Elevage laitier
A l’ouest… vers de verts pâturages ?

Marion Churout
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Bien que la douceur océanique et le régime pluviométrique soient favorables au pâturage, les éleveurs laitiers bios du sud Bretagne tablent aussi sur d’autres leviers pour tirer le meilleur parti du contexte pédoclimatique : croisement à trois ou quatre voies, groupage des vêlages, monotraite...

A l’ouest… vers de verts pâturages ?
Chaque croisement se réalise avec un parent « pur »

À l’initiative du réseau des chambres d’agriculture, une douzaine de conseillers élevage lait bio s’est réunie fin juin dans le Sud Bretagne. Un réel partage d’expérience et d’expertise a été possible en appui de visites de fermes innovantes. Si les pâturages du Sud Finistère perdurent plus longtemps que dans l’Est de la France, d’autres contraintes naturelles existent. L’adaptation au milieu et la volonté d’organiser leur travail ont poussé les éleveurs du GIEE « Inventons notre système herbager biologique pour demain » à repenser leurs systèmes d’exploitation autrement. Les résultats économiques et l’efficacité alimentaire qui en découlent sont remarquables.

De petits gabarits adaptés au pâturage

Dans une région où les températures sont douces et la pluviométrie bien répartie sur toute l’année, le pâturage est possible en exclusivité pendant six mois au minimum. Les chargements sont assez élevés (>1,3 UGB/ha en AB) même si les sécheresses estivales poussent à revoir ce taux à la baisse. Afin de maximiser les systèmes herbagers et s’adapter au climat, les éleveurs ont opté pour une stratégie « génétique du troupeau ». Avec le croisement 3 (ou 4) voies, les troupeaux évoluent vers des petits gabarits moins lourds, moins exigeants et valorisant mieux la ration de base. On compte 15 kg de matière sèche ingérée par jour pour des animaux croisés type jersiais. D’autres intérêts sont recherchés dans ce type de croisement : fécondité élevée avec des vêlages possibles à 24 mois en AB, et des taux supérieurs qui permettent une plus-value de +80 euros/1.000L en moyenne dans leur groupe GIEE, et compense en partie la perte de production laitière. Les races couramment utilisées sont la Rouge scandinave, la Jersiaise, ou encore la Prim’holstein. « Pour maximiser l’effet hétérosis, autrement dit la diversité génétique, on choisit des races dont l’origine est éloignée génétiquement et donc géographiquement », explique Isabelle Pailler, conseillère à la chambre d’agriculture de Bretagne. Par exemple, pour croiser avec la race Prim’holstein, les éleveurs privilégient la Rouge scandinave plutôt que la Normande. L’existence de différents bassins de sélection pour la Jersiaise (Danemark, USA, Nouvelle-Zélande…) permet également de jouer la carte de la diversité génétique. La montbéliarde reste aussi très intéressante dans ce type de croisement et elle est utilisée par certains membres du GIEE pour apporter du gabarit et de la productivité en complément à des races plus rustiques.

Des vêlages groupés pour optimiser le temps de travail

Un mois, c’est la période sur laquelle se concentrent les 60 vêlages d’Alain Normant. « Je commence à inséminer début avril, je mets ensuite les deux taureaux dans le troupeau pour le rattrapage. Je me sépare des vaches qui n’ont pas pris ou qui sont trop décalées. Il est possible qu’elles partent en pension ou qu’elles soient vendues à d’autres éleveurs laitiers intéressés par les croisements ». La technique des vêlages groupés de printemps permet un réel aménagement de la charge de travail et un calage de la pleine période de lactation sur la pousse de l’herbe. « Les animaux sont tous au même stade et nous sommes occupés à une chose à la fois. Nous surveillons mieux, donc nous avons moins de problèmes. Nous gérons un troupeau et non des animaux séparément. C’est une conduite en bande », témoigne Cédric Tymen du Gaec de Saint-Avé qui ne retournerait en arrière pour rien au monde. « La salle de traite est fermée de décembre à janvier, nous ne vivons pas la traite comme une astreinte ». Dans nos régions de l’Est, où été et hiver se confondent sans possibilité de pâturage, les vêlages groupés d’automne avec un tarissement sur la période estivale pourraient être envisagés, de quoi retrouver nos grandes vacances !

L’assolement des fermes du groupe GIEE est majoritairement herbager (84,4 ha de prairies en moyenne et seulement 1,4 ha de maïs ensilage). Les sols sableux superficiels et acides du Sud Finistère ne sont pas propices à la culture des céréales, les rendements sont médiocres. Une large majorité des éleveurs du GIEE a fait le choix de supprimer les concentrés dans la ration des laitières. Certains gardent 4 kg maximum de maïs ensilage dans la ration comme cette année sèche au GAEC de Saint-Avé au moment de la mise à la reproduction. « Les céréales ne sont pas à destination des ruminants, une ration uniquement fourragère nous semble plus cohérente » insiste Cédric chez qui la production oscille entre 16 à 23 litres/jour en pleine période de pâturage sans concentré.

Autour de la traite : Pistes pour réduire l’astreinte
Le robot mobile de la station expérimentale de Trévarez est déplacé deux fois dans l’année

Autour de la traite : Pistes pour réduire l’astreinte

La robotisation de la traite est une option possible, en bio, même sans concentrés, comme le démontre l’expérimentation conduite à Trévarez. La monotraite est aussi envisageable.

À la ferme expérimentale de Trévarez, la Chambre d’Agriculture teste le robot mobile au pâturage sans concentré sur la période estivale. Les 60 laitières sont également issues de croisement trois voies (Prim’Holstein, Normande, Jersiaise). Claire Caraes insiste « Le robot mobile, ce n’est pas la plus simple des solutions, mais c’est une adaptation dans le cas de notre parcellaire morcelé ». D’autant plus qu’avec le robot, on fait adopter à la vache, animal grégaire, un comportement individuel. Il faut accepter qu’au pâturage la fréquentation puisse baisser en dessous de deux traites par jour. Ce qui n’empêche pas une efficacité économique remarquable d’un point de vue alimentation, la ration annuelle est constituée de 60 % de pâturage et les coûts alimentaires vaches laitières sont de 90 € en hiver et de moins de 20 €/ 1.000 l en été en autonomie totale. C’est possible, car, au niveau des coûts de production, l’herbe pâturée est au moins quatre fois moins chère que l’herbe récoltée. Le pâturage hivernal sera en test pour 3 hivers sur la ferme.

La monotraite pour une belle retraite

Des petits élevages avec un aménagement du temps de travail constituent un modèle qui séduit de plus en plus des jeunes repreneurs souvent trentenaires hors-cadre familial qui souhaitent s’installer en élevage. En Bretagne, le coût de reprise d’une ferme laitière (investissements compris) est estimé à 416.000 € en système bio contre 620.000 € euros en conventionnel. Pour Alain qui pratique la monotraite, son modèle est, de toute évidence, plus attractif pour une nouvelle génération souhaitant être proche de la nature tout en privilégiant du temps pour la vie de famille. La monotraite soulève d’importants freins psychologiques. Une perte de 30 % de production est à prévoir compensée en partie par la hausse des taux. Alain pratique également l’élevage des veaux sous des mères nourrices, constamment au pâturage pendant pour une durée de 10 mois. Cette technique naturelle permet là aussi de se dégager du temps pour la gestion du pâturage et l’observation. Son système « bio low cost » relève aujourd’hui une efficacité économique de plus de 45 % d’EBE/produit. Isabelle Pailler témoigne que beaucoup d’éleveurs dans ce modèle sont en mesure de dégager plus de 50.000 € de revenu disponible annuel. Ces fermes attrayantes, économes en main-d’œuvre dans leur conduite et en pleine santé économique sont un atout qui répond à l’enjeu actuel de la transmission des fermes laitières biologiques en France.

Marion Churout