Page Oxygène : Littérature
La culture salvatrice et solidaire

La période de confinement n’en finit pas de bousculer les choses. Si certains pans de nos vies sont totalement à l’arrêt, d’autres au contraire se trouvent accélérés du fait de ce bouleversement de notre quotidien. Il en est ainsi du livre France Maïs, qui n’aurait dû sortir qu’en septembre, au moment de la rentrée littéraire. Cet ouvrage signé d’une Chalonnaise de naissance est d’ores et déjà disponible en version numérique et auréolé d’une démarche solidaire.

La culture salvatrice et solidaire

Magali Hack, l’auteure de France Maïs le revendique : « avec le confinement, la littérature prend tout son sens ! Les gens ont besoin de lecture. À nous, les auteurs, de montrer que nous sommes capables de nous mobiliser. C’est presque un geste politique ».
Et ce geste, Magali Hack l’a joint à la parole. Alors qu’il aurait dû attendre septembre et la rentrée littéraire pour sortir en format papier, l’ouvrage France Maïs est déjà disponible en version numérique, téléchargeable depuis le site de la jeune femme* et sur la plateforme www.lulu.com.
Pour aller jusqu’au bout de la démarche, Magali Hack a décidé de reverser sa marge d’auteur à la cagnotte solidaire #ProtegeTonSoignant**.

Le choc et l’action

« Cette crise liée au Covid a été un véritable électrochoc pour moi, une prise de conscience sur le fait qu’il faut changer la façon dont on vit les uns avec les autres en France ». Ce recul a d’autant plus été possible pour elle : depuis plus de 20 ans, elle vit en grande partie en Allemagne où elle est actuellement professeur de lettres modernes au lycée franco-allemand de Freiburg.
« Je dénote presque du mépris quand on voit comment on évoque les campagnes en France, notamment avec cette expression de "France profonde" qui nous conduit parfois à avoir du mal à avouer que l’on vient de ce milieu. De même, quand on voit la façon dont les agriculteurs sont presque tournés en ridicule par certaines émissions… J’ai eu envie de me battre pour ma propre région ! » Même si tout ceci est peut-être aussi teinté d’un peu de nostalgie, c’est un heureux hasard qu’un livre comme France Maïs ait justement été prêt au moment du confinement.
Magali Hack a donc eu envie de participer à sa façon à ce retour du lien entre les personnes, à cet autre regard sur les régions françaises, cette campagne dont elle-même est issue.

Les sensations en souvenir

Et sa région à elle, c’est la Bourgogne. Chalon-sur-Saône où elle est née, Crissey où elle a grandi auprès de la famille maternelle et Simard où vivaient ses grands-parents paternels.
Ces quatre aïeuls sont d’ailleurs au cœur des souvenirs qui ont guidé la rédaction du livre France Maïs
« Le livre précédent évoquait mon frère décédé. Je voulais rester sur cette dynamique de garder une trace des gens de ma famille qui ne sont plus là ».
Cette fois, ce n’est pas une suite chronologique qui a guidé son écriture, plutôt les souvenirs des sensations. Olfactives, auditives. « De ce fait, le récit n’est pas un documentaire, il est au contraire très subjectif ».
Mais peu importe, Magali Hack a pu évoquer et surtout retrouver Pépé Robert et Mémé Hélène, les céréaliers de Crissey. « Au départ, je pensais ne parler que de mes grands-parents de Crissey que je côtoyais beaucoup plus. Finalement, au fil de l’écriture, je me suis aperçue que j’avais aussi énormément de souvenirs de mes grands-parents paternels ». Ainsi Pépé Dédé et Mémé Denise, les éleveurs de la Bresse ont aussi trouvé naturellement leur place dans le récit.

La dignité en héritage

Et ce travail, presque introspectif, lui a finalement permis de faire leur connaissance des années après leur décès… « Sans tomber dans les clichés, comme beaucoup de Bressans, ils avaient moins de moyens que mes autres grands-parents et étaient beaucoup plus dans une vie d’économie ». Et si Mémé Denise exprimait peu ses sentiments, « l’écriture m’a permis de comprendre que cette grand-mère était affectueuse à sa façon. J’ai enfin réalisé combien ces gens étaient dignes et courageux ».

Ainsi, Magali Hack, qui a longtemps estimé qu’elle n’avait aucune légitimité à se lancer dans l’écriture « en tant que petite-fille d’agriculteurs », signe là un ouvrage qui rend tout autant hommage à la France des campagnes qu'à nos familles, avec leurs lots de non-dits et de secrets... et d'affection aussi...

 

* https://magalihack.com
** cette cagnotte solidaire, à retrouver sur leetchi, participe à l’achat de matériels de soin (masques, surblouses, respirateurs, échographes, etc.) pour les hôpitaux des départements les plus critiques face à la crise sanitaire.

 

La littérature sociale

Magali Hack ne vit pas de la vente de ses livres, aussi elle veut véritablement donner un rôle social à l’écriture : « je veux que la culture et la littérature soient vraiment au service de tous », décrit-elle. Ainsi, pour aller au bout de sa démarche, elle est en train de créer sa propre maison d’autoédition : les éditions du Défriché, basées à Virey-le-Grand.
Le principe sera d’aider à la publication d’ouvrages en s’appuyant au maximum sur les forces locales aussi bien en termes d’impression que de distribution : les livres seront imprimés à l’Esat Habilis de Dijon, distribués au maximum via les librairies indépendantes du secteur et portés à la connaissance de tous lors de soirées lecture.
Et le projet va au-delà également en reversant 50 % de la marge de chaque vente à l’association Lire à l’hôpital. Cette association propose le prêt gratuit de livres à typographie normale ou adaptée, de magazines, de CD de livres ou de musique, dans les hôpitaux, les Ehpad ou à domicile.