EXCLU WEB / Les députés européens veulent plus peser dans la PAC

Les membres de la Commission de l’agriculture du Parlement européen ont rendu public fin 2022 un rapport à l’occasion du 60e anniversaire de la Politique agricole commune. L’occasion de revenir sur les grandes étapes de cette politique et de recommander de donner plus de pouvoirs aux députés de Strasbourg et Bruxelles dans ce domaine. 

EXCLU WEB / Les députés européens veulent plus peser dans la PAC

La Politique agricole commune (PAC) reste à ce jour la seule politique totalement intégrée de l’Union européenne, celle sur laquelle s’est bâtie une grande partie de l’esprit européen et les 60 ans de ce monument politique valait bien que le service de recherche du Parlement européen (European Parliement Research Service - EPRS) se penche sur son histoire et son devenir. Sous la houlette de Maria Christodoulou et de Dylan Bradley, les chercheurs ont examiné les rapports produits sur la PAC, y compris le suivi de l'opinion des citoyens de l'UE sur cette politique, en commençant par le premier Eurobaromètre spécifique établi en 1988 et tous les sondages qui ont suivi. Ils ont aussi rappelé que la réforme du commissaire à l’Agriculture, Ray Mac Sharry (Irlande 1989-1993) avait été « la première réforme à grande échelle de la PAC, en introduisant des paiements directs couplés qui étaient des réductions du soutien des prix ». C’est aussi à partir de cette date que l’on note « une baisse constante des dépenses de la PAC par rapport au PIB de l'UE », a fait remarquer Maria Christodoulou. L’autre grande réforme a été celle de 2003. Conduite par le commissaire autrichien Franz Fischler (1995-2004), elle a introduit des paiements directs découplés, « supprimant ainsi l'incitation à produire davantage, inhérente à la réforme ». Elle a aussi rendu plus compatible avec les obligations commerciales internationales de l'UE, notamment celles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). C’est aussi cette réforme qui a introduit les premières mesures d'écoconditionnalité et subordonné les aides au revenu et au respect des normes environnementales de base. Le verdissement de la PAC s’est poursuivi avec la réforme de 2013 menée sous la houlette des commissaires Dacian Cioloș (Grèce, 2010-2014) et Phil Hogan (Irlande, 2014-2019).

Plus politiques et moins techniques

Pour les deux chercheurs, Maria Christodoulou et Dylan Bradley, le Parlement européen a commencé à renforcer ses pouvoirs à partir des commissions d'enquête et des commissions spéciales, en commençant par celle de l’encéphalopathie spongiforme bovine (« vache folle ») diligentée après 1996. D’autres ont suivi. C’est dans les années 2010 que l’influence du Parlement européen en qualité de colégislateur a commencé à s’affirmer encore plus, cependant au détriment de la Direction générale de l’agriculture et au profit de la Direction générale de la Santé qui s’est de plus en plus approprié le dossier de l’alimentation. Les deux rapporteurs donnent des pistes aux députés européens pour renforcer leur pouvoir. Il insiste notamment sur l'importance de sélectionner des personnalités politiquement influentes en tant que rapporteurs, et met en évidence le rôle de certains députés qui sont d’anciens responsables politiques nationaux ou européens et qui maîtrisent autant le fond des dossiers agricoles et environnementaux que les rouages politiques européens. Dylan Bradley prône d’ailleurs un meilleur dialogue entre la commission Agriculture et celle de l’Environnement du PE. Elle demande aussi aux parlementaires d’être plus politiques et moins techniques, autrement dit de dégager une orientation stratégique pour l’agriculture européenne. 

Enfin, les deux chercheurs militent ouvertement pour donner plus de moyens aux parlementaires européens pour contrebalancer « les ressources dont disposent la Commission et le Conseil via les États membres ». Ce qui suppose plus d'assistants parlementaires accrédités, de conseillers politiques et d'administrateurs au secrétariat des commissions. En somme, un peu plus de technocratie…