Chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire
Bien se former pour mieux se reformer
Le 19 septembre à l’EPL de Tournus, les élus et invités de la session de rentrée de la chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire étaient tous ravis de « retourner sur les bancs de l’école ». Car, à l’image des formations des responsables professionnelles, les formations évoluent. D’apprenant initialement, les agriculteurs deviennent les "sachants" et doivent (apprendre à) transmettre. La formation continue sert plus à échanger entre pairs, tandis que les tutorats servent à préparer les générations futures.
Parfois l’étymologie d’un mot peut surprendre. Former vient du latin pour dire « donner l’existence et la forme ». Un peu comme si la formation construisait la base de l’agriculteur. Mais très vite, la réalité du terrain et des pratiques, viennent déformer ce savoir théorique. L’heure alors de s’informer pour « s’enquérir de », « se mettre au courant ». Il y a bien sûr "l’autoformation", surtout aujourd’hui avec Internet. On se "transforme" alors. À chaque fois, dans un but de "performer" dans un (nouveau) domaine, pas que sur des volets économiques ou techniques, mais bien sûr toutes formes de savoirs.
Mais alors, pourquoi « n’aime-t-on pas » retourner — en tant qu’adulte accompli — sur les bancs de l’école ? Telle était la question posée et le fil rouge de la dernière session de la chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire.
Une des raisons est à chercher dans nos souvenirs. « Bien souvent, on garde une bonne expérience de notre période à l’école, mais pas pour le volet scolaire », analysait le directeur de l’Ifocap. Ce « manque de motivation » se fait jour avec seulement un agriculteur sur cinq qui se forme une fois adulte, selon les chiffres annuels de Vivea. La réponse fréquemment donnée étant de ne pas avoir – ou prendre – le temps pour la formation continue. Pour autant, « l’école a considérablement changé ». Prendre le temps de se reformer, c’est alors l’occasion de « réformer » (changer une chose abstraite pour l’améliorer) ses savoirs et « reformer » du collectif avec de nouveaux camarades.
La Saône-et-Loire complémentaire
Qu’en est-il en Saône-et-Loire ? À l’image de l’EPL de Tournus, l’éducation ou centres de formation ou établissements scolaires n’ont pas toujours été accessibles à toutes et tous dans l’Histoire de France. « Tournus est une vieille dame, une ancienne école ménage pour les femmes en dehors des saisons de travaux agricoles puisqu’elles devaient travailler aux champs avec leurs maris », guère mieux lotis, rappelait Philippe Antoine, le directeur, ravi d’accueillir cette session dans ses murs. Le slogan dès 1959 de l’Ifocap (Institut de formation des cadres paysans) à Paris, l’école de référence formant les managers et responsables professionnels des OPA, était déjà et reste de « former les femmes et les hommes d’action capables d’agir sur les problèmes de leur temps ». Élu chambre, Robert Martin saluait « la chance qu’a le monde agricole » d’avoir eu des Jeunes agriculteurs – issus de la JAC (Jeunesse agricole catholique) qui avait déjà réfléchi à l’importance de se former en permanence, à commencer par les femmes, placées aux avants postes.
En Saône-et-Loire, la lettre et l’esprit demeurent. Présidente de l’EPLEFPA Fontaines Sud Bourgogne et en charge de « piloter » la bonne complémentarité des formations agricoles en Saône-et-Loire (13 centres publics et privés), Anne Gonthier insiste sur la priorité de renouveler les générations. Ce sont près de 1.500 départs en retraites de chef (fe) s d’exploitation qui sont prévus dans les cinq ans à venir. Le phénomène a déjà commencé et les exploitations, plus sociétaires et grandes, voient leur nombre de salariés augmenter, tout comme le niveau de compétences de tous. « Une exploitation est complexe. Le grand public garde des références archaïques ou désuètes. On doit l’expliquer et bien s’exprimer », plaidait-elle aussi pour que tous les Agriculteurs soient des ambassadeurs de leur profession, sans critiquer les modèles qui ne sont pas le leur. Car il va falloir aussi attirer, et ne pas mentir sur la réalité des métiers, à des « hors cadres familiaux » ou « non issus du milieu agricole », un peu hors sol ou rêveurs. Représentant l’enseignement privé, Rémy Guillot, président de Notre Dame de Louhans, rajoute à ce défi, la difficulté d’une démographie « défavorable » en Bourgogne-Franche-Comté avec la "perte" programmée de 10.000 lycéens dans les dix prochaines années. « On ne fait pas assez la promotion des métiers agricoles et dès qu’on le fait, il y a des campagnes de dénigrement derrière. On s’épuise », demandait-il l’aide de l’Éducation nationale et de l’État au Préfet.
Gardiens du temps et de l’espace
Le directeur du lycée de Fontaines, Pierre Botheron appelait lui à briser plusieurs idées fausses : « un tracteur est un investissement et une embauche est une charge », « les filles ne seraient pas aussi capables que les garçons »… et encourageait plutôt « l’accès facilité au foncier » notamment pour les hors cadres familiaux, « prendre en compte la manière de voir des jeunes », conforter l’apprentissage… Élu chambre, Bernard Moreau interpellait d’ailleurs le préfet pour ne pas voir de « coupes sombres » sur l’apprentissage à l’avenir.
Le préfet Séguy notait et préférait élargir la réflexion. « L’agriculture est comme tous les secteurs économiques aujourd’hui », à savoir à la recherche de main-d’œuvre. Dans ce contexte de métiers (et sociétés) « en tension », « il vous faut travailler votre RSE, votre attractivité… offrir plus qu’un salaire, mais aussi de la considération, des attentions… », invitait-il les agriculteurs et viticulteurs. Lui qui a des racines viticoles interrogeait l’assemblée : « est-ce qu’on pose la question si un repreneur est issu de l’artisanat ou de l’industrie ? », qui peut apparaître alors comme un repoussoir. Et de faire quelque part le parallèle avec d’autres « héritiers », de grands investisseurs – notamment en viticulture – qui viennent valoriser le patrimoine, posant d’autres « considérations » notamment sur la fiscalité. Autre « débat de fond », l’agrivoltaïsme. S’il félicitait la profession pour sa charte, lui qui doit faire respecter les lois mettait en garde sur les difficultés inhérentes à ce rôle « de gardiens du temps et des territoires » notamment dans une perspective où « votre modèle économique ne sera plus seulement fait d’activités agricoles, mais de productions d’énergies et d’autres ».
Ferm’Inov, la pédagogie élargie
Faisant ses en revoir, le DDT, Jean-Pierre Goron a justement apprécié, lors de son passage en Saône-et-Loire, le collectif qui règne et « l’humanisme » du président de la chambre d’Agriculture. Bernard Lacour justement rappelle sans cesse « ces fondamentaux : la vraie richesse est dans les femmes et les hommes de notre société ». Et pour revenir sur le thème de cette session : « la formation est le socle de tous nos métiers ». Une maxime qu’il applique autant pour le collectif (lire notre article sur l’Ifocap et Vivéa la semaine prochaine) qu’à titre individuel. Il se réjouit aussi de voir plus de 50 partenaires, dont tous les établissements scolaires du département jusqu’à des écoles d’ingénieurs (Isara, AgroSup…) s’investir dans Ferm’Inov pour « une approche moderne » des métiers agricoles.
Ancien agriculteur passé par une formation pour responsable (Défi 71), le conseiller et ancien président de l’EPL de Tournus, Jean-Michel Desmard rappelait que le Département accompagne les jeunes agriculteurs et voterait le lendemain une nouvelle aide pour la Ferme de Jalogny. De quoi rendre encore plus attractive l’agriculture de Saône-et-Loire.