Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) vient de publier un nouveau rapport sur les aspects physiques du changement climatique. 

Un nouveau rapport alarmant

Fruit d’une collaboration internationale de près de 250 scientifiques issus de plus de 60 pays, ce nouveau rapport présente l’état actuel des connaissances sur le changement climatique et ses dernières tendances, ainsi que de nouvelles projections climatiques mondiales et régionales portant notamment sur la température, les précipitations et la hausse moyenne du niveau des mers. À ne pas confondre donc avec la météo.

Le constat du GIEC est alarmant : la hausse de la température globale s’est encore accentuée, à un rythme qui fera très probablement dépasser le seuil de 1,5 °C de réchauffement depuis l’ère préindustrielle entre 2021 et 2040. Pour limiter et stabiliser le réchauffement climatique sous les 2 °C, voire à 1,5 °C, le Giec réaffirme qu’il faut baisser les émissions de CO2 rapidement et atteindre zéro émission nette de CO2 autour de 2050 ainsi qu’une forte réduction des émissions des autres gaz à effet de serre.

Pour le Giec, les conséquences du changement climatique déjà observées seront accentuées au fur et à mesure du réchauffement global. Cela touche notamment les extrêmes de température, l’intensité des précipitations, la sévérité des sécheresses, l’augmentation en fréquence et en intensité des événements climatiques aujourd’hui rares. Certains impacts, comme la montée du niveau de la mer ou encore la fonte des calottes glaciaires, seront irréversibles à l’échelle de plusieurs centaines, voire milliers d’années. Les mécanismes naturels d’absorption du carbone, notamment par les forêts et les océans, seront de moins en moins efficaces.

De graves incendies

Après le Sud-Est de l’Europe, de larges zones du sud de la France ont été dévastées par des incendies attisés par l’effet conjugué de la canicule, de la sécheresse et d’un mistral soufflant en rafales de 75 km/h. Trois importants foyers ont été recensés : l’arrière-pays tropézien dans le Var, la région de Narbonne dans l’Aude et de Beaumes-de-Venise dans le Vaucluse.

Le feu a essentiellement touché des zones forestières, mais plusieurs domaines viticoles sont, eux aussi, lourdement frappés, sans qu’il soit pour l’heure possible d’évaluer précisément les dégâts. Dans le Var, 73 domaines viticoles et cinq coopératives sont touchés, où les incendies ont envahi plus d’un millier d’hectares de vignes en zones d’appellation contrôlée et IGP Provence.

« Ces épisodes dramatiques apportent une nouvelle illustration des événements météorologiques extrêmes décrits dans le dernier rapport du GIEC sur le climat, tout récemment paru », indique la FNSEA dans une note à son réseau. Sous l’effet du changement climatique, et de vagues de chaleur longues et intenses, ces incendies d’été catastrophiques sont appelés à se multiplier dans ces zones densément peuplées et cultivées. « Il devient donc urgent de reconsidérer les modalités de préservation de la biodiversité dans ces espaces particulièrement vulnérables au feu », ajoute-t-elle. Des interventions simples comme le nettoyage des bordures de parcelles, des fossés, le retrait d’arbres morts, ainsi que le maintien du pastoralisme, l’entretien et l’implantation de culture comme la vigne, l’arboriculture et les champs d’oliviers, qui jouent un rôle de coupe-feu pour limiter la propagation des incendies. Bref, ne pas laisser la nature à l’abandon mais bien l’entretenir en lien étroit avec l’agriculture.

Des leviers à actionner 

Réagissant au dernier rapport du Giec, Olivier Dauger, membre du conseil d’administration de la FNSEA interroge sur les options qui permettent de répondre au mieux à ces enjeux. Voici ses pistes.

En premier lieu, la hausse de la productivité agricole, quel que soit le système de production, conventionnel ou biologique, est à rechercher. Il n’y a pas de système parfait et tous disposent de marges de progrès pour répondre aux enjeux du climat. Les besoins en production ne diminueront pas demain, bien au contraire, qu’il s’agisse de nourrir une population mondiale en croissance ou de remplacer les énergies fossiles. Le Giec incite donc à optimiser chaque système agricole en intégrant la biodiversité et la gestion du carbone : en clair, moins émettre et mieux capter. 

Le deuxième levier est le développement de l’agroforesterie. La biodiversité et la production agricole ne sont pas antinomiques. Les externalités positives des arbres et des haies, aussi bien pour la production que pour l’environnement, sont une réalité que ce soit pour les sols, l’eau, l’air, l’économie circulaire… 

Le troisième levier est l’augmentation de la teneur en carbone des sols. L’agriculture permet de capter des GES (gaz à effet de serre) dans les sols. Pour cela, il est nécessaire d’augmenter la teneur en carbone organique en produisant plus de biomasse avec des systèmes agricoles limitant les sols nus. 

Le quatrième levier reste la limitation du gaspillage alimentaire de la production à la consommation. Près de 25 % de la production est gaspillée, ce qui représente près de 10 % des émissions de GES dans le monde ! 

D’autres pistes sont encore à explorer. Pêle-mêle : l’amélioration de la gestion des productions agricoles, la réduction de la conversion des prairies en culture, l’amélioration de la gestion des terres pâturées, la gestion de l’eau, des forêts, le renforcement de la diversification agricole, la réduction du tassement des sols, de la salinisation et de l’érosion, la modification des habitudes alimentaires, une meilleure gestion de l’étalement urbain, l’amélioration des instruments du partage du risque…

L’agriculture victime, cause et solution 

La France, dont l’agriculture est reconnue dans le monde entier pour la diversité de ses productions et la qualité de ses produits, a su, par choix politique, conserver une agriculture diversifiée et à taille humaine. C’est un atout qui doit être préservé et mis en perspective. 

Si l’Europe et la France se doivent d’être vertueuses et ambitieuses, nous ne devons pas oublier que nous sommes peu émetteurs de GES (11 % des émissions mondiales pour l’Europe et 1 % pour la France). Mais notre ambition ne doit pas entrainer des distorsions de concurrence et au final une dépendance accrue aux importations. 

L’agriculture est la cause de 23 % des émissions dans le monde, mais seulement 11 % pour l’Europe et 17 % pour la France (chiffre plus élevé car la production d’électricité est neutre en carbone du fait du nucléaire). 

Il faut avoir conscience que la neutralité carbone est impossible à atteindre pour l’agriculture car les émissions sont largement dues à un processus biologique naturel et inéluctable. 

Quant aux conséquences du réchauffement pour l’agriculture, elles sont nombreuses : augmentation de la pression des ravageurs et des maladies, de l’érosion, de la dégradation des sols, avec, pour corollaire, un impact sur l’eau, les rendements, l’élevage pour la production alimentaire, le bien-être des animaux, sans omettre les déplacements des zones de production... 

L’agriculture est à la fois victime, cause et solution. Victime : cette année 2021 en est une démonstration parfaite. Cause : comme toute activité humaine, elle émet des GES. Solution : car l’agriculture peut répondre à deux défis, produire du carbone renouvelable pour remplacer les énergies fossiles et capter plus de carbone dans les sols.