Tribune de la Fédération d’établissements catholiques
L’enseignement catholique agricole après la crise du Covid-19, par Philippe Poussin

Cédric MICHELIN
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Quel monde d’après pour l’enseignement agricole ? Et si le Covid-19 avait eu une influence positive sur l’enseignement agricole malgré cette première crise inédite. Analyse de Philippe Poussin, secrétaire général du Conseil national de l’enseignement agricole privé, le CNEAP, qui nous livre une tribune réalisée pour sa fédération d’établissements catholiques en France. Ces établissements ayant notamment pour particularité de prodiguer des enseignements religieux, agricoles, sociaux, le tout bien souvent en milieu rural.

L’enseignement catholique agricole après la crise du Covid-19, par Philippe Poussin

La crise sanitaire a sûrement affecté les lycées professionnels agricoles de manière plus importante que l’enseignement général. À
cela deux raisons. Les lycées proposent une alternance entre des cours généraux classiques et des travaux pratiques (ateliers sur des exploitations, sur des plateaux techniques, exercices de manipulation) qui n’ont pas pu être réalisés pendant le confinement. Au second semestre, les élèves doivent parallèlement effectuer des stages en entreprise de l’ordre de cinq à six semaines qui n’ont pas été entièrement effectués. Les liens avec l’entreprise, pourtant essentiels, ont été affaiblis.

En revanche, si les élèves ont été effectivement pénalisés sur la partie pratique des cours, la crise sanitaire liée au Covid-19 a aussi
été le vecteur de nouvelles opportunités d’enseignement concernant les cours généraux. Le bilan que tire la majorité des lycées
agricoles met en exergue l’inventivité éducative mise en place par les enseignants pour assurer la continuité pédagogique. À commencer par l’appropriation rapide de nouvelles techniques de communication à distance (réunions virtuelles, visioconférences, webinars, création de sites Internet, plateformes numériques et Espace numérique de travail ENT, etc.). Cette crise a été un déclencheur d’innovations pédagogiques qui ont remis en cause le fonctionnement traditionnel de la classe en présentiel. Et
contrairement à ce qu’on pouvait penser, l’enthousiasme des jeunes élèves est toujours là. À date, on peut constater que les relations n’ont pas été brisées, bien au contraire : elles se sont renforcées d’après plusieurs témoignages d’apprenants, de leurs familles et des équipes pédagogiques et éducatives.

S'adapter en permanence

Certes, l’enseignement agricole a dû s'adapter. Mais en réalité, celui-ci n’a jamais cessé de s’accommoder pour la simple et bonne
raison que son éducation porte sur le vivant. Et par définition, le vivant est une matière qui change et qui évolue en permanence. C’est pour cette raison que cet enseignement, cette discipline, sait depuis longtemps briser les choses acquises, apaiser les craintes et les doutes, mutualiser les expériences collectives - en identifiant ce qui a été réalisé avec succès - et agir avec plus d’autonomie.

Aujourd’hui et en ce qui concerne les cours classiques, nous devons maintenir l’intérêt de l’enseignement agricole à distance créé
pendant la pandémie et capitaliser sur la plus-value éducative qu’il a apportée. Rappelons que les lycées agricoles en zone rurale rassemblent des populations parfois très isolées. C’est pourquoi, il est important d’utiliser des outils digitaux - telles que les visioconférences par exemple - pour créer un lien à distance entre les élèves et les enseignants. Ils permettent de fédérer le réseau et de l’architecturer au travers d’un travail coopératif et collaboratif. Ces outils numériques, au-delà de la fracture numérique que les pouvoirs publics doivent réduire, peuvent venir aussi renforcer la cohésion des territoires.

L’évolution des pratiques futures se réalisera en réinvestissant les missions fondamentales de l'enseignement agricole : former des jeunes au service des territoires. Car c’est là toute la base de son éducation.

Avant tout, la production agricole est destinée à servir les territoires. Comment ? À l’avenir, elle se fera par une production
raisonnée, en circuits-courts, avec davantage de produits "made in France". La population a pris conscience qu’il est désormais possible de trouver une alimentation de qualité à moins de 10 km de chez soi.
Le deuxième axe touche les services à la personne. Le monde agricole s’insère encore plus qu’hier dans une logique du "care" (bien être), du soin. L’agriculture nourrit et prend en charge les individus dont la demande en alimentation saine - et en sécurité sociale - est tout aussi forte.
L’enseignement agricole peut y contribuer en formant des jeunes dans l’accompagnement des personnes les plus fragiles (grand âge, handicap) par exemple.

Ces évolutions seront possibles si les pouvoirs publics prennent en considération ces deux missions historiques de l’enseignement agricole qui charpentent la société et créent les conditions d'un ciment social. Il leur faut appréhender la richesse de cet enseignement qui remplit le rôle d’accélérateur de politique sociale et de créateur de liens.