Visite de plateforme
L’après-covid, vu depuis les parcelles

Françoise Thomas
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Une centaine de producteurs se sont retrouvés jeudi 17 juin sur l’exploitation de Stéphane Convert, EARL de la Manche, à La Charmée, là où les équipes techniques de Bourgogne du Sud ont conduit ces derniers mois des essais blé et colza.

L’après-covid, vu depuis les parcelles
Au programme de la matinée, notamment le point sur les essais blé et colza.

Si les agriculteurs font partie des professionnels pour lesquels les mesures imposées de télétravail n’ont en rien modifié les habitudes et nécessités de travail, il est clair que l’interdiction de réunions en groupe finissait par leur être pesante. D’où le succès du retour de la visite de plateforme proposée le 17 juin par Bourgogne du Sud. Plus d’une centaine de producteurs du département ont fait le déplacement jusqu’à La Charmée. Une matinée riche d’enseignements sur les marchés, les variétés de blé et de colza, les projets de la coop mais qui a aussi été appréciée par les agriculteurs et les équipes de techniciens de la structure.

Parmi les autres ateliers prévus pour cette matinée, un point sur la qualité de la pulvérisation pour limiter les dérives dans l’environnement, l’identification des résistances aux bioagresseurs, un point sur l’orientation des marchés céréaliers et des engrais.

À l’issue de ces différents ateliers où les groupes s’enchainaient les uns après les autres, une colonne de tables avait été dressée, à l’ombre des arbres, dans la grande allée menant à l’exploitation pour finir sympathiquement cette matinée riche d’enseignements.

L’engouement pour la visite de parcelle proposée soulignait l’envie de chacun de se retrouver « après cette année compliquée, comme l’a définie en introduction Christine Boully, et alors que nous sommes tout juste sortis du Covid ». « Un plaisir de se retrouver », également souligné par Lionel Borey, le président de la coopérative, qui n’a pas manqué de saluer les équipes « qui vivaient une vraie frustration depuis près de deux ans de ne pas pouvoir montrer leur travail ».

« x 2 » pour la Chine et le fret

C’est à Christophe Marcoux, directeur de la structure que revenait le rôle de faire un point sur les marchés céréaliers en 2020.

Parmi les éléments marquant de l’année passée, l’augmentation drastique des importations de la part de la Chine, « il a été le plus gros acheteur l’an passé », le pays a notamment multiplié par deux ces achats de soja…

À noter également les coûts du fret maritime qui ont plus que doublé ce qui n’est pas toujours préjudiciable pour les producteurs saône-et-loiriens et côte-d’oriens puisque « cela coûte aussi plus cher à nos concurrents pour aller sur certains marchés », tient à faire remarquer Christophe Marcoux.

En parallèle, et pour minimiser justement des coûts de transport, l’union des coopératives vient de devenir propriétaire de certains équipements du port de Fos-sur-Mer, à savoir les grues de chargement. Une acquisition qui intervient quelque temps après le doublement des capacités du silo présent sur place (appartenant aux coopératives réunies sous Alliance BFC) : « cela montre qu’il y a toujours des besoins et que nous croyons dans les marchés à l’export », poursuit Christophe Marcoux. Un ensemble d’investissements qui permettent par ailleurs une économie substantielle sur chaque tonne qui transite par ce port.

Optimisme pour la future campagne

Pour l’instant, la coopérative se veut plutôt rassurante pour la campagne à venir. « Au niveau des conditions météo, elles sont pour l’instant bonnes sur l’Europe », lorsque la sécheresse qui sévit au Brésil pourrait compromettre une partie des rendements de la Safrina, - le fait de semer du maïs au moment de la récolte du soja-, laquelle représente généralement un volume important de maïs brésilien mis sur le marché.

La nouvelle campagne débute également avec des silos vides « sans doute une première dans l’histoire de Bourgogne du sud », témoin là aussi, des tensions qu’a connu la campagne qui s’achève.

Apportant infrastructure et souplesse, les investissements dans les installations méditerranéennes offrent en parallèle la possibilité de répondre encore plus spécifiquement aux attentes de certains clients. Le blé bourguignon, affichant son demi-point supplémentaire de protéine par rapport au blé de l’ouest de la France, peut ainsi encore plus facilement aller chercher des marchés spécifiques.

Prix « équilibre » pour les éleveurs

Après ce point sur la précédente campagne et la suivante, le directeur général de la coopérative a annoncé plusieurs nouveautés, « toujours dans cette synergie recherchée par la coopérative depuis quelques temps entre ses coopérateurs producteurs et ses coopérateurs éleveurs ».

Ainsi, si les premiers peuvent depuis quelques années bénéficier du concept du prix construit, les seconds, ceux qui ne sont pas autosuffisants en céréales, vont désormais se voir proposer le prix équilibre, indexé sur le prix construit auquel s’ajoute les frais de fonctionnement de la coopérative. Ceci pour les préserver des envolées des tarifs, d’un jour sur l’autre, en fonction des fluctuations du marché.

Et le directeur général de conclure en rappelant la forte demande qu’il y a au niveau du soja : « le sourcing français prend de la valeur, l’enjeu protéine est énorme et les éleveurs ont besoin de tourteau de soja non-OGM… ». De quoi aussi placer idéalement la coopérative sur la voie de l’agro-écologie voulu par les ministres de l’Agriculture successifs et la nouvelle Pac.

 

 

 

Colza : À poursuivre… malgré tout !
Le colza, à raisonner comme « une culture d’opportunisme », décrivent les techniciens de Bourgogne du Sud.

Colza : À poursuivre… malgré tout !

Dans un premier temps, le constat n’était pas très encourageant : les surfaces de colza ont été divisées par deux en moins de trois ans dans le secteur. Et pour cause, cette culture accumule attaques de bioagresseurs et stress climatique qui débouchent sur des rendements catastrophiques.

Parmi les bioagresseurs, la grosse altise sévit particulièrement depuis deux ans sur la ligne Beaune / Mâcon, contre laquelle le dernier produit efficace ne devrait plus être autorisé au printemps 2022…
Mais il faut signaler également les ravages de la petite altise et du charançon du bourgeon terminal, lesquels se montrent de plus en plus résistants aux différents traitements.

Une résistance en nette progression également du côté des adventices, au premier rang desquels le ray-grass, le vulpin et en fort développement le géranium.

Face à ces pressions du climat, d’insectes et de plantes indésirables, lorsque les parcelles n’ont pas purement et simplement été retournées, les rendements ont péniblement atteint les 15-20 quintaux lors des deux dernières campagnes lorsque la présente était forte. Et en parallèle des bioagresseurs de plus en plus résistants, le marché propose de moins en moins de solutions chimiques disponibles…

Calendrier avancé

Mais malgré ce tableau plutôt sombre, l’atelier proposé au cours de la matinée technique visait « clairement à redonner confiance dans la culture du colza » car « les cours du colza sont plutôt motivants… » !

Et pour cela, au-delà de l’allongement de la rotation, la seule recette qui se profile pour garantir le maximum de réussite sera de jouer la carte « de la culture d’opportunisme ».

Et la seule façon d’avoir des colzas suffisamment forts pour résister à la pression insecte sera d’avoir des conditions qui favorisent une montée rapide. Les techniciens de Bourgogne du sud ont ainsi insisté sur la date de semis. « Si jusqu’à présent la politique mise en avant était de ne pas semer avant le 15 août, désormais il faut se tenir prêt à semer dès le 1er août » … pour pouvoir réagir vite lorsqu’une pluie suffisante est annoncée pour favoriser une levée rapide et homogène.

Tout cela pour « viser un colza à quatre à six feuilles au 15/20 septembre et un poids par pied de 20 grammes », avec des variétés vigoureuses.

À cela, une fertilisation suffisante en phosphore surtout, puis potasse et azote sera à vérifier (mais attention rappel : selon les zones, les apports d’azote sont interdits à partir du 1er septembre), et il faut viser également une densité en grains juste dosée, une surdensification étant à éviter.

Enfin, les conseillers de la coopérative ont rappelé les solutions et aides qu’apportent les plantes compagnes, notamment les légumineuses, tout en ayant bien conscience que leur recours bouleverse la stratégie de désherbage…

L’envolée des prix des engrais
Christine Boully, la directrice agronomie et approvisionnement, a fait un point sur le marché des engrais en 2020.

L’envolée des prix des engrais

L’arrêt brutal d’une bonne partie de l’économie mondiale en mars 2020 à cause de l’épidémie sanitaire, puis la reprise quasiment aussi soudaine de cette même activité depuis six mois, conduit inévitablement à une envolée des prix sur différents marchés : plastique, acier, transports, et … engrais du secteur agricole.

Le point sur le marché des approvisionnements a ainsi été délégué à Christine Boully lors de la matinée.

La directrice agronomie et approvisionnement de Bourgogne du Sud n’a cependant pas manqué de rappeler que l’histoire ne fait finalement que se répéter lorsqu’en 2007/2008 par exemple les prix des fumures de fonds avaient également connu des montagnes russes en quelques mois. Ainsi, si les coûts des engrais ont été plutôt dans la moyenne basse en 2020, ils ont désormais décollé pour atteindre la fourchette haute.

Des prix qu’il ne faut pas trop s’attendre à voir baisser rapidement : « la Bourgogne est loin des sources d’approvisionnement et pour certains engrais (urée, phosphore), le coût du fret maritime a doublé ces derniers mois ».

Mais la représentante de la coopérative tient à relativiser cette hausse qui « est à mettre en parallèle des cours des céréales ».

La loi Climat et résilience va cependant elle aussi apporter ses contraintes avec une réduction imposée des émissions de particules fines, dont celle d’ammoniac, à horizon 2022/23, « sinon des taxes seront appliquées dès 2024 ».

En attendant, l’une des clés réside notamment dans une analyse précise du sol « pour objectiver les apports de fertilisants », suggère Christine Boully.