SCEA Thomassin à Ormes
Une alimentation bien calée à la SCEA Thomassin
En quelques années, la famille Thomassin a revu l’alimentation de son troupeau charolais introduisant ensilages de maïs et d’herbe, s’équipant d’un bol mélangeur et se faisant accompagner d’un technicien pour l’optimisation des rations.
Romain Thomassin est installé depuis 2022 à Ormes en bord de Saône. Avant cela, il était salarié de son père Eric sur l’exploitation familiale. Depuis la retraite de ce dernier, la structure est devenue SCEA et Romain travaille avec l’aide de son père retraité. La ferme couvre aujourd’hui 324 hectares pour un troupeau charolais de 170-175 mères. Il y a cinq ans, la famille Thomassin a cessé d’engraisser ses mâles, car la ferme manquait de place pour l’atelier d’engraissement et le prix des jeunes bovins était devenu dissuasif. Dès lors, Eric et Romain se sont mis à livrer leurs broutards à un engraisseur près de Verdun-sur-le-Doubs. Les mâles sont vendus à 9 mois. Avec des naissances avancées sur septembre-octobre-novembre, les ventes de broutards interviennent dans l’été. Les femelles sont pour la plupart engraissées.
Passage à la ration mélangée
L’arrêt de l’engraissement des mâles n’est pas le seul changement opéré par la famille Thomassin ces dernières années. L’élevage a aussi modifié sa façon d’alimenter ses animaux. À l’origine, le troupeau était nourri à base de foin et d’enrubannage et la ferme achetait un complément tout prêt à un fournisseur d’aliment. Il n’y avait alors pas vraiment de suivi technique ni de calcul de ration, confie Romain. Les choses ont changé avec l’introduction de maïs ensilage et l’achat d’un bol mélangeur. L’enrubannage a rapidement montré ses limites avec ce nouvel outil, ce qui a conduit la famille Thomassin à passer à de l’ensilage d’herbe, un fourrage moins coûteux que l’enrubannage qui consomme beaucoup de filets et de films.
Ensilages de maïs et d’herbe
Entre-temps, l’élevage faisait intervenir pour la première fois Arnaud Nicolas, technicien à la coopérative Bourgogne du Sud. Venu dans un premier temps pour des minéraux (lire encadré), le conseiller a rapidement amené les exploitants à revoir le plan d’alimentation du troupeau en introduisant analyses de fourrages, bilan fourrager, calcul de rations. L’ultime étape a été la construction de nouveaux silos destinés à accueillir ensilage d’herbe et ensilage de maïs.
Désormais, l’alimentation du troupeau repose sur ces « deux fourrages qui se complètent bien », fait valoir Arnaud Nicolas. La ferme produit et récolte 11 hectares de maïs ensilage et entre 50 et 55 ha d’ensilage d’herbe. Un mélange de ray gras + vesce velue + trèfle a remplacé le méteil en interculture, confie Romain qui estime « qu’un bon ray gras fait le boulot d’un méteil, avec un coût d’implantation inférieur ». L’exploitation fournit également 9 ha d’orge et une quinzaine de tonnes de maïs grain. Ces productions assurent un bon niveau d’autonomie.
Assurer la reproduction et le lait
En hiver, la quantité ingérée par vache monte jusqu’à 45-50 kg de ration mélangée par jour ! C’est l’équivalent de 18-19 kg de matière sèche, indique Arnaud Nicolas. C’est ce qui permet aux charolaises de la ferme de ne pas perdre d’état à l’approche de la reproduction et ce, bien qu’elles soient au maximum de leur lactation, explique le technicien. La richesse en énergie du maïs « tient les vaches en état », tandis que la valeur azotée de l’herbe fermentée soutient la production laitière et limite la quantité de tourteaux à distribuer. Cette année, la récolte d’herbe a donné un moins bon rendement qu’en 2023 avec 5,5 tonnes par ha de matière sèche, « mais c’était volontaire pour que la teneur en matière azotée s’élève à 16 % », indique Arnaud Nicolas.
Mashs maison
Grâce au bol mélangeur, Romain Thomassin et son conseiller privilégient les matières premières dans la complémentation des rations. Cela permet d’optimiser les coûts, souligne Arnaud Nicolas. Grâce à Bourgogne du Sud, l’exploitation profite de ressources locales tel le tourteau de colza Expellor qui est à la fois intéressant économiquement, riche en matière grasse et sans contrainte d’approvisionnement, fait valoir le technicien.
La mélangeuse permet d’adapter les rations aux stades des vaches, aux génisses, à l’engraissement… La machine permet aussi à la famille Thomassin de confectionner des mashs maison. C’est le cas pour les broutards avant sevrage qui reçoivent un complément composé de foin, de luzerne et de trèfle, enrubannage de luzerne et de trèfle, maïs concassé, orge concassée, tourteau de colza, pulpe de betterave déshydratée. Le prix de revient de cet aliment maison est évalué à 280 €/tonne, sans compter le coût en carburant et en mécanisation, calcule Arnaud Nicolas.
En été, ce mash est même confectionné à l’avance. Les éleveurs le distribuent au pré à des broutards alottés par 15 avec leurs mères.
Pour la finition des femelles
Romain fabrique un autre mash pour l’engraissement des femelles. Le mélange est alors un peu plus riche en maïs grain et en orge, plus fibreux et contient un peu moins de pulpe, détaille le jeune éleveur. La finition des femelles intervient entre juillet et novembre après le sevrage des veaux. L’exploitation est agréée au cahier des charges label rouge. Les poids de carcasses atteignent 497 kg pour les génisses et 540 kg pour les vaches. Chaque année, Eric et Romain Thomassin préparent quelques bêtes pour les concours de bovins de boucherie. Ces bêtes conformées reçoivent un aliment spécifique. Fidèle au concours de Romenay, l’élevage bressan a déjà décroché un prix d’honneur au Festival du Bœuf.
Pour parfaire l’alimentation de son troupeau, la famille Thomassin a dû effectuer des investissements importants. Mais les résultats sont à la hauteur avec des performances au rendez-vous, des frais d’alimentation maîtrisés et une meilleure réussite des animaux à la reproduction. Le bol mélangeur ouvre des possibilités nouvelles en permettant d’adapter les rations au plus juste tout en incorporant les matières premières les plus économes. « En cinq ans, nous aurons remboursé notre silo d’ensilage », assure Romain qui apprécie que « l’ensilage fasse gagner du temps dans la mélangeuse et qu’il revienne moins cher que l’enrubannage ». Cette conduite alimentaire est aussi plus en adéquation avec le potentiel génétique du troupeau. « Les deux vont de pair », estime Arnaud Nicolas.
10 kg de minéral par vache par hiver
Le troupeau de Romain Thomassin reçoit une complémentation minérale « à la carte » tout au long de l’année. « Comme le niveau de production est élevé, il y a besoin d’un accompagnement minéral d’avant la mise bas jusqu’à la mise à l’herbe et jusqu’à la fin de la reproduction », explique Arnaud Nicolas. Les vaches de Romain reçoivent du minéral, des oligo-éléments et des vitamines, à raison d’environ 10 kg de minéral par vache par hiver, 100g pendant 100 jours, fait valoir le technicien. Elles ont droit aussi à du sel à volonté. « L’année dernière, je leur ai même donné un hépato-protecteur pour leur nettoyer le foie avant de débuter la minéralisation. Et j’administre aussi un bolus (Généform) de préparation au vêlage des génisses 6 – 8 semaines avant la mise bas. La minéralisation s’étend aujourd’hui sur presque toute l’année ! », confie Romain.
Veaux mâles et veaux femelles séparés
Romain Thomassin fait naître ses veaux en automne au pré. Mâles et femelles sont séparés dès qu’ils rentrent en bâtiment avec leurs mères. Ce tri permet à l’éleveur de différencier l’alimentation entre jeunes mâles et jeunes femelles. Pour éviter que les futures laitonnes ne profitent trop au risque de compromettre leur future reproduction, Romain ne leur distribue que du foin de luzerne sans concentré. Cette conduite séparée permet aussi de réaliser des économies. Les veaux mâles reçoivent une complémentation dès leurs premiers jours de vie.
Alimentation soignée pour les génisses vêlant à 2 ans
Romain Thomassin fait vêler une partie de ses charolaises dès 2 ans. Pour ces femelles qui sont mises à la reproduction dès l’âge d’un an, l’alimentation doit être soignée dès le plus jeune âge et aussi en densifiant la ration avant et après le vêlage. « Il faut en effet qu’elles finissent leur croissance tout en produisant du lait comme une vache », indique Arnaud Nicolas. Quand l’herbe manque en automne, l’éleveur n’hésite pas à les alimenter au pré et « dès qu’elles sont pleines », elles ont droit à « un râtelier de foin » si la pousse d’herbe ralentit.
Haut niveau génétique
Le cheptel de la famille Thomassin est le fruit d’un important travail de sélection génétique. La reproduction est assurée par insémination artificielle et l’exploitation travaille avec Bertrand Bonin de la coopérative Elva Novia. Le troupeau est inscrit au Herd-Book Charolais et l’élevage commercialise des animaux reproducteurs. Des mâles sont régulièrement sélectionnés dans les stations d’évaluation charolaises de Jalogny, Créancey (21) et Nouhant (23). Cette année, l’exploitation a eu son deuxième taureau retenu par l’entreprise de sélection Gènes Diffusion. En 2023, elle avait atteint la deuxième place au challenge départemental des Sabots Bovins Croissance. Ce classement récompense les élevages qui réalisent les meilleures progressions génétiques s’appuyant sur les performances et index (IVMAT, ISEVR, IVV, poids âge type, productivité, mortalité). Aujourd’hui, Romain Thomassin privilégie la facilité de naissance avec « des veaux qui naissent petits, tètent tout de suite et réalisent de fortes croissances ensuite grâce au lait de leurs mères ». Tout le cheptel est génotypé. L’élevage a recours à la transplantation embryonnaire et il est utilisateur de la banque d’embryons mise en place par Elva Novia. Cette technique permet « de travailler les souches le plus vite possible », explique Romain. L’élevage commercialise entre 10 et 15 mâles reproducteurs par an ainsi qu’une vingtaine de génisses pleines. Plus valorisante que la viande, la vente de mâles et de femelles reproducteurs prend de l’ampleur pour cet élevage à bon niveau génétique.