Réunion prédation en Préfecture
Vers des renforts aux côtés des louvetiers

Cédric Michelin
-

Le 19 avril à la Préfecture de Mâcon et en distanciel (visioconférence), le Préfet Séguy organisait une réunion pour faire le bilan des multiples prédations – loup, lynx, chiens errants - de ces dernières semaines. Bilan qui s’alourdit de jour en jour. La profession agricole a réclamé d’urgence un « Plan de défense de l’élevage » et non plus, un « Plan Loup ». De nombreux élus ont plaidé en ce sens.

Vers des renforts aux côtés des louvetiers
Le préfet, Yves Séguy, le DDT, Jean-Pierre Goron et la directrice adjointe de la DDT, Bénédicte Cretin

Le lendemain de la confirmation officielle de la présence d’un nouveau loup en Saône-et-Loire (photographié à Dompierre-les-Ormes le 16 avril), le préfet Séguy tenait à « partager un point de situation en toute transparence avec toutes les parties. Tenir des secrets serait ridicule », débutait-il avant de remercier les élus et parlementaires, la profession agricole, les chasseurs, ses services (DDT71, DDPP71) et l’OFB ou encore plusieurs excusés, à l’image de l’euro-député, Jérémy Decerle avec qui il s’était entretenu longuement auparavant. Rappelant être garant de la « déclinaison » du plan national loup, il redisait sa volonté « de prendre les mesures dans les délais les plus brefs », que ce soit celles d’urgence, de protection ou de dissuasion. Le plan Loup étant sous la coupe de la Convention de Berne faisant du loup une espèce protégée. Car, il était principalement question du loup lors de cette réunion « prédation ».

Après un bilan exhaustif (lire encadré), Emmanuel Durand, chef du service départemental à l’Office Français de la Biodiversité (OFB) indiquait que les attaques sur bovins « n’étaient jamais arrivées en Saône-et-Loire », jusqu’à présent. Pour le préfet, pas de doute, il s’agit de l’œuvre d’un « loup adulte corpulent » pouvant s’attaquer à un bovin de plusieurs centaines de kilos. « Même si nous n’avons que peu d’expérience d’attaques sur bovins, nous n’avions jamais vu de telles blessures avec un chien », précisait Emmanuel Durand, éliminant tout doute de confusion avec des attaques de chiens errants (type Beauceron), lui qui échange des informations avec le Doubs qui endure de pareilles attaques.

Faire évoluer le plan national avant l’Europe

Alors que la DDT rappelait la réglementation et notamment les mesures de protection permettant d’obtenir ensuite des Tirs de défense simple (TDS), Alexandre Saunier interpellait le préfet. « Il y a des différences entre attaque sur ovins ou bovins », remarquait-il au préalable. Non soumis à protection pour obtenir un TDS, Alexandre Saunier faisait la demande officielle « au nom de la FNO et des éleveurs bovins du département », que ces derniers puissent demander un TDS « s’ils sont à proximité d’une attaque et ce, même s’ils n’ont pas encore été prédatés ». Et de rajouter que le préfet a la latitude d’accéder à cette demande, car il s’agit là du plan loup national, et non la directive Européenne. La FNO, qui participe au groupe Loup, appel d’ailleurs les parlementaires à faire évoluer le plan national ainsi.

Le directeur de la DDT, Jean-Pierre Goron répondait que cette « demande légitime sera relayée (au préfet coordonnateur Loup, N.D.L.R.), en soulignant le caractère d’urgence, pour sa mise en œuvre » rapide. Il mettait néanmoins en garde que cette demande est « instable juridiquement » suite à une mesure proche prise dans le Doubs et attaquée par les associations pro-loups. Yves Séguy rajoutait qu’il est de sa responsabilité « de délivrer les arrêtés TDS et de s’assurer que les dispositions techniques de tirs soient respectées, surtout avec l’usage de (fusils) de gros calibres, souvent en nocturne, qui nécessite de redoubler de vigilance », lui le garant de la sécurité de toutes et tous.

Renfort des chasseurs auprès des louvetiers

Particulièrement touché par des attaques de loups, de lynx et de chiens errants, pour le clunisois, Jean-Luc Delpeuch et François Bonnetain, respectivement président de la Comcom et maire de La Vineuse-sur-Frégande, dénonçaient « des délais trop longs pour le coincer » malgré l’autorisation rapide des TDS. La DDT rappelait la différence entre TDS et tir de défense renforcé (TDR) qui comporte alors jusqu’à dix tireurs. « 99 % des loups détruis le sont avec un TDS/TDR et encore majoritairement avec un TDS », argumentait Jean-Pierre Goron, pour éviter d’avoir à demander un tir de prélèvement, qui doit rester « exceptionnel » et sous « l’expertise » de la Brigade Loup. Cette « chasse au loup » attirant aussi des polémiques médiatiques. La Saône-et-Loire « fait déjà l’objet de regards très attentifs des associations pro-loup », rajoutait-il, depuis les autorisations « rapides » de TDS. Conscient toutefois que ce délai reste « trop long » et les procédures trop administratives, le président de la chambre d’Agriculture, Bernard Lacour réclamait d’urgence des actions à « très court termes ». « Je remercie l’administration et le Préfet. Je félicite les louvetiers mais ils ont encore des boulets au pied, réduisant la probabilité de le tuer », faisait-il référence aux conditions à réunir pour tirer dans le cadre d’un TDS/TDR. Il évoquait le renfort des chasseurs auprès des louvetiers, avant de devoir faire appel si besoin à la Brigade Loup.

Car la profession agricole disait ses craintes au Préfet de voir subvenir des accidents en raison d’éleveurs exténués par des nuits blanches, traumatisés psychologiquement par la découverte de leurs bêtes mortes ou grièvement blessées, devant gérer les survivantes et autres avortements et qui « appellent leurs voisins, prennent ça et là leurs fusils », se mettant en « insécurité ».

Pour des TDS « efficaces »

Sensible à cette réalité, Yves Séguy comprenait ce désarroi et ce réflexe humain, mais redisait qu’il n’y a « pas plus mauvais tireur que ces tireurs intempestifs ». Se disant néanmoins pour être « efficace », il se tournait vers l’OFB. Depuis trois ans maintenant, des chasseurs sont formés par la Brigade Loup pour renforcer la liste des personnes habilitées à effectuer des TDS. La présidente de la Fédération des chasseurs 71, Évelyne Guillon redisait « être sensible à la détresse des éleveurs » et « mettra tous les outils de la Fédération à leurs dispositions », les invitant par la même occasion, à passer le permis de chasse « indispensable ». Après deux heures de réunion, Yves Séguy concluait sur tous ces sujets et notamment sur le fait de voir « d’un bon œil » le renfort de chasseurs bénévoles « selon les circonstances et en toute sécurité » auprès des louvetiers. Donnant la motion « Pour la défense des éleveurs » (lire page 2) au nom de FDSEA, JA et Chambre 71, Benoit Regnault indiquait que la profession se tient « prête » à agir plus fort.

Des élus et parlementaires remontés

La sénatrice Marie Mercier et le représentant de Fabien Genet, tout comme les députés Rémy Rebeyrotte et Benjamin Dirx ont tous écouté la réunion en distanciel. Rémy Rebeyrotte partageait la plupart des propos tenus et veut « réviser le plan » national loup car « cela commence à ressembler au risque de ne plus maîtriser les événements. Il faut un rééquilibrage », car le plan Loup n’est pas « adapté aux territoires de bocages ». Pour son collègue Dirx, la situation pourrait même dégénérer jusqu’au « retour du petit chaperon rouge » et les patous ne sont pas compatibles, selon lui, au développement touristique, laissant craindre des « attaques de chiens » imputables aux éleveurs. Un comble que Marie Mercier refuse aussi, elle qui insiste plutôt sur « la détresse des éleveurs qui ont la peur au ventre » de retrouver leurs animaux éventrés par le loup. « Infernale, insoutenable ! ». Présent à la préfecture malgré une jambe dans une attelle, le vice-président à l’Agriculture pour le conseil départemental, Frédéric Brochot avait, lui aussi, une première pensée pour tous ses collègues éleveurs « touchés, qui ont la pression de trouver un cadavre chaque matin ». Un aspect psychologique bien mésestimé dans les indemnisations qui sont en plus « bien en dessous des prix de commercialisation ». Il retournait l’argument du bien-être animal aux associations écologistes qui « ne tiennent pas compte d’une telle prolifération », puisqu’officiellement il a été reconnu a minima 1.500 loups en Europe. « Soit on est pour l’éleveur, soit on est pour le loup ; mais on ne peut pas être pour les deux », jugeait-il. La profession agricole continuera donc à faire pression pour changer les lois.

Macabre décompte en 2023

12 TDS ont été délivrés depuis le 22 mars : 7 pour protéger des troupeaux d’ovins, 5 pour des bovins. Ces derniers n’ont pas besoin de mettre en place des mesures de protection, contrairement aux éleveurs ovins. Depuis le 22 mars, le loup a nécessité 37 interventions de la louveterie (bénévoles) pour 140 h de présence de nuit.

De fin mars au 19 avril, la DDT a recensé officiellement dans le Tournugeois :

7 attaques « loup non écarté » :

→ 6 sur ovins : 7 morts + 4 blessés

→ 1 attaque sur 1 veau

5 attaques « lynx non écarté » :

→ 12 ovins morts + 2 blessés

2 attaques « chien avéré » :

→ 19 ovins tués + 24 blessés

1 mortalité d’origine indéterminée sur un agneau

1 constat en attente d’expertise sur un veau

 

 

De début à mi-avril dans le Creusotois :

8 attaques « loup non écarté », dont :

→ 3 attaques sur ovins : 9 morts et 9 blessés

→ 4 attaques sur bovins : 2 euthanasiés + 5 blessés

→ 1 attaque sur équin : 1 poney mort

1 déclaration de dommage sur un agneau, sans constat

1 constat en attente d’expertise sur un jeune bovin mort

 

 

De mi-avril dans le Clunisois :

6 attaques « loup non écarté », dont :

4 attaques sur ovins : 5 morts + 2 blessés

2 attaques sur bovins : 1 mort + 1 euthanasié ; 1 constat en attente d’expertise sur un veau mort