Le comité départemental de suivi du loup s’est réuni le 9 décembre dernier pour dresser le bilan des attaques survenues dans le Charolais entre les mois de juin et novembre cette année et pour échanger sur les enseignements tirés et les suites à donner.

Se préparer au prochain
L’acquisition et l’entretien de chiens de protection, l’achat de clôtures électrifiées pourront ainsi être subventionnés à hauteur de 80 %. Chaque éleveur est invité à déposer un dossier de demande pour protéger ses troupeaux.

L’objectif de ce comité « Loup » est le partage d’informations en vue d’échanger sur les mesures à mettre en place et de proposer un projet de cerclage annuel. De nombreux acteurs (lire encadré) étaient ainsi présents en visioconférence le 9 décembre.
Tout d’abord pour faire un rapide bilan de ce retour du loup dans le Charolais notamment. Officiellement, entre le 25 juin et le 13 novembre, le loup a attaqué 41 fois. Il a sévi chez 26 éleveurs, tuant ainsi 150 ovins et en blessant 55 autres. La DDT de Saône-et-Loire a rappelé l’historique des actions réalisées (mise en place des moyens de protection, obtention des tirs de défense simple, etc.) et a fait un point sur les indemnisations. Sur les 40 dossiers indemnisables, 35 ont été envoyés à l’ASP (agence de service et de paiement) pour paiement. Les cinq autres sont en attente de traitement. Des indemnisations, loin d’être suffisantes, mais qui ont été rendues possibles par le respect des règles du plan « Loup » national.
La DDT de Saône-et-Loire rappelait à ce propos toutes les actions des acteurs initiées et poussées par la section ovine de la FDSEA. D’abord, ce sont près de 62.000 € de crédits d’urgence qui ont été débloqués pour mettre à disposition du matériel à 29 éleveurs. Cela représente 25 km de filets électrifiés, 66 électrificateurs, 6 km de fils électriques et six effaroucheurs sonores et lumineux.
Se protéger est une chose mais se débarrasser du loup en était une autre. Ce loup s’acharnait en effet sur les troupeaux et ne semblait pas vouloir quitter notre zone d’élevage. C’est pourquoi, il a été rappelé le travail des louvetiers, des chasseurs et de la brigade loup qui a été sollicitée et est venue à six reprises sur les lieux des attaques. Au total, l’Office français de la biodiversité (OFB) est intervenue plus de 130 fois sur le terrain, soit l’équivalent de 1.500 heures dédiées au loup. Pour renforcer ce dispositif, trois nouveaux louvetiers vont être recrutés.

Proposition de cerclage 2021

La mise en œuvre en 2020 de cet arrêté de cerclage des communes a permis aux éleveurs d'ovins et de caprins d’accéder à des dispositifs de protection des troupeaux cofinancés par le ministère de l’Agriculture et le fonds européen agricole pour le développement rural (Feader). Front de colonisation, le département de Saône-et-Loire est susceptible de connaître d’autres incursions de loups sur ses territoires, voire d’une installation pérenne du prédateur, craignent les éleveurs. Aussi le préfet invitait-il à engager la réflexion sur l’organisation de la protection des troupeaux et sur les marges d’adaptation des pratiques et de la conduite des élevages ovins pour intégrer la présence potentielle du loup.
Ce dispositif d’anticipation vise à accompagner les éleveurs dans l’évolution de leur système d’élevage en limitant les surcoûts liés à la protection des troupeaux, comme l’achat de chien de protection ou l’achat de clôtures et parcs électrifiés.  Le cerclage varie en fonction de l’historique des attaques du loup sur ces communes (voir tableau proposition de cerclage annuel).

En 2020, onze communes étaient classées en cercle 2, et le reste du département en front de colonisation. Le prochain arrêté devrait être pris en début d'année. En 2021, environ 76 communes devraient être classées en cercle 2 (voir carte).

Les éleveurs des communes classées en cercle 2 pourront avoir des financements pour certains moyens de protection (cf tableau ci-dessus). 
Pour en faire la demande, un appel à projet sera ouvert de janvier à juin prochain. La section ovine de la FDSEA met l’accent sur l’importance de la protection des troupeaux, et sur l’importance pour les éleveurs de faire des demandes de subventions. Pour son président, Alexandre Saunier, « après la mauvaise expérience de cet été sur notre département, il apparait nécessaire que les éleveurs soient mieux équipés et mieux préparés au retour d’un loup. L’objectif est clairement de limiter le nombre de victimes si un loup revient. À savoir que cela n’empêchera pas l’administration de prendre les décisions qui visent à prélever le loup, bien au contraire, si les troupeaux sont mieux protégés nous pourrons être plus rapides dans la mise en place des différents arrêtés de tirs ». En effet, lui et Laurent Solas de la chambre d’agriculture, l’autre cheville ouvrière, savent mieux que personne l’énorme travail nécessaire en réunions et administratif pour faire avancer de concert le terrain avec les règles du Plan à respecter.

Adaptation des pratiques d’élevage

Encore et toujours, Alexandre Saunier explique à tous les élus et administrations « que les pratiques d’élevage (allotements multiples…) ainsi que notre territoire (bocage…) rendent impossible la cohabitation du loup avec les troupeaux de brebis ». Pour autant, il est désormais urgent de se préparer à toute éventualité. Le président de la section ovine insiste sur le fait « que changer nos pratiques d’élevage n’est pas du tout envisageable. Malgré cela, nous ne pouvons pas être naïfs et attendre tranquillement qu’un autre loup revienne et réitère le même carnage, nous devons nous préparer à protéger tant bien que mal nos troupeaux ». Car les conséquences sont malheureusement tragiques sur une exploitation prédatée.

Difficiles mesures de protection

Reste que ces mesures de protection sont difficiles à mettre en place. Le principe de réalité doit s’imposer. « Bien sûr, on peut tout envisager pour s’adapter, mais il faut tenir compte de certains facteurs, comme le coût de mise en place et le temps de travail supplémentaire », glisse Alexandre Saunier qui ainsi coupe l’herbe des donneurs de leçon dans les médias.
Pour illustrer cette difficulté, un chiffrage des différents moyens de protection a d’ailleurs été présenté par la chambre d’agriculture. Pour rappel, la majorité des troupeaux ovins de Saône-et-Loire sont des élevages mixtes (bovins/ovins) et de petites tailles : 47 ovins en moyenne pour les 1.316 détenteurs. Ces éleveurs produisent des agneaux de boucherie mais aussi des reproducteurs. En effet, chez certains éleveurs sélectionneurs, d’août à décembre, il y a un bélier par lot de 15 à 35 brebis. Ainsi, le loup a donc en permanence le choix entre de nombreux troupeaux. Sur les 37 communes où ce dernier a sévi, ce qui correspond au territoire de chasse du loup (où il y avait l’arrêté de tir de prélèvement), 123 détenteurs d’ovins ont été recensés pour un total de 6.542 ovins !

À la lumière de ces éléments, de ce bilan et en passant en revue les moyens de protection présents ou futurs, le constat est clair : notre département est difficilement protégeable.
D’abord, au-delà d’un long délai pour être opérationnel, un dernier exemple était donné sur la mise en place d’un chien de protection. En plus de ce qui a été énoncé précédemment, pour un éleveur de 600 brebis, soit environ 15 lots pendant toute l’année, il faudrait donc quinze chiens ! De même, la mise en place de clôture de protection et parcs de nuit est difficile du fait du relief et des haies. Cela nécessite un temps de travail important pour la réalisation, l’entretien et la rentrée quotidienne des lots les soirs. Enfin concernant les parcs de nuit, cette solution n’est pas possible surtout pendant la période hivernale, car en quelques nuits les parcs deviendraient des zones boueuses incompatibles pour que les brebis y passent la nuit.

Non protégeable

La question du changement des pratiques était alors évoquée par certains. Conserver le loup, signifie-t-il abandonner nos systèmes pour se tourner vers du hors sol ? Pour Alexandre Saunier, la réponse est non, « cela n’est pas cohérent avec l’avenir de l’élevage. La section ovine demande un financement d’études de vulnérabilité pour les éleveurs, et aussi de démarrer un travail sur la non protégeabilité dans nos zones d’élevage ».
En conclusion de cette réunion, Alexandre Saunier remerciait tous les acteurs réellement impliqués quotidiennement dans la lutte sans qui rien de tout cela n’aurait été possible. Une pensée allait bien évidemment en premier aux éleveurs durement touchés. « Ce loup a été tué mais malheureusement, c’est dès à présent qu’il faut penser et anticiper le suivant. Car un long travail reste à faire ! ».
En fin de réunion, le préfet de Saône-et-Loire Julien Charles annonçait également la mise en place du réseau « loup-lynx » dans le département. Ce réseau qui repose sur la collaboration de divers acteurs de terrain (chasseurs, agriculteurs, naturalistes,etc.) vise à recueillir des informations fiables et robustes sur le plan scientifique qui renforcent le suivi du loup et de sa répartition sur le territoire national. Les acteurs intéressés en Saône-et-Loire recevront une formation en 2021.

Loïc Belin

Composition du comité "Loup"

Prévu dans le Plan national loup, un comité départemental loup a été constitué par le préfet de Saône-et-Loire dès la confirmation de sa présence en Saône-et-Loire à l’été 2020. Ce comité venait alors en remplacement de la cellule de veille et de suivi. Ce nouveau comité « Loup » est composé :
-    des services de l’État et d’établissements publics ;
-    des collectivités territoriales : Conseil départemental, associations de maires, parc du Morvan ;
-    de la profession agricole : chambre d’agriculture, syndicats agricoles, Institut de l’élevage, etc. ;
-    de la fédération des chasseurs de Saône-et-Loire ;
-    diverses associations environnementales : AOMSL, Capen, SHNA, LPO.