Gaec du Val-d’Arroux
Gains économiques et bilan carbone vont de pair

Marc Labille
-

Engagé dans la démarche Carbon Agri, le Gaec du Val-d’Arroux a entamé une remise en question de son système bovin laitier. En recherchant davantage de robustesse face aux sécheresses, les associés améliorent, du même coup, le bilan carbone de leur élevage.

Gains économiques et bilan carbone vont de pair
« Dans ce métier, il ne faut pas hésiter à se remettre en question. Les coûts de production explosent, le climat change, les attentes sociétales aussi … », confie Johanny Naulin qui s’est engagé dans la démarche Carbon Agri.

Johanny Naulin et Florent Fèvre sont associés en Gaec à Toulon-sur-Arroux. Ils sont à la tête d’un troupeau d’une centaine de vaches laitières pour une production de 750.000 litres de lait sur 135 hectares. Le Gaec du Val-d’Arroux fait partie des exploitations qui se sont engagées dans la démarche de réduction des émissions de carbone Carbon Agri. Pour Johanny et Florent, ce projet coïncide avec une remise en question consécutive à plusieurs années de sécheresse, explique le premier. En effet, durant trois étés consécutifs, les associés ont été contraints d’alimenter leurs vaches laitières toute l’année alors qu’ils sont pourtant des inconditionnels du pâturage. Durant ces années, le rendement du maïs fourrage a chuté à 5 tonnes de matière sèche de moyenne, ne donnant plus de grain. Le pâturage - conduit en mode dynamique - était interrompu dès le 15 mai. En 2018, 2019 et 2020, pour remplir leur silo, Johanny et Florent ont été contraints d’acheter chaque année près de 200 tonnes de maïs ensilage qu’ils devaient faire venir par camion de la Loire… Une solution coûteuse et très émettrice en carbone, commente Johanny.

Sorgho à la place du maïs

Pour mieux résister aux sécheresses, le Gaec s’est mis en quête de davantage de « ressource fourragère de base ». Du sorgho BMR a remplacé une partie du maïs dans l’assolement. Le sorgho BMR a la capacité de résister aux fortes chaleurs estivales. « Sans eau, il interrompt sa pousse, mais il peut reprendre son développement avec le retour de la pluie », fait valoir Johanny. Moins sensible à la verse que ne l’étaient les anciennes variétés, le sorgho BMR d’aujourd’hui a la particularité d’être « beaucoup plus digestible que le maïs. Sa valeur est bien meilleure. Sans amidon, la tige et les feuilles sont très riches en sucres », explique l’éleveur. L’autre grand intérêt du sorgho, c’est qu’il demande très peu d’engrais, fait valoir Johanny qui calcule une économie de 100 unités d’azote par hectare en comparaison d’un maïs.

Méteil pour l’autonomie protéique

Face à l’augmentation inexorable du prix du tourteau constatée depuis vingt ans, le Gaec a aussi voulu améliorer l’autonomie protéique de l’exploitation. Inspirés par une visite de ferme organisée par Acsel Conseil Élevage, les deux associés ont introduit du méteil dans leur rotation. Ils sèment un mélange de blé (50 kg/ha), féverole (75 kg/ha), pois (65 kg/ha), vesce (30 kg/ha). Une culture qui fournit davantage de protéines que d’énergie, fait remarquer Johanny. Pour limiter les frais, le Gaec se procure de la semence fermière, deux à trois fois moins chère que de la semence certifiée, fait valoir l’éleveur. Efficace, l’intégration du sorgho et du méteil ont permis au Gaec de « remplir un silo d’avance en cas de sécheresse », fait valoir Johanny.

Bénéfiques pour le carbone

Ces cultures font aussi partie des leviers que le Gaec a actionnés pour son engagement dans Carbon Agri (lire encadré). « Comme elles ont permis d’abaisser le niveau d’intrants, elles contribuent à un meilleur bilan carbone », fait valoir Johanny. Beaucoup moins gourmands en engrais que le maïs ou le ray-grass, sorgho et méteil contribuent à réduire les quantités d’azote minéral épandu. Après des années de sécheresse très défavorables à la production laitière, ces nouvelles ressources fourragères ont fait augmenter la production moyenne par vache. Le troupeau est en effet remonté de 6.880 litres le lait par vache à plus de 8.000 désormais. L’installation de ventilateurs sous la stabulation contribue aussi à maintenir la production en cas de forte chaleur. En 2018, la canicule avait fait chuter la production de trois litres par vache et par jour, indique Johanny dont les vaches se réfugiaient sous le bâtiment, buvant constamment, mais ne mangeant plus.

Produire efficacement, sans trop de concentrés

Autre mesure favorable au bilan carbone : le Gaec a remplacé le tourteau de soja d’importation par du tourteau de colza français. Répondant au cahier des charges non OGM, c’était une demande de la laiterie à laquelle l’exploitation livre son lait.

Les associés continuent d’abaisser l’âge au premier vêlage lequel atteint déjà 29 mois. Mais les sécheresses n’aident pas, fait remarquer l’éleveur.

« C’est toujours plus facile de s’améliorer si l’économie va de pair », conclut Johanny qui fait valoir « qu’il y a toujours quelque chose à gagner dans la démarche. 100 vaches laitières, qu’elles produisent 5.000 ou 8.000, elles vont polluer autant ! L’objectif, c’est de les faire produire efficacement, sans trop de concentré acheté, grâce à des fourrages de qualité », synthétise Johanny Naulin.

Un diagnostic pour savoir « comment on se situe »

Le Gaec du Val-d’Arroux s’est soumis à un diagnostic Cap2ER. Il permet en quelque sorte d’établir la situation initiale vis-à-vis du carbone. « Le but est de parvenir à améliorer le stockage pour avoir des tonnes de carbone à vendre », explique Johanny. La démarche ne récompense pas le carbone déjà stocké et donc les efforts déjà consentis en amont, fait remarquer l’éleveur. En revanche, le principe est de rémunérer le stockage supplémentaire (ou la réduction des émissions) réalisé pendant les cinq années suivant le diagnostic.

Très complet, le diagnostic présente tous les critères décisifs de l’exploitation en matière de carbone. Cela renvoie aux performances technico-économiques de l’atelier laitier : niveau de production par vache, taux de renouvellement… L’alimentation du troupeau est évaluée à travers la quantité de concentrés distribuée, l’autonomie protéique… Un volet concerne la gestion des surfaces avec l’azote épandu, les prairies, le rendement en herbe, les haies… Le diagnostic évalue aussi la gestion des effluents et les consommations d’énergie. « Ce diagnostic nous indique comment on se situe », confie Johanny qui s’est inscrit avec son associé dans un plan d’action de cinq ans avec l’espoir de voir leurs efforts en matière de carbone récompensés.