Prédation par des loups
Le statut du loup doit évoluer

Cédric Michelin
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Pour sauver le pastoralisme et les aménités positives qu’il engendre, les sénateurs sont favorables à l’évolution du statut du loup qui permettra de mieux maîtriser sa présence dans les territoires qu’il a conquis.

Le statut du loup doit évoluer

Le 20 décembre, la Commission des affaires économiques du Sénat, a organisé une table ronde sur le pastoralisme et son avenir, avec la participation de Brigitte Singla, secrétaire générale de la Fédération nationale ovine, Jean-Paul Celet, préfet référant pour la mise en œuvre du Plan national loup et les activités d’élevage, François Balique, maire de Le Vernet dans les Alpes-de-Haute-Provence au titre de la Fédération nationale des communes pastorales et Charles Dereix, ingénieur forestier honoraire, président de l’Association de la forêt méditerranéenne. Si tous les sénateurs qui participaient à la table ronde reconnaissent l’intérêt du pastoralisme pour l’économie agricole (production de viandes et de fromages), son rôle pour la protection de la biodiversité, la lutte contre les incendies et le stockage du carbone, tous déplorent les effets délétères du développement des grands prédateurs et notamment du loup. Ainsi, Brigitte Singla a pointé les pertes économiques que subissent les éleveurs, leur désarroi psychologique consécutif à une attaque du loup. La question de la pérennité de l’élevage dans ces zones est désormais posée. En ce sens que « l’attractivité du métier devient un vrai sujet de préoccupation » a-t-elle insisté. Le climat d’insécurité, le stress n’incite guère les jeunes à s’installer dans ces conditions. François Balique déplore pour sa part l’abandon des zones pastorales et le non entretien des espaces qui favorisent le développement du loup et l’accroissement des incendies, sans parler des conflits d’usage entre touristes et éleveurs et même avec les ruraux. Les chiens de protection des troupeaux dont on encourage les éleveurs à se doter inquiètent les promeneurs par les agressions et les morsures qu’ils peuvent provoquer. Jean-Paul Celet s’est voulu rassurant. Le Plan national loup qui entre en vigueur prévoit la création d’un statut de protection des chiens de troupeaux. Il prévoit également une modification de la méthode de comptage des loups, maintes fois dénoncée par les organisations professionnelles. Ainsi serait mieux identifiées la population du prédateur et son évolution pour décider des prélèvements à réaliser. En 2023, il a été procédé à un réajustement qui a abouti à une réévaluation de plus de 20 % de leur nombre, de 906 à 1.104 individus !

Les bovins désormais concernés

Ont été évoquées également, la difficulté et les lenteurs à obtenir les autorisations de tirs, « un carcan administratif », relève Brigitte Singla. Sur ce point, le prochain plan loup prévoit un assouplissement du protocole de tir. Des sénateurs déplorent l’extension de la prédation aux troupeaux bovins. Dans les Savoie par exemple, les producteurs de lait sont de plus en plus victimes de ses attaques. D’autres pointent le déploiement du loup dans les zones de plaine, notamment d’individus solitaires, et la difficulté de mettre en place des mesures de protection dans ces territoires.

Tous les intervenants partageaient le souci de faire évoluer le statut du loup au niveau international et au niveau européen d’une « espèce strictement protégée », à « une espèce protégée ». Le Plan national loup devra s’y atteler en fournissant un argumentaire. D’ailleurs, « La question n’est plus taboue », a indiqué Jean-Paul Celet. Il reste encore à convaincre un certain nombre de pays. La procédure prendra du temps. En attendant, le préfet a suggéré de modifier le taux de prélèvement qui relève d’une décision nationale. Fixé actuellement à 19 % (soit 200 loups tués en 2023), celui-ci pourrait être relevé sans remettre en cause la viabilité de l’espèce.

Le Sénateur Genet offensif
Fabien Genet (à gauche sur la photo) lors de la visite du Ministre de l'Agriculture à Jalogny en juin dernier.
Prédation du loup : interrogé par le Sénateur Genet, le ministre de l’Agriculture évoque une évolution du statut du prédateur en 2024

Le Sénateur Genet offensif

Le 16 janvier, à l’occasion du débat au Sénat sur le thème « Face à la prédation du loup, comment assurer l’avenir du pastoralisme ? », le Sénateur de Saône-et-Loire, Fabien Genet a interrogé le Ministre de l’Agriculture Marc Fesneau sur la modification du statut européen du loup et sur la reconnaissance du caractère non-protégeable des espaces bocagers.

Le Sénateur Genet, qui suit de près le dossier loup, devenu prégnant dans notre département à la faveur de la prédation qui s’est développée depuis trois ans, a tenu à rappeler les limites du plan loup et les spécificités du territoire de la Saône-et-Loire qui ne permettent pas la cohabitation avec le prédateur.

Avec 1.104 loups officiellement comptabilisés en France, le seuil de viabilité démographique, fixé à 500, est en effet dépassé. Son aire s’est étendue. Le loup n’est donc plus menacé de disparition, alors que 55 départements sont touchés.

« Les réponses à la prédation sont bien connues : installation de filets dont la mise en place n’est ni suffisante ni efficace chez nous, promotion de chiens patous qui ne peuvent pas courir après les loups en zone de bocage à cause des clôtures et des haies, tirs de défense par des nouveaux louvetiers qui hésitent à appuyer sur la gâchette de peur que toutes les conditions réglementaires ne soient pas réunies… », déplore Fabien Genet.

Le Ministre, qui avait assuré de sa mobilisation sur le sujet lors de sa venue à Cluny en juin 2023, à l’invitation de la profession agricole, a réaffirmé la nécessité d’évolution du classement de l’espèce, reconnaissant par ailleurs l’impossibilité de la cohabitation du loup et de l’élevage sur certains territoires.

Lors du débat, il a notamment assuré que la question de la révision du statut européen du loup serait étudiée dès la fin janvier avec les pays membres et qu’une modification du statut pourrait intervenir au cours de l’été si un consensus européen se dégage.

« Fin janvier, le Conseil Environnement se prononcera à la majorité simple. À Berne, il faudra ensuite une majorité des deux tiers. Cela reviendra enfin au Conseil Environnement, où il faut l’unanimité. D’ici juin, il pourrait donc y avoir une évolution. Pour que la Commission, qui a été rugueuse sur ces sujets, change d’avis, c’est bien que les données scientifiques sont claires », a assuré le Ministre.

Enfin, concernant la simplification des protocoles de tirs, il a indiqué qu’un arrêté était en cours de finalisation.

Le Sénateur Genet a tenu à saluer l’engagement du Ministre, l’interrogeant toutefois sur la position de ses collègues membres du Gouvernement, en particulier du ministère de la Transition écologique, pour savoir s’ils partageaient tous la même vision. « Avec Christophe Béchu, nous sommes parvenus à un point de convergence pour conjuguer la biodiversité et la conservation d’activités, qui sont cruciales, non seulement pour la souveraineté alimentaire, mais aussi pour la biodiversité elle-même », lui a répondu le Ministre.