ou par acte d’huissier. Cette notification doit contenir le prix, les charges, conditions et modalités de la vente projetée. Elle vaut offre de vente aux prix et conditions qui y sont contenues. Le preneur, qui dispose d’un délai de deux mois afin d’exercer ou non son droit, peut préempter en révision du prix, s’il estime ce-dernier exagéré. 

Le preneur exerce son droit de préemption sur les parcelles qu’il exploite.

Il arrive qu’un propriétaire souhaite vendre un lot (en bloc), dans lequel seule une parcelle est louée par bail. 

Dans ce cas, l’article L. 412-6 du code rural précise que le bailleur doit mettre en vente les lots séparément, de façon à ce que le fermier en place puisse exercer son droit de préemption sur la seule parcelle exploitée. En revanche, ce principe tombe si les différents biens vendus sont indivisibles. 

C’est ce que rappelle la Cour de cassation dans un arrêt du 4 mars 2021. Dans les faits, un propriétaire avait notifié à son preneur son intention de vendre en bloc deux parcelles louées, ainsi qu’une maison d’habitation non louée. Si le tout constitue un fonds indivisible, alors le bailleur peut proposer la vente unique du fonds affermé et de biens non compris dans l’assiette du bail. 

Ici, la Cour de cassation a relevé que le bailleur ne rapportait pas la preuve que l’ensemble vendu constituait « une unité matérielle ou économique indissociable ». Par conséquent, il était nécessaire pour le vendeur de notifier séparément au fermier, la vente unique des parcelles exploitées. 

Et après la préemption ? 

Le preneur qui fait usage de son droit de préemption est tenu aux mêmes obligations que le bailleur qui exerce son droit de reprise. C'est-à-dire qu’il doit, à partir de la préemption, exploiter le bien pendant au moins neuf ans. Cela exclut donc la vente du fonds préempté ou sa location. 

Si le preneur ayant exercé son droit de préemption ne respectait pas ses obligations, l’acquéreur évincé pourrait prétendre à des dommages et intérêts prononcés par les tribunaux paritaires. 

SERVICE JURIDIQUE DU GROUPE FDSEA 71