AGRONOMIE
Protéines végétales : les enjeux de la production

Alors que la consommation des protéines végétales se développe de plus en plus, les filières agricoles accentuent leurs travaux sur la production de ces cultures.

Protéines végétales : les enjeux de la production
Blaise Rolland, responsable filières à TOP Semence. ©Semae_JoaodeMoura

En 1930, un habitant en France consommait près de 7,5 kg de légumes secs par an, contre 2,2 kg aujourd’hui. Avec la consommation qui repart aujourd’hui à la hausse, ce peut être une opportunité pour les agriculteurs de produire des lentilles, haricots, pois chiches, pois cassés et fèves. « Les protéines végétales sont des espèces plus tolérantes au sec et moins consommatrices de pesticides. De plus, ce sont des cultures de diversification intéressantes dans les rotations », rappelle Blaise Rolland, responsable filières à TOP Semence. Les cultures de protéines végétales s’intègrent en effet très bien dans les rotations. « Ces productions permettent de réduire les fertilisants azotés et d’améliorer la qualité des sols au sein de la rotation », ajoute-t-il. L’Union TOP Semence mène d’importants travaux de recherche en pois chiche, avec notamment l’Inrae de Dijon et les instituts interprofessionnels, pour accompagner et faire évoluer les performances de cette culture. De plus, l’Union a travaillé sur une solution biostimulante à base d’huiles essentielles (Actifilm’Pro) pour protéger et renforcer la semence à un stade précoce où la plante est vulnérable (maladies, insectes ravageurs ou dégâts directs d’oiseaux). « Il faut plus de 10 ans de recherche dans la sélection variétale pour aboutir à des variétés plus adaptées aux contraintes pédoclimatiques et aux attentes des agriculteurs », indique Blaise Rolland. TOP Semence a d’ailleurs lancé un programme de recherche « PRO’PULSE, destiné à développer les protéines végétales en légumes secs sur son territoire
Jean Champion, conseiller spécialisé en grandes cultures bio à la chambre d’agriculture de la Drôme, se veut toutefois plus mesuré : « ces productions, très dépendantes des conditions climatiques, peuvent être risquées en termes de rendement. Il faut que des moyens soient mis en œuvre pour mieux valoriser ces cultures, soit en garantissant des rendements minimaux, soit en augmentant les prix ».


Des rendements aléatoires

Les protéines végétales souffrent d’un manque de régularité et de connaissances techniques. C’est la raison pour laquelle les surfaces restent encore limitées : « nous avons pu voir, à travers le programme Pepit Légumes secs (2020-2022), qu’il s’agissait de productions très compliquées à stabiliser, que ce soit au niveau de l’itinéraire technique ou du rendement », poursuit Jean Champion. Les cultures de pois chiche sont par exemple touchées par l’ascochytose (anciennement appelée anthracnose), maladie causée par un champignon et qui peut fortement nuire au bon rendement de la production. Les lentilles sont aussi sujettes à des rendements aléatoires. « Ce sont des légumineuses grimpantes, mais peu couvrantes. Il est donc intéressant de les associer à une autre culture pour assurer la couverture du sol et qui leur servirait de tuteur », préconise Jean Champion. En ce sens, la filière travaille sur les plantes compagnes, comme la cameline. « C’est une plante allélopathique, très bien adaptée à un territoire argilo-calcaire », ajoute Blaise Rolland.

La rentabilité 

Face à ces difficultés de rendement, la valorisation en vente directe autour de 3 000 € la tonne en pois chiche bio et 4 000 €/t en lentilles peut être intéressante. « En circuit court, on peut se permettre d’avoir des rendements faibles pour être rentable économiquement. Cependant, nous avons aujourd’hui une volonté de développer ces productions sur des filières longues via les collectes des coopératives. À mon avis, le prix proposé en filière longue (environ 900 €/t en pois chiche bio et 1 300 €/t en lentilles) est loin de celui qu’il faudrait proposer pour que les agriculteurs puissent en cultiver à grande échelle », estime Jean Champion. Aujourd’hui, la région Auvergne-Rhône-Alpes compte principalement des productions de pois chiche et de lentilles, avec une relance de la production de haricots secs. Pour autant, il semble important de sectoriser les terroirs les plus adaptés à telle ou telle culture. « Le développement du pois chiche sur le nord de la région est limité, avec une culture qui aime la chaleur et les temps séchants. En revanche, il y a plus de potentialité au niveau des lentilles. Cette année, dans la Drôme, la production a davantage souffert du sec au printemps, contrairement aux départements du nord de la région. Enfin, le haricot sec aime la chaleur mais demande beaucoup d’eau, à l’image du soja. Il peut avoir sa place en culture dans toute la région, mais peu d’études ont été réalisées pour l’heure sur le sujet », conclut Jean Champion.

Amandine Priolet