Bien-être
Sept solutions pour limiter le stress thermique

M.-L.M. 
-

Les épisodes caniculaires n’étant plus exceptionnels, la lutte contre le stress thermique dans les bâtiments d’élevage est devenue un enjeu de taille. Tanguy Morel, chef de projet à l’Institut de l’élevage (Idele), livre conseils et astuces pour améliorer le confort des animaux et des éleveurs en bâtiment en période de forte chaleur.

Sept solutions pour limiter le stress thermique
Limiter le stress thermique dans les bâtiments reste l’un des défis des éleveurs aujourd’hui. Il faut notamment limiter l’échauffement au silo (soit plus de 45 °C) afin de garantir une alimentation saine. ©PxHere

Selon une étude récente de Météo-France, « sans politique climatique, il y a trois chances sur quatre pour que le nombre annuel de jours de vague de chaleur augmente de cinq à vingt-cinq jours en fin de siècle selon les régions par rapport à la période 1976-2005 ». Augmentation de la fréquence respiratoire, de la fatigue, de la circulation sanguine, concurrence à l’auge intensifiée, décalage des repas, davantage de mammites, baisse de l’activité et de la production de lait, modification des acides gras et des taux… les conséquences du stress thermique sont nombreuses pour les vaches laitières. Financièrement, la perte se chiffrerait en moyenne à 3.000 € pour dix jours de sécheresse sur un troupeau de 65 vaches laitières.

« Les vaches laitières craignent plus le chaud que le froid. Leur température de confort se situe entre 2 et 15 °C, de – 10 à 20 °C pour l’amplitude maximale. Notre ressenti n’est pas celui des vaches. Pendant des années, nous avons trop fermé nos bâtiments, il faut les rouvrir, mais les rouvrir correctement », souligne Tanguy Morel. Chef de projet à l’Institut de l’élevage (Idele), il énumère sept solutions pour limiter le stress thermique. Les premières exposées étant les prioritaires.

L’abreuvement

La première d’entre elles est l’abreuvement. Une vache boit en moyenne 70 l d’eau par jour, et jusqu’à 150 l en période de forte chaleur. Avant de se focaliser sur le bâtiment, il convient donc d’offrir à l’animal un accès facile à l’abreuvoir sans qu’il ne gêne l’accès aux logettes aux autres vaches. Tanguy Morel conseille donc une largeur équivalente à trois logettes pour une largeur d’accès par vache de 20 cm en hiver et de 10 cm en été. D’où l’importance de multiplier et de répartir les points d’eau sur le bâtiment, tous les 15 à 20 m environ. « Les vaches sont feignantes. Si l’abreuvoir le plus proche se situe à 50 m, elle n’ira que lorsqu’elle aura vraiment soif et cela aura des conséquences sur la production laitière ». L’abreuvoir doit être placé à bonne hauteur afin qu’il reste toujours propre sans risquer d’étrangler les vaches et toujours contenir 7 à 10 cm d’eau minimum pour que le mufle des vaches baigne entièrement.

Limiter l’échauffement au silo

Deuxième priorité : limiter l’échauffement au silo (soit plus de 45 °C) afin de garantir une alimentation saine. En ce sens, mieux vaut privilégier une orientation du stockage au nord ou à l’est avec le meilleur tassement possible et une distribution à l’auge à l’ombre. Quant à la place attribuée à chaque vache, elle doit également être suffisante. « On a toujours eu tendance à penser qu’en système robot, on pouvait réduire la place à l’auge par vache, soit de 10 à 15 cm. En cas de stress thermique, ce discours ne tient plus car quand il fait chaud, les vaches mangent toutes au même moment donc il faut avoir une place suffisante », note Tanguy Morel. Petite astuce : étaler son ensilage le matin sur la dalle froide puis rapprocher la nourriture des vaches en trois temps. Cela permettra d’éviter que la nourriture chauffe puisque, le matin, la partie de l’ensilage la plus éloignée sera finalement à hauteur des vaches au moment où le soleil sera à son zénith.

Le capital ombre

Augmenter le capital ombre reste également une priorité. Plantation d’arbres, de haies… là aussi, la façon de le faire se réfléchit afin d’éviter la concentration de toutes les vaches au même endroit. L’implantation d’une haie d’arbres aux abords du bâtiment peut être une solution multi-avantageuse. D’une part, elle apporte de l’ombre par sa partie haute, d’autre part, la partie basse, effeuillée, permet de laisser les courants d’air passer et donc de rafraîchir le bâtiment.

Ouvrir les bâtiments, limiter le rayonnement

La concentration des animaux, par un rayonnement indirect par exemple, doit également être évitée à l’intérieur des bâtiments. Comment ? Tout d’abord en éliminant au maximum les translucides, jouer sur les ouvertures de portes lorsque le soleil cogne dessus tout en conservant une ventilation. Parmi les alternatives, on notera la peinture blanche sur le toit qui laisse passer la lumière tout en limitant le rayonnement. Lors de la conception des bâtiments, il est utile de favoriser les débords de toit (notamment sous forme de voiles d’ombrage) et les travées qui coupent les couchers du soleil tout en offrant une place supplémentaire à l’auge. La pose de filets brise-vent est également plus intéressante que la sur-maçonnerie, plus coûteuse et plus rayonnante. Les bardages mobiles sont une autre astuce pour réduire le rayonnement. « Le top du top, quand on peut, surtout en plaine, c’est d’avoir quatre faces ouvertes ». Il est important de ne pas non plus fermer les aires d’attente pour les veaux. L’enherbement le long des murs de bâtiments permet également de limiter le rayonnement. Côté isolation, elle n’est pas spécialement rentable, à peine 2 °C, selon Tanguy Morel, en particulier si le volume des bâtiments est important.

Renouveler l’air

Il attire cependant l’attention sur un point de vigilance : l’effet cheminée. Pour limiter le brassage d’air chaud, le renouvellement de l’air reste une priorité. Des relais ventilation peuvent en ce sens être installés et il vaut mieux éviter d’annexer les salles de traite, silo et nurserie au bâtiment d’élevage sous peine de couper la ventilation.

En dernier recours

« Il faut d’abord passer par ces aménagements avant d’arriver à deux autres solutions », ajoute Tanguy Morel. En dernières recommandations viennent les ventilateurs et les gaines à pression positive. Pour les premiers, la vitesse d’air l’emporte sur le volume d’air soufflé et doit être équivalente à 1 m/s pour être optimale. Attention également à ne pas sous-équiper son bâtiment en ventilateur pour ne pas créer de zones préférentielles et donc de concentration des animaux. La brumisation enfin est une alternative de dernier recours, de même que le douchage, à condition qu’il soit associé à une bonne ventilation.

 

Comment repérer les animaux souffrants 

Halètement, bave et respiration accélérée (plus de 100 coups/minute) sont les premiers symptômes d’une souffrance due à la chaleur chez les vaches. L’inconfort, voire le mal-être, peut également se calculer grâce à l’indice THI (temperature humidity index) qui combine température ambiante et humidité relative. Un THI supérieur à 68 indique une souffrance de l’animal. La question du bien-être animal doit être observée de très près quand le THI ne baisse pas la nuit, les vaches ne pouvant pas profiter de la fraîcheur pour se ressourcer. La vitesse de l’air et le rayonnement sont deux autres indicateurs à prendre en compte.