Crise agricole
On marche toujours à l’envers, sur la tête. On ne s’interdit rien

Cédric Michelin
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Après plusieurs mois de mobilisation sur le thème « on marche sur la tête », des actions de blocus aussi nombreuses « qu'extraordinaires » par leur ampleur et le nombre d’agriculteurs mobilisés, FDSEA et JA espèrent toujours que la situation du monde agricole finira par être entendue par l'Europe, le Président de la République, le gouvernement et le Parlement.

On marche toujours à l’envers, sur la tête. On ne s’interdit rien

Mais, passé le temps des annonces, celui de la déclinaison est « plus laborieux, malgré une indéniable envie de rechercher des solutions, de changer de méthodes… On ne remet pas en cause les orientations de plusieurs décennies, l’empilement de décisions et d’arbitrages… facilement. Il faudra du temps, mais les agriculteurs n’en ont plus beaucoup ! », constate amèrement la profession agricole.

Pour accélérer encore le suivi de la crise agricole, les présidents de la FDSEA et JA71, respectivement Christian Bajard et Julien Quelin, tenaient un point presse le 22 mars à Saint-Firmin au Gaec de l’Église, chez Eric et Quentin Jury et Jean-Yves Pillot. L’occasion donc de médiatiser « l’état de la situation » et de « rappeler les demandes initiales, les quelques points qui ont été traités de façon concrète et surtout d’évoquer le contenu des négociations en cours, les points de blocage et l’inquiétude qui remonte légitimement dans les campagnes ». Alors que les réunions et négociations se poursuivent du local au national, voire au niveau international avec l’Europe, Christian Bajard donne rendez-vous à toutes et tous le 11 avril prochain à Saint-Sernin-du-Bois, pour l’AG de la FDSEA, qui se tiendra juste après les annonces prévues par le Gouvernement. De quoi, avoir l’analyse approfondie des mesures et en débattre ensemble autour du thème « des attentes des agriculteurs dans une société en changement ».

Rien n’a changé dans les fermes

Pour l’heure, « hormis les déclarations solennelles », Christian Bajard ne voit « rien n’a changé dans les cours de fermes au quotidien », toujours confrontées à des « injonctions contradictoires », de la part des règles, normes, empilement administratif et même d’une société voulant tout et son contraire. L’ensemble des syndicats, et non-syndiqués, participent au suivi de la crise mis en place par le Préfet et ses services. Pour le président JA71, Julien Quelin, un seul mot d’ordre : « faire que les groupes de travail nous permettent de dégager plus de revenus pour vivre de notre métier », et ce, avec les aspirations des nouvelles générations « différentes de celles de nos parents ou grands-parents ». Il y a urgence, notamment en élevage en Saône-et-Loire, avec pas loin de 1.500 agriculteurs qui seront en retraites dans cinq ans, sur les 7.000 du département.

Si les lois EGAlim visaient ces objectifs, la profession agricole ne peut que constater « que globalement rien n’a changé », là aussi, malgré l’objectif de construire les prix à la ferme en intégrant les coûts de production. Des charges d’ailleurs en forte hausse et que les autres acteurs de la chaîne n’ont pas respecté. Les contrôles de l’État étant quasi-absent jusqu’aux manifestations 2024. « On doit forcer à faire appliquer la loi, dès ce printemps, pour vite ramener de l’argent », ne lâche pas Christian Bajard. Idem pour l’application « dès 2024 » du Plan élevage du Gouvernement toujours pas sorti. Pour Jean-François Lacroix, secrétaire-général adjoint de la FDSEA, « il faut simplifier les contrôles et faire confiance aux agriculteurs qui savent produire sans détériorer la nature », comme le prouvent l’élevage à l’herbe et son bocage par exemple.

Car à tout vouloir contrôler, les politiques se prennent les pieds dans leurs contradictions, voulant un jour plus de libre-échange, un autre plus de protectionnisme… Que ce soit pour l’accord Ceta ou demain du Mercosur, et rétroactivement, la profession veut des « clauses miroirs ». Une réciprocité des normes pour une juste concurrence.

« On ne s’interdit rien »

Avec toutes les propositions remontées, la FNSEA a compilé 120 demandes prioritaires, 62 retenus par le Premier Ministre, le tout regroupé en 5 blocs. « On espère qu’il n’est pas en train de nous amuser, mais bien en train de régler les problèmes », préviennent déjà les syndicats. Y compris les retraités qui ne sont pas satisfaits de la dernière proposition de calculs et l’application reportée à 2028, redit Gaby Joubert, pour la SDAE… qui ne veut pas attendre cette manœuvre pré-électorale. Autre thème qui laisse un « goût encore plus amer », le loup et le plan devant lutter contre ce prédateur. Pour le secrétaire général JA71, Thibault Renaud, « on ne s’habituera jamais aux carnages ». C’est pourquoi, il n’arrête pas de reposer la même question « Où ce plan nous emmène ? », sachant déjà la réponse, « des installations ovines sont annulées par peur de voir son cheptel détruit par ce prédateur ».

Un énième et dernier exemple qui fait dire aux élus agricoles que « la crise n’est pas finie, les agriculteurs ne s’en sortent pas, on ne comprend pas le fonctionnement de l’Europe, le chantier de la simplification française n’avance pas, les soutiens à la trésorerie non plus… On n’a donc aucune raison de remettre à l’endroit les panneaux, car on marche toujours à l’envers, sur la tête. On ne s’interdit rien », après avoir ralenti la RCEA, bloqué l’A6 à Tournus ou plusieurs centrales d’achats d’enseignes alimentaires. Et le prochain acte de rassemblement aura lieu à Saint-Sernin-du-Bois le jeudi 11 avril pour en débattre à l’occasion de l’AG de la FDSEA.