Face à la sécheresse
Maïs ensilage ou ration sèche ?

Marc Labille
-

Les sécheresses à répétition remettent en cause la culture de maïs ensilage dans les élevages allaitants, au point de rendre les rations sèches compétitives. Pour éclairer ses adhérents, Charolais Horizon avance quelques repères comparatifs en termes de coûts de production.

Maïs ensilage ou ration sèche ?
Réputée plus chère que la ration humide, la ration sèche a l’avantage d’être performante. Elle peut permettre de gagner environ 100 g/j de GMQ dans un cheptel à bon potentiel, estime Pierre-Antoine Comte.

Les trois années de sécheresse consécutives que viennent de vivre les agriculteurs interrogent à bien des égards. Les productions fourragères sont notamment remises en cause, en particulier le maïs mis à rude épreuve par le manque d’eau répété de ces dix dernières années. En ferme, les résultats zootechniques sont impactés, constate Pierre-Antoine Comte de Sicarev Coop (Charolais Horizon). « Depuis plusieurs années, des problèmes de reproduction se répètent avec des pertes et des retards au vêlage, ce qui a un impact sur les flux de marché », fait remarquer le technicien de groupement. Dans un bassin de production où historiquement l’ensilage de maïs plante entière concerne une majorité d’exploitations, il convient de s’interroger sur le coût de production et la pertinence d’un tel système face au changement climatique. Pour éclairer la réflexion et dégager « des repères pour préserver la compétitivité sur le mode d’engraissement », Charolais Horizon a réalisé une étude comparative entre une ration classique à base de maïs ensilage et une ration sèche à base de céréales.

Avantages et inconvénients…

Les avantages du maïs ensilage plante entière sont connus : production fourragère et énergétique, tête de rotation, apport d’amidon lent… Mais cette culture estivale est très sensible à la sécheresse. Elle implique la confection d’un silo qu’il faut bien maîtriser ; une bonne gestion de la ration à l’auge avec le risque de performances irrégulières si le silo est mal géré, pointe Pierre-Antoine Comte. Il y a aussi l’astreinte du dessilage.

A contrario, la ration sèche a un côté très pratique tant pour le stockage que lors la distribution, fait valoir le technicien. Le besoin de fourrage est limité et avec des céréales auto-produites en culture d’hiver, cela laisse la possibilité d’introduire des intercultures.

Réputée plus chère et dépendante du coût des matières premières, la ration sèche a l’avantage d’être performante (GMQ, état d’engraissement…), souligne Pierre-Antoine Comte qui estime que « le coût plus élevé d’une ration sèche doit se récupérer par des performances plus élevées et plus stables ». Autrement dit, la ration sèche est plus particulièrement intéressante pour les élevages qui ont un bon potentiel, chez qui avec une ration plus intensive, la durée d’engraissement pourra être raccourcie.

Seuil de 120 € la tonne de matière sèche

Chez les adhérents de Charolais Horizon, le coût de production moyen à l’hectare d’un maïs s’élevait à 800 € sans irrigation et 1.150 € avec irrigation, révèle Pierre-Antoine Comte. Mais pour appréhender vraiment le coût de production, il faut le ramener à la tonne de matière sèche produite. Ainsi plus il y a de tonnes de matière sèche produites – autrement dit plus il y a de rendement - moins le coût de production est élevé (143 €/T MS avec un rendement de 6 T MS ; 72 €/T MS avec un rendement de 12 T MS). Au-delà de 120 €/T MS, le maïs ensilage revient aussi cher qu’une ration sèche, alerte Pierre-Antoine Comte qui complète : « quand on n’a pas le potentiel pour faire du maïs, il ne faut pas s’obstiner… ».

Ce constat est confirmé par le coût ramené en euro par kilo de croît. Au-delà de 120 €/T MS, le coût du kilo de croît au maïs ensilage avec un GMQ de 1.600 grammes dépasse celui du kilo de croît à la ration sèche avec un GMQ de 1.700 g.

Du maïs à 80 €/T brute équivaut à 228 €/T de matière sèche ! 

Cette connaissance des coûts de production incite aussi à faire très attention à ce qu’on achète, met en garde Pierre-Antoine Comte qui fait allusion aux aliments humides proposés pour compenser les déficits de la sécheresse (maïs plante entière enrubanné, maïs ensilé vrac…). « Du maïs à 80 €/T brute équivaut à 228 €/T de matière sèche ! », alerte-t-il. À un tel niveau de prix, le coût de ration humide parvient à dépasser celui d’une ration sèche, illustre, chiffres à l’appui, le technicien.

Et avec un maïs déficitaire en amidon, il faut compter un surcoût de + 0,10 €/kg de croît pour équilibrer la ration, complète-t-il.

« Ce qu’il faut retenir, c’est que le coût de la ration à base de maïs ensilage est très dépendant du rendement et de la qualité du fourrage récolté. Le prix d’équilibre entre ration sèche et ration humide est atteint lorsque le maïs revient à 120 €/T MS soit 850 €/ha à 7 T MS/ha. Sachant que les pertes au silo et à l’auge impactent ce prix d’équilibre, sans oublier la question de la main d’œuvre. Le passage à une ration sèche permet de gagner environ 100 g/j de GMQ », synthétise Pierre-Antoine Comte qui énonce quelques repères supplémentaires pour éclairer les éleveurs dans leur réflexion : « la marge nette par animal devient nulle lorsque le maïs dépasse 150 €/T MS ou pour une céréale au-delà de 160 €/T. Cela équivaut à un coût de ration dépassant 1,35 €/kilo de croît (ou 2 à 2,20 €/j) », complète-t-il.

Deux exemples de coûts de production maîtrisés

À Saint-Hilaire-Fontaine (58), tout près de Cronat, Alexis Renier nourrit ses animaux avec une ration à base d’ensilage de maïs, de maïs grain humide et de céréales. Le coût de production de son maïs ensilage irrigué s’élève à 1.129 € par hectare. Le rendement élevé de 18 tonnes de matière sèche par hectare permet d’atteindre un coût de production modéré de 63 €/T MS. Le coût du kilo de croît s’établit à 1,09 € avec un GMQ de 1.650 g/j. La ration est distribuée une fois par jour et implique un nettoyage des refus. Bien géré, le silo couloir limite les pertes.

À Poisson, Maël Brivet obtient sensiblement le même coût du kilo de croît (1,10 €/kg) avec une ration sèche composée de paille, céréales, correcteurs azotés. L’éleveur a abandonné la culture de maïs fourrage au profit des céréales à paille. Le passage à la ration sèche s’est accompagné d’une hausse du GMQ de +100 grammes à 1.800 g/j et par animal.

Les variétés de maïs s’adaptent

Pour adapter le maïs ensilage aux changements climatiques, les semenciers proposent des variétés dont le stade de récolte est plus avancé. C’est le cas des maïs « m3 » de Pionner que Charolais Horizon a testé auprès de ses adhérents en 2019 et que la Ferme expérimentale de Jalogny expérimente cette année. « Ces variétés de maïs ont la capacité à ne pas trop murir. Leur amidon a la propriété de rester farineux même si le stade de récolte semble dépassé. Ce n’est pas le cas d’un corné denté classique dont l’amidon devient tout de suite vitreux dès que la date de récolte est dépassée. Plus souples dans leur stade de récolte, les variétés « m3 » restent digestibles et continuent de faire du tonnage », explique Pierre-Antoine Comte.