EXCLU WEB / Les 20 ans de l'euro : La monnaie unique, à la fois redoutable et rassurante

L’euro est, depuis 20 ans, la monnaie unique de dix-neuf pays membres de l’Union, et la pierre angulaire de leur économie. Cependant, l’euro a exacerbé la concurrence entre les vingt-sept pays de l’Union. Les salaires et les normes sont devenus des leviers de compétitivité redoutables. L’euro n’a pas permis la convergence des économies des pays européens. 

EXCLU WEB / Les 20 ans de l'euro : La monnaie unique, à la fois redoutable et rassurante
Lors de la crise financière puis économique de 2008, le thermomètre de la chaudière de la maison euro était placé dans la pièce Allemande, alors que le reste de la maison avait soit trop chaud (France...) ou trop froid (Grèce...).

L’euro (€) a 20 ans et vaut toujours 6,55957 francs et 1,95 Deutsch Mark. Dans les dix-neuf pays européens qui l’ont adoptée, la monnaie unique devrait mettre les échanges intracommunautaires de produits agricoles et agroalimentaires à l’abri de toute volatilité monétaire. C’est pourquoi elle a été adoptée par tous les agriculteurs, même les plus récalcitrants. Alors qu’hors de l’Union, la valeur de la monnaie unique a oscillé entre 0,85 $ et 1,40 $ ces vingt dernières années.

Nouveaux adeptes

« Durant la crise sanitaire de la Covid-19, la politique du “Quoi qu’il en coûte” n’aurait pas pu être conduite en l’état, sans craindre une défiance des marchés financiers, si les institutions européennes n’avaient pas pu se reposer sur une monnaie unique stable et forte », soutient Thierry Pouch, économiste de l’APCA (Chambres d’agriculture). Avant le passage à l’euro, la compétitivité des produits agricoles européens, français en particulier, avait longtemps été pénalisée par les dévaluations et réévaluations successives des monnaies en vigueur dans chacun des européens. Le mécanisme des montants compensatoires monétaires (MCM) en place dans les années 1980-1990, très lourd à gérer, revenait à taxer les produits à l’export des pays dont la monnaie était dévaluée (France, Italie) et à subventionner les denrées importées d’Allemagne et des Pays-Bas notamment. Depuis 2002, l’euro a fait de nouveaux adeptes. La Finlande, les Pays Baltes, la Slovénie et la Slovaquie ont rejoint la zone euro. La Bulgarie et la Croatie ambitionnent d’adopter la monnaie unique dans un proche avenir.

Compétitivité

« L’Euro lie les pays qui l’ont adopté mais aussi leurs voisins, qui ont conservé leur monnaie nationale, défend Thierry Pouch. Durant la crise financière de 2008, les pays de la zone euro ont eu les moyens de résister aux assauts des marchés financiers grâce à la monnaie unique. Mais cette crise financière a aussi rappelé aux Etats membres, la nécessité de maitriser leurs finances publiques, même si, avec la pandémie et la politique du quoi qu’il en coûte, les critères d’appartenance à la zone vont sans doute évoluer », ajoute-t-il. Si la Pologne ou la Hongrie mettent leur menace de quitter l’Union européenne à exécution pour retrouver un semblant de souveraineté perdue, une telle décision ébranlerait le projet européen et par conséquent l’euro. A l’horizon de 2030, le taux de change de l’euro par rapport au dollar impactera une partie des objectifs et coûts du Green Deal.

Comme l’Union européenne envisage de renoncer à une partie de sa souveraineté alimentaire pour atteindre la neutralité carbone, les produits importés et payés en dollars seront très onéreux si la valeur de l’euro est faible. Alors que si l’Union maintient sa capacité exportatrice, sa compétitive s’en trouverait renforcée.

Convergence des normes

A la fin des années 1990, la monnaie unique a été adoptée avec l’illusion qu’elle allait contribuer à la convergence des économies des pays. Or d’autres leviers se sont substitués à l’arme monétaire : le niveau des salaires et des prélèvements obligatoires, les normes et les règles environnementales. En France, des productions ont été délocalisées : asperges, pommes, fruits, légumes, volailles. En Allemagne, l’absence de salaire minimum a longtemps bénéficié à l’industrie de la première transformation.

Pourtant, le solde commercial agricole et agroalimentaire de la France a toujours été excédentaire. L’an passé, il a atteint 9-10 Mds d’€. A l’export, les productions de céréales, de produits laitiers et d’animaux vivants sont compétitives. Mais les échanges commerciaux français de produits agricoles avec nos voisins européens sont globalement déficitaires.

Hors de l’Union, l’origine France est très appréciée. Les règles commerciales de l’OMC, quasiment inchangées depuis les accords de Marrakech en 1994, n’ont donc pas été dans l’ensemble néfastes. Or elles étaient particulièrement redoutées. « Seul un approfondissement de l’espace économique commun au sein de l’UE consolidera la crédibilité de la monnaie unique », affirme Thierry Pouch. C’est pourquoi les représentants professionnels revendiquent la convergence des normes sociales et environnementales entre les pays de l’Union. A la tête de la présidence de l’Union européenne pendant six mois, notre pays s’attachera à aller dans ce sens. Car créer une espace économique commun renforcera par ricochet la dimension communautaire de la PAC.