Budget 2023
Quelques mesures agricoles rescapées du 49-3

Cédric Michelin
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L’examen du projet de loi de finances 2023 aura été unique à bien des égards. Quelques mesures agricoles ont survécu à l’exercice de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution. Le projet de loi de finances sur lequel le gouvernement engage sa responsabilité intègre cinq amendements, dont deux nouveautés par rapport à l’examen en commission : l’abaissement de la TVA de l’alimentation animale et l’élargissement de l’exonération de la taxe à l’essieu.

Quelques mesures agricoles rescapées du 49-3

Lors de l’examen, le 19 octobre, de la première partie du projet de loi de finances (PLF) pour 2023, la Première ministre a engagé à l’Assemblée nationale la responsabilité du gouvernement au moyen de l’article 49-3 de la Constitution, qui permet l’adoption du texte sans vote, sauf motion de censure. Le texte, qui a été déposé dans la foulée, a retenu une « centaine d’amendements », a prévenu la ministre. La veille, le ministre du Budget Gabriel Attal a listé, en séance, une série de mesures agricoles soutenues par le gouvernement : « vous direz aux agriculteurs que vous êtes contre ces mesures qui sont dans le PLF », a-t-il déclaré, après avoir cité les dispositions suivantes, dont certaines restaient à examiner par l’Assemblée : abondement des fonds alloués à l’assurance récolte (inscrit dans le texte initial) ; prorogation du crédit HVE – au lieu de sa suppression, comme proposé par la commission des Finances (voir dans ce numéro) ; prorogation de l’épargne de précaution (DEP) ; allègement de la fiscalité sur la transmission à titre gratuit de biens ruraux loués par bail à long terme ; et enfin deux mesures qui n’avaient pas encore été traitées par l’Assemblée en séance : abaissement de la TVA de l’alimentation animale à 5,5 %, et élargissement de l’exonération de la taxe à l’essieu. Autant de mesures que l’on retrouve effectivement dans le texte publié le lendemain par le gouvernement.

Indexation de la DEP

Avant cette publication et à l’écoute des déclarations du ministre du Budget dans l’hémicycle, un suspense planait encore autour la DEP. Serait-elle indexée ou seulement prorogée ? En séance le 18 octobre, les députés avaient adopté plusieurs amendements visant à indexer le dispositif sur l’inflation. Mais ces textes avaient été adoptés "avec sagesse du gouvernement", et non avis favorable. En effet, le ministre du Budget, Gabriel Attal avait rappelé en séance son opposition « de principe » à l’indexation des plafonds fiscaux pour des considérations de « maîtrise de la dépense publique », mais a dit avoir « entendu les inquiétudes » exprimées par de nombreux députés. Finalement, le texte du gouvernement retiendra bien l’option d’indexation.

 

Menacé, le crédit d’impôt HVE prolongé

Quelques jours avant le déclenchement du 49.3 par Élisabeth Borne, le ministère de l’Agriculture l’avait confirmé : « Le gouvernement soutient bien la prolongation du crédit d’impôt HVE » (Haute valeur environnementale) dans le PLF 2023. Le rapporteur Jean-René Cazeneuve (Renaissance) avait déclenché le débat en commission en défendant la suppression du crédit de 2500 €. « Un arrêt de mort prononcé contre la démarche », selon Jean-Jacques Jarjanette, président de l’association HVE Développement. Créé fin 2020 dans le cadre du Plan de relance, ce crédit est une aide dédiée « aux primo-accédants », qui n’en bénéficient que la première année, rappelle le ministère. Et avec 10.000 nouvelles fermes HVE entre le 1er janvier 2021 et le 1er janvier 2022, « beaucoup d’aides » ont été octroyées dans l’année qui se termine, selon la rue de Varenne, évaluant le coût total à 30 M€, sur les 76 M€ prévus par le plan de relance. Pour l’année 2023, poursuit le ministère de l’Agriculture, le crédit HVE concernera donc seulement les nouveaux certifiés, ainsi que les « retardataires » de 2022, pour un montant total estimé à 10 M€.

Dans l’hémicycle, la mesure a fait débat au sein de la majorité, chez Renaissance notamment ; alors que le rapporteur de la commission des finances défendait la suppression, la présidente du groupe Aurore Bergé a signé avec de nombreux autres collègues un amendement de prolongation. La position était plus claire chez Horizons (proches d’Édouard Philippe), les Républicains ou encore le Rassemblement national qui ont soutenu collectivement le crédit. À l’inverse des députés de la France insoumise, à l’origine de l’amendement de suppression voté en commission des finances. Confirmée par Gabriel Attal le 19 octobre, la prolongation du crédit ne manquera pas de décevoir les partisans de la Bio en tant que label unique environnemental approuvé par le Ministère.

Le député Dirx obtient un allègement de la fiscalité sur la transmission

Lors de l’examen du projet de loi de finances (PLF) 2023, les députés ont adopté le 14 octobre un allègement de la fiscalité sur la transmission à titre gratuit de biens ruraux loués par bail à long terme. Le texte a été repris dans le texte sur lequel le gouvernement a engagé sa responsabilité. Il s’agit d’augmenter le plafond de la franchise pour la transmission de biens ruraux : l’exonération des droits de mutation à titre gratuit correspond à 75 % de la valeur des biens jusqu’à 500.000 € (non plus 300.000 €), et 50 % au-delà. En échange, les amendements prévoient un allongement de la condition de durée de détention à dix ans (contre cinq actuellement).

« La transmission des terres agricoles est un sujet important, surtout dans le domaine viticole, car les domaines peuvent atteindre des valeurs très élevées », a déclaré Benjamin Dirx (Renaissance, Saône-et-Loire), en défendant son texte. Auteur de l’autre amendement identique, Jean-Paul Mattei (Démocrate, Pyrénées-Atlantiques) a mis en avant « une belle avancée pour le monde agricole en matière de transmission ». « Cette mesure très importante, notamment pour les exploitations viticoles, était attendue par nombre d’entre vous », a souligné dans l’Hémicycle le ministre Gabriel Attal (Comptes publics). Elle a été maintenue dans le PLF 2023, après que le gouvernement s’est résolu à utiliser l’arme constitutionnelle du 49-3 pour forcer l’adoption du texte.

La Cnaoc (vignerons) a salué le vote des députés. « Face à une hausse importante du prix du foncier ou de la taille des exploitations, de nombreux viticulteurs rencontrent des difficultés pour leur transmission familiale », souligne-t-elle dans un communiqué. Et d’appeler les politiques à « continuer la mise en œuvre de mesures de soutien », en supprimant le plafond d’exonération, ce qui reviendrait à s’aligner sur le Pacte Dutreil. Surtout à l’heure du rachat de la Maison Bouchard par le milliardaire, François Pinault, qui bien que difficile à démêler, serait la première acquisition en Bourgogne à dépasser le milliard d’euros…

Service de remplacement : les députés demandent un bilan du soutien public, avant de l’améliorer

À l’occasion de l’examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2023, le 14 octobre, les députés ont rejeté en séance publique plusieurs amendements visant à améliorer la prise en charge publique des dépenses de remplacement des exploitants agricoles. L’un des amendements avait été adopté quelques jours plus tôt en commission des Finances, porté par le député socialiste Dominique Potier (Meurthe-et-Moselle). Il visait à augmenter le taux du crédit d’impôt de 50 % actuellement à 100 % des dépenses de remplacement. En séance publique, les députés ont suivi les avis du rapporteur et du ministre du Budget Gabriel Attal, qui plaident pour qu’un bilan du dispositif soit réalisé en 2023, avant son éventuelle prorogation et extension. Le dispositif est en vigueur jusqu’à la fin 2023. De leur côté, les députés mettaient en avant que le système actuel démontre des « effets positifs en termes de diminution du stress et des risques psychosociaux », et que son extension aurait « un impact favorable de dynamique territoriale, avec la création d’emplois stables et sécurisés au sein des services de remplacement », d’après l’exposé des motifs.

Vers une TVA de 5,5 % pour l’alimentation animale

Lors de l’examen, en séance publique le 18 octobre, du projet de loi de finances (PLF) pour 2023, le ministre du Budget s’est montré favorable à deux amendements allégeant la fiscalité pour les agriculteurs, à travers une TVA de 5,5 % sur l’alimentation animale et un élargissement de l’exonération de la taxe à l’essieu. Les deux mesures ont été inscrites le surlendemain dans le texte sur lequel le gouvernement a engagé sa responsabilité au titre de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution.

Depuis la loi de finances 2022, « la vente d’un produit destiné à l’alimentation humaine est […] soumise au taux de 5,5 %, sans égard à son niveau de transformation », rappelle l’exposé des motifs de l’amendement n°I-3576. Mais les éleveurs « achètent toujours l’aliment soumis au taux de 10 % » et « vendent désormais leurs animaux à un taux de 5,5 % », ce qui « les prive d’une trésorerie qui leur fait défaut ».

Concernant la taxe à l’essieu, les agriculteurs sont aujourd’hui exonérés de ce prélèvement visant les poids lourds « pour le transport de leurs propres récoltes ». L’amendement I-3236 vise à étendre cette exonération à « l’ensemble des transports de marchandises végétales, animales ou minérales nécessaires à une activité agricole ou forestière ou qui en sont issues », ainsi qu’aux ETA et aux Cuma.

Ces deux amendements ont été déposés par des députés LR, qui a annoncé son intention de voter contre le PLF. « Vous expliquerez aux agriculteurs que vous étiez contre » ces « mesures de soutien », a déclaré Gabriel Attal. Le ministre du Budget faisait aussi référence à d’autres dispositions incluses dans le PLF auxquelles le gouvernement est favorable : prolongation du crédit d’impôt sur la HVE, prolongation de la DEP pour trois ans, assurance récolte, relèvement du seuil de transmission des baux ruraux à long terme.

Intrusions en élevage : l’Assemblée se refuse au durcissement des dons aux associations

À l’occasion de l’examen en séance publique de la première partie du projet de loi de finances (PLF) pour 2023, le 13 octobre, les députés ont rejeté, suivant l’avis du rapporteur et du gouvernement, et après de longs débats, un amendement visant à exclure du bénéfice de certaines réductions d’impôts les dons aux associations dont les adhérents sont reconnus coupables « d’actes d’intrusion et/ou de violence vis-à-vis des professionnels ». Le ministre du Budget, Gabriel Attal, a argué en séance que la loi prévoyait déjà qu’une association puisse se voir retirer le bénéfice d’une déduction fiscale en cas de condamnation, et que ce dispositif a été récemment étendu aux actes de malveillance contre les biens et les personnes. L’adoption de cet amendement en commission des Finances avait vivement fait réagir les ONG animalistes et environnementales. Dans un communiqué, une trentaine d’entre elles (dont L214) avaient dénoncé cet amendement qui « toucherait de plein fouet l’ensemble des organisations qui dénoncent les dérives de notre système agricole et industriel, notamment via des actions de désobéissance civile ». La question pourrait bien revenir néanmoins avec les actes de vandalisme à répétition. En effet, le 23 octobre, deux militants écologistes, appartenant au groupe "Letzte Generation" (« Dernière génération"), ont jeté de la purée de pommes de terre sur le tableau "Les Meules", de Claude Monet, au Musée Barberini à Postdam (Allemagne). Dix jours auparavant, ce sont deux militantes écologistes du mouvement Just Stop Oil qui avaient jeté de la soupe à la tomate sur l’un des chefs-d’œuvre de Van Gogh les « Tournesols », à la National Gallery de Londres. Ces deux tableaux étaient, fort heureusement, protégés par des vitres. Ce tableau, issu d’une série de vingt-cinq toiles peintes par l’un des grands maîtres de l’impressionnisme a été vendu plus de 100 millions d’euros en 2019. Mais d'autres mouvements risquent bien de faire des morts à l'image des collectifs s'attaquant aux voitures des particuliers dans les villes, en dégonflant leurs pneux la nuit... risquant de provoquer des accidents de la route le matin. Un symbole qui fait écho aux risques sanitaires des effractions dans les exploitations avicoles ou autres.

Chèque alimentaire : absent du budget 2023, mais l’idée n’est « pas rejetée »

Aucun crédit ne sera dédié à un éventuel chèque alimentaire dans le budget 2023, a indiqué Bercy le 12 septembre, bien que la réflexion sur cette aide promise par Emmanuel Macron se poursuive, selon le ministère de l’Agriculture. Casse-tête pour l’exécutif, le chèque alimentaire devait initialement permettre aux foyers modestes d’acheter des produits frais et locaux, mais devant la complexité du système, le gouvernement avait annoncé en juin qu’il se fondrait dans un « chèque inflation » plus simple, distribué à la rentrée. La Première ministre Elisabeth Borne avait toutefois précisé au même moment que la réflexion continuerait sur un chèque alimentaire plus ciblé sur les produits « de qualité » et « bio », une version ardemment défendue par les syndicats agricoles qui le voudraient aussi vertueux pour la production agricole. La semaine précédente, la FNSEA avait indiqué avoir développé, avec la Coopération agricole et plusieurs start-up, une application mobile permettant de mettre en œuvre ce chèque alimentaire dans les grandes surfaces.