EXCLU WEB / Qualité de l’air : encore du chemin à faire

Les Chambres d’agriculture France et la Fédération des associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (Atmo France) organisaient le 17 janvier un débat sur le thème : « Qualité de l’air : un enjeu national, l’agriculture relève le défi ». 

EXCLU WEB / Qualité de l’air : encore du chemin à faire

Bien que déjà ancien (une vingtaine d’années), le sujet de la réduction des polluants atmosphériques agricoles revient régulièrement sur le devant de la scène, d’autant que les règles deviennent plus contraignantes. En plus du Plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques, la loi Climat et résilience, la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire ainsi que des directives européennes prévoient des contraintes techniques et des sanctions financières. Ainsi la France devra notamment avoir réduit de 50 %, d’ici 2025 le recours aux produits phytosanitaires et de 13 % d’ici 2030 la volatilisation de l’ammoniac (par rapport à 2005). Plusieurs dizaines de substances sont aujourd’hui sous surveillance à l’échelle nationale, car quelques-unes d’entre elles « traversent certaines barrières biologiques », a soutenu Robert Barouki, professeur à l’université Paris Cité. Si le glyphosate a fait l’objet de nombreuses attentions, il en est tout autant du Folpan (fongicide) suivi depuis mais dont l’utilisation a connu une « diminution drastique », a relevé Emmanuelle Drab-Sommesous, référente nationale pesticide à Atmo France. Si le vrai enjeu « sur tout le territoire », reste l’utilisation du prosulfocarbe (herbicide) dont les ventes ont quasiment doublé entre 2015 et 2022 (*), la référente remarque toujours la présence du Lindane dans l’air, malgré son interdiction en France depuis 1998 (**).

Lourds investissements

L’enjeu est aussi d’obtenir une « information fiable et impartiale », a soutenu Guy Bergé, président d’Atmo France car les prélèvements dans l’air sont « plus compliqués à analyser » que ceux que les scientifiques peuvent effectuer dans la nourriture ou les liquides, a convenu Robert Barouki. Pis « le suivi des pesticides dans l’air n’est pas règlementé », a renchéri Emmanuelle Drab-Sommesous. De plus, la météo joue un rôle non négligeable dans les dérives ou la volatilité des produits phytosanitaires dans l’air. « Il nous manque des informations scientifiques » dans ce domaine, s’est ému Laurent Rouyer, président de la Chambre d’agriculture de Meurthe-et-Moselle. Des solutions existent comme la mise en place de stations météo dans les exploitations. « Le suivi et les relevés permettent de déclencher les traitements phytos au bon moment », a-t-il indiqué. « Nous incitons aussi à couvrir les fosses à lisier ou quand les lisiers sont assez liquides, à utiliser des pendillards pour lutter contre l’évaporation », a ajouté Edwige Kerboriou, vice-présidente de la Chambre d’agriculture de Bretagne. Il n’en reste pas moins que ces investissements restent importants, plus encore pour une profession qui a connu, ces dernières années, des revenus en baisse.

Comme l’a résumé le député Jean-Luc Fugit (Renaissance, Rhône), « l’agriculture va devoir s’adapter aux aléas climatiques et aux exigences sociétales, dont la qualité de l’air fait partie ». « Il faudra cependant faire attention à ce que les réponses aux demandes des citoyens-consommateurs ne pénalisent pas les agriculteurs et que l’on sacrifie par exemple l’élevage sur l’autel de l’écologie », a en substance plaidé Léa Hermier, conseillère à la Chambre régionale d’agriculture des Hauts-de-France. « Il faut progresser à petits pas », a-t-elle conclu. 

(*) Il faut préciser que le prosulfocarbe qui a reçu une autorisation de mise sur le marché est aussi disponible pour les particuliers, les collectivités, etc.

(**) Le Lindane est une substance rémanente qui a une durée de vie très longue et dès que les sols sont travaillés, il y a un effet dispersion dans l'air. 

Des agriculteurs au Conseil supérieur de l’énergie ? 

Concluant la conférence Chambres d’Agriculture France-Atmo France, le député Jean-Luc Fugit a clairement indiqué vouloir que des « représentants du monde agricole siège au Conseil supérieur de l’énergie (CSE) » d’où ils sont aujourd’hui absents « alors même qu’ils produisent du gaz et de l’électricité avec l’agrivoltaïsme et la méthanisation ». En réalité, les agriculteurs ne sont pas totalement absents de cette instance qui rassemble des parlementaires (parmi lesquels des agriculteurs) et des associations auxquels certains adhèrent. Ce que souhaiterait le député, c’est leur donner une place à part entière, c’est-à-dire « ès qualité ». Fort de sept collèges, le CSE est consulté au moins une à deux fois par mois à propos de la progression des énergies renouvelables en France. Certains de ses avis sont obligatoires, par exemple sur la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE). 

Quelques chiffres sur l’ammoniac

Premier producteur agricole de l’Union européenne, la France est le deuxième émetteur d’ammoniac avec un peu plus de 600 000 tonnes émises dans l’atmosphère derrière l’Allemagne (700 000 tonnes). Le secteur agricole en est le principal émetteur puisqu’il représente 94 % des émissions d’ammoniac en Europe (87 % aux Pays-Bas et 94 % en France), et plus précisément l’élevage bovin. En France, il est responsable de 43 % des émissions d’ammoniac (plus de 80 % en Irlande). La France s’est engagée auprès de la Commission européenne à réduire la volatilisation de l’ammoniac de 13 % d’ici 2030. Les principaux postes d’émissions d’ammoniac (NH3) provenaient en 2020, de l’apport d’engrais et d’amendements minéraux (26 %), de la gestion des déjections bovines au bâtiment (24 %), d’animaux à la pâture (16 %), d’apports d’engrais et d’amendements organiques (19 %).