Antibiorésistance
L’antibiorésistance recule toujours, mais arrive à un palier

En porcs, volailles et bovins, « la baisse de l’antibiorésistance continue », s’est félicitée l’Anses le 18 novembre. Le recul des bactéries résistantes arrive toutefois à un palier. Le plan ÉcoAntibio 2 ne devrait pas produire « des baisses aussi spectaculaires » que sa première mouture.

L’antibiorésistance recule toujours, mais arrive à un palier

C’est un message rassurant que l’Anses s’est employée à faire passer le 18 novembre, à l’occasion de la Semaine mondiale pour un bon usage des antibiotiques : en France, la « baisse de l’antibiorésistance […] continue » en 2019. Un constat issu du rapport annuel du réseau Résapath, qui quantifie depuis 1982 les bactéries pathogènes animales résistantes aux antibiotiques. « Les tendances à la baisse pour les antibiotiques critiques observées depuis plusieurs années se confirment encore en 2019 », constate l’Anses dans l’édition 2019. Cette catégorie comprend notamment les céphalosporines de 3e et 4e générations (C3G/C4G), ou encore les fluoroquinolones, des molécules « cruciales pour la santé humaine et [qui] n’ont pas ou peu d’alternatives ».

Pour les C3G/C4G, on retrouve seulement 2 % de bactéries E. Coli résistantes chez les bovins, et moins de 1 % chez les porcs et les volailles. La résistance aux fluoroquinolones, elle, plafonne à 8 % chez les bovins et 3 % chez les porcs et dindes. Des niveaux qui reflètent « une circulation à bas bruit de l’ordre du "normal" », estime Jean-Yves Madec, directeur scientifique antibiorésistance à l’Anses. Pour rappel, les gènes de résistance aux antibiotiques sont naturellement présents dans la nature : on en a retrouvé dans du permafrost vieux de 30.000 ans. Mais l’utilisation d’antibiotiques applique une pression de sélection qui favorise les bactéries résistantes, avec le risque ensuite de perte d’efficacité des traitements en médecine humaine ou vétérinaire.

L’objectif d’ÉcoAntibio 2 sur la colisitine déjà atteint

Pour les antibiotiques non critiques, « la tendance générale est une légère baisse ou une stabilisation de la résistance », indique l’Anses. Quant aux bactéries multirésistantes (insensibles à plus de trois molécules), elles sont « en baisse toutes filières confondues ». L’Anses en observe entre 2 % (chez les dindes) et 15,5 % (bovins). Des résultats encourageants à mettre en lien avec la baisse continue des ventes – et de l’exposition – aux antibiotiques. « Le niveau d’exposition est le plus bas depuis le début du suivi en 1999 », indique un autre rapport sur les ventes d’antibiotiques vétérinaires (Anses et ANMV). En 2019, cet indicateur (tonnages rapportés au kilo vif d’animal traité et à la durée de traitement) a reculé de 10,9 % par rapport à 2018 et de 45 % par rapport à 2011.

Autre fait marquant souligné par l’Anses : l’exposition des animaux d’élevage à la colistine a diminué de 64,2 % en 2019 par rapport à la moyenne 2014-2015. L’objectif fixé par en 2017 par ÉcoAntibio 2 sur cette molécule (-50 % en cinq ans) « a été atteint pour les filières porcine, avicole et bovine », indique l’agence. Utilisée en médecine humaine comme dernier recours, la colistine n’est pas considérée comme « critique ». Mais elle fait l’objet d’une attention particulière, car « des mécanismes de résistance transférables ont été décrits » pour cette molécule. En médecine vétérinaire, c’est un antibiotique « de première intention, notamment pour le traitement des infections digestives », rappelle l’Anses.

« Faibles » concentrations dans l’environnement

Après les fortes baisses observées avec le premier plan ÉcoAntibio, le recul de l’antibiorésistance atteint désormais un plateau. « Il ne faut pas s’attendre à des baisses aussi spectaculaires avec ÉcoAntibio 2 », prévient M. Madec. Cette deuxième mouture du plan gouvernemental porte essentiellement sur le développement des traitements alternatifs, sur la communication et la formation. Le 19 novembre, le ministère a ainsi lancé une campagne de sensibilisation. Son slogan : « Les antibios, comme il faut, quand il faut ».

Pas avant 20 ans

Aller plus loin supposerait « des changements structurels dans la façon d’élever des animaux », estime Gilles Salvat, directeur délégué du pôle Recherche et références de l’Anses. Et de fixer cet horizon à « au moins vingt ans, soit le temps d’amortissement d’un bâtiment d’élevage ». La transition vers des « bâtiments respectueux du bien-être animal » – comprendre avec plus de plein-air – conduira à « trouver une nouvelle balance entre le bien-être, la santé et les attaques de virus issues de l’environnement ».

À plus court terme, l’Anses propose d’affiner les connaissances scientifiques sur l’antibiorésistance. Le 18 septembre, l’agence a publié son premier avis sur la présence d’antibiotiques et de bactéries résistantes dans l’environnement. Résultat : « quel que soit le milieu, les concentrations en antibiotiques sont faibles en France », affirme l’Anses. « Nous avons une situation plutôt favorable, avec des " hot spot " en sortie d’hôpitaux et d’élevages », résume Jean-Yves Madec. Comme prévient l’Anses, ces résultats sont toutefois « susceptibles d’évoluer avec le changement climatique et l’évolution des pratiques liées à l’économie circulaire de l’eau ».

Antibiotiques : la France bonne élève 

Si la France se situe au 14e rang sur 28 au plan européen, ses chiffres sont « en deçà de la moyenne communautaire », a expliqué Jean-Pierre Orand, précisant toutefois qu’en comparaison des pays à production animale équivalente à la nôtre, nous étions au même niveau que les Pays-Bas, et nettement meilleurs que l’Allemagne, la Belgique, l’Italie et l’Espagne. D’une manière globale, les ventes d'antibiotiques à usage vétérinaire sont en baisse de 34 % entre 2011 et 2018 sur les 25 des 31 pays membres du réseau European Surveillance of Veterinary Antimicrobial Consumption (ESVAC). Ce taux atteint 50 % de baisse dans certains pays, comme la France.