ÉGAlim – Pac
Une armée d’agriculteurs à Clermont-Ferrand et à Lyon

500 tracteurs et près de 5.000 agriculteurs rassemblés à Clermont-Ferrand, jeudi 25 mars. 500 de plus à Lyon et 200 tracteurs. Défi relevé pour le réseau FRSEA-JA d’Aura, du grand Massif central, avec la participation de la Saône-et-Loire et de la Nièvre. L’élevage notamment a mobilisé en masse pour obtenir des prix enfin rémunérateurs et demain une Pac équilibrée. Reste que cette première somation en appellera d’autres « si les pouvoirs publics ne changent pas de braquet ».

Une armée d’agriculteurs à Clermont-Ferrand et à Lyon

Au pays des volcans, la terre a tremblé jeudi 25 mars. Accompagnés des vrombissements des tracteurs, des milliers d’agriculteurs venus de l’Allier, du Cantal, de l’Aveyron, de la Haute-Loire, du Puy-de-Dôme, de la Lozère, de la Creuse, de la Corrèze, de la Haute-Vienne, du Lot, du Gard, de la Saône-et-Loire, de la Loire, de la Nièvre… ont battu le pavé auvergnat. Convergeant des principales autoroutes (A75, A71, A89…), ils ont rejoint Clermont-Ferrand en fin de matinée, tandis que leurs collègues étaient mobilisés à Lyon (voir par ailleurs). C’est sur la place de Jaude, au pied de la statue de Vercingétorix - qui, il y a plus de 2.000 ans, a unifié les peuples de Gaule à Bibracte - que les agriculteurs de tout le Massif Central avaient rendez-vous.
À l’appel de leurs fédérations respectives, FDSEA et Jeunes Agriculteurs, les organisateurs de la manifestation clermontoise étaient satisfaits de l’ampleur de la mobilisation. « Une véritable démonstration de force. Un véritable signe d’espoir », exprimait Christian Bajard, président de la FDSEA de Saône-et-Loire et président du Berceau des races à viandes (Brav), à l’initiative de l’appel à mobilisation.
À leurs côtés des élus, des salariés d’organisations professionnelles agricoles dont certaines avaient volontairement choisi de baisser le rideau, mais aussi des acteurs du secteur comme les concessionnaires de matériels agricoles, coopératives, groupements de producteurs… Le monde de l’élevage réuni au grand complet en somme et plus globalement celui de ce vaste espace de polyculture-élevage « dont l’avenir pourrait être compromis par des choix politiques hasardeux », a résumé David Chauve, secrétaire général adjoint de la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes. Sur les banderoles, en filigrane, le même message : le sentiment de travailler toujours davantage sans en récolter les fruits, alors qu’au bout de la chaîne, d’autres se gavent, et comble du cynisme avec la caution des pouvoirs publics.

ÉGAlim : 4 milliards d’€ en plus pour les GMS !

« Monsieur le ministre de l’Économie, depuis un an, c’est un détournement d’argent qui a été fait du consommateur vers la GMS sur le dos des producteurs. 4 milliards d’euros… C’est en effet la somme qu’a engrangé la grande distribution grâce à la loi ÉGAlim (avec l’interdiction des ventes à pertes changeant les négociations pour Coca-Cola, Pernod-Ricard, Ferrero Nutella, etc., NDLR) en moins de deux ans. Peu voire, pas de retombées sont revenues dans les poches déjà vides des paysans. Si la loi doit être changée (comme annoncé lors de sa visite en Côte-d’Or, NDLR), Monsieur Macron, faites le bon choix si vous ne voulez pas devenir le fossoyeur de l’agriculture », a martelé Yannick Fialip, représentant des chambres d’agriculture d’Auvergne-Rhône-Alpes et membre du bureau de la FNSEA.

Des aides Pac rabotées ?

Pour Bruno Dufayet, président de la Fédération nationale bovine, « les chiffres parlent d’eux-mêmes : moins de 700 euros par mois c’est le revenu d’un producteur de viande bovine, pour avoir le plus bel élevage du monde, le plus durable, qui produit une viande de qualité. Comment le gouvernement peut-il déclarer ne pas vouloir abandonner les éleveurs de bovins viande et vouloir répondre à l’urgence de leur situation en débloquant 60 millions d’euros… tout en leur retirant quelques jours plus tard 250 millions d’euros d’aides Pac par an ? ». Pour lui, si la feuille de route française de la Pac devait rester en l’état, ce serait ni plus ni moins qu’un abandon de l’élevage.

Dès le 6 avril à Dijon

Invitant chacun et chacune à maintenir la pression, le réseau syndical a prévenu « d’autres rassemblements, y compris à Paris, pourraient s’organiser si le gouvernement ne revoit pas sa copie ». Le prochain rendez-vous est d’ailleurs déjà fixé : le 6 avril à Dijon pour toute la Bourgogne Franche-Comté (lire par ailleurs).

Comme dans toute manifestation agricole qui se respecte, du fumier, de la paille et des pneus ont été déversés devant les préfectures. En fin de manifestation, la tension est montée d’un cran avec un dépôt de fumier et un gigantesque brasier allumé devant la préfecture. Les JA particulièrement remontés par l’inertie des pouvoirs publics ont joué des coudes avec les CRS, qui n’ont pas hésité à gazer la foule de manifestants. Un rendez-vous avec le ministre de l’Agriculture a été obtenu pour la semaine prochaine.
Sophie Chatenet

Sébastien Dupéray

Bastien Migault

Mobilisation massive aussi Place Bellecour

Mobilisation massive aussi Place Bellecour

« Cela fait plus de vingt ans que nous attendons des prix à la hauteur de nos coûts de production ! Il faut trouver une vraie solution pour les agriculteurs ! », a clamé le président de la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes, Michel Joux, à Lyon où 500 agriculteurs et 200 tracteurs avaient convergé dans la matinée place Bellecour. Des convois du Rhône et de la Loire s’étaient rassemblés à l’entrée Nord de la ville. D’autres de l’Ain et des Savoie ont emprunté l’entrée Est de la Métropole. Ils ont été rejoints par des agriculteurs de la Drôme, de l’Isère, du sud du Rhône et de l’Ardèche qui sont arrivés par l’autoroute du Sud. En début d’après-midi, à Lyon, une délégation de responsables FRSEA et JA a été reçue par le préfet de Région, Pascal Mailhos. Après discussion, les syndicalistes ont obtenu un rendez-vous avec Julien Denormandie pour le début de semaine. « Faisons lui confiance quelques jours, mais quelques jours seulement », a prévenu Michel Joux, promettant, si le ministre de l’Agriculture devait ne pas respecter « ses engagements verbaux » de revenir et, cette fois-ci, de taper bien plus fort.
Sébastien Duperay

Des pancartes explicitent

Les pancartes, calicots et autres messages brandis, exposer ou déclamer parlent d’eux-mêmes : « France, veux-tu encore de tes paysans ? » ; « Loi ÉGAlim, c’est nous qu’on trime » ; « On veut des prix, pas des mercis ». « L’alimentation saine et durable a un prix » ; « Pour une PAC pour tous les agriculteurs », « Paysans en péril, Macron réagis ! », « Doit-on mourir pour vous nourrir ? » ; « Éleveurs en détresse »…

Moitié moins d’aides couplées

Cette mobilisation revêt en effet un enjeu fort pour nombre de territoires où seul l’élevage est possible, aucune autre production. Invité de France Bleu Creuse, Christian Arvis, président de la FDSEA de la Creuse, a indiqué que la future Pac risque de faire perdre 40 à 50 % de leurs aides couplées aux éleveurs.

Des clarifications attendues

La FNSEA qui a analysé les premières propositions du ministère de l’Agriculture pour l’élaboration du Plan stratégique national (PSN) de la future Pac demande plusieurs clarifications, en premier lieu sur les aides couplées : « les modalités d’attribution proposées pour les aides animales ciblées sur l’Unité de gros bétail (UGB) bovine nous inquiètent fortement, en particulier en termes d’impact sur l’élevage bovin allaitant et engraissement ». La FNSEA demande aussi un éclaircissement sur les éco-régimes (eco-schemes). Le niveau d’exigence selon trois voies (pratiques sur les surfaces agricoles, biodiversité, certification), tel que présenté, exclut un trop grand nombre d’exploitations. Déplorant « l’absence de propositions pour les Zones Intermédiaires », et réclamant plus de concertation sur l’ICHN, l’investissement, les MAEC, les appuis à l’agriculture biologique et la gestion des risques, la FNSEA regrette aussi que les propositions du ministère « ne répondent pas au besoin de rééquilibrage des effets de la convergence sur les exploitations céréalières ». Elle lui demande, en conclusion, de « présenter un PSN qui permette de favoriser notre souveraineté alimentaire ». 

 

Des jeunes inquiets mais fiers de leur métier

Quentin Boyer s’est installé le 1er juillet 2017. Guillaume Maillet s’est installé trois ans plus tôt. Ils sont tous deux éleveurs charolais à Vendenesse-sur-Arroux. Océane Testard est pour sa part ouvrière agricole sur l’exploitation de son père à Étang-sur-Arroux. Elle ambitionne à terme de reprendre celle-ci… « Enfin, si la future Pac le permet », craignent-ils. Les trois partagent d’ailleurs le même point de vue sur la situation actuelle très difficile pour le monde de l’élevage. « Certes, c’est un métier que l’on fait par passion, mais qui aimerait travailler pour ne rien avoir à la fin du mois ? Nous, c’est ce que l’on vit avec en prime de très grosses cadences de travail. On bosse plus de 70 heures par semaine, avec des vêlages parfois en pleine nuit, les samedis ou dimanches. Les bêtes, c’est comme nos enfants », explique Océane. Si les trois amis, membres des JA de Saône-et-Loire, ont fait la route jusqu’à Clermont-Ferrand, ce n’est très certainement pas pour le plaisir de s’offrir une balade. « On aurait préféré être dans nos exploitations à s’occuper de nos bêtes plutôt que d’être ici », expliquent-ils mais les circonstances font qu’il fallait se mobiliser. « Les jeunes sont vraiment inquiets », alerte Guillaume. « Il faut vraiment que la loi ÉGAlim soit réellement appliquée pour avoir des cours de la viande qui prennent en compte notre coût de production », assure Quentin. Si la Pac et la loi ÉGAlim étaient les deux sujets de la manifestation clermontoise, les problématiques de l’élevage sont beaucoup plus vastes.
Bastien Migault