Etude France Stratégie
Une radiographie des usages de l’eau

« Prélèvements et consommations d’eau : quels enjeux et quels usages ? ». Telle est l’étude présentée le 18 avril par France Stratégie, une institution autonome placée auprès du Premier ministre. Leurs dirigeants ont posé le cadre des usages de l’eau en France et appelé à la « nécessaire sobriété ». 

Une radiographie des usages de l’eau

Il pleut moins en France en 2024 qu’au début des années 2000 constate tout d’abord France Stratégie qui estime le volume annuel d’eau renouvelable à environ 210 milliards de m3 (Mdm3) *. Or ce volume a diminué de 14 % (-33 Mdm3) entre la période 1990-2001 et la période 2002-2018, essentiellement du fait de la baisse des précipitations (-31 Mdm3). Cette ressource devrait, selon les projections de l’institution, décroître encore dans les prochaines années. « Il faut donc anticiper les conflits d’usages », estime-t-elle, sans citer les manifestations violentes de Sivens et Sainte-Soline notamment, liées à la construction de retenues d’eau. S’appuyant sur les chiffres du ministère de l’Agriculture et de la Banque nationale des prélèvements quantitatifs en eau (BNPE), l’étude de France Stratégie constate que les surfaces en irrigation ont progressé partout en France entre 2010 et 2020. Elles sont ainsi passées de 2,309 millions d’hectares (Mha) en 2010 à 2,843 Mha en 2020 soit une hausse de +23 %. L’Artois-Picardie a vu ses surfaces irriguées augmenter de 110.000 ha irrigués à 196.000 ha (+ 78 %) « notamment parce que les cahiers des charges des industries agroalimentaires imposent aux agriculteurs qui cultivent des légumes de plein champ (pommes de terre, carottes, petits pois, etc.) des calibres spécifiques », a expliqué Simon Ferrière, chef de projet. L’étude remarque aussi une croissance de l’irrigation sur les vignes : 9 % d’entre elles le sont actuellement (69.000 ha sur une surface totale de 790.000 ha), contre seulement 3 % en 2010. Au total, selon France Stratégie, 75 % de l’irrigation sont concentrés dans trois bassins-versants : Loire-Bretagne (890.000 ha), Adour-Garonne (793.000 ha) et Rhône-Méditerranée (463.000 ha).

670.000 retenues artificielles

Cependant, l’étude qui s’intéresse aux autres secteurs d’activité (industrie, énergie…) souligne que l’eau est considérée comme surexploitée lorsque cet indice de ressource en eau** dépasse 40 %. En France, ce n’est que très rarement le cas. En effet, « à l’échelle annuelle, cet indice varie entre 1 % et 4 % selon les bassins-versants, mais il peut être supérieur à 40 % en été sur le pourtour méditerranéen », nuance France Stratégie. Pour augmenter le volume d’eau disponible, l’Institution serait plutôt favorable à « l’interception stockage », car les deux autres solutions proposées, le dessalement et le transfert à large échelle sont des techniques, « au coût élevé, aussi demeurent-elles limitées », cite l’étude. Autrement dit, et sans le dire ouvertement, les retenues et barrages semblent une mesure adéquate pour gérer sereinement l’eau. Toujours selon cette étude, il existe environ 670.000 retenues artificielles d’eau en France (lacs, barrages, réserves…) pour une capacité de stockage cumulée à 18 Mdm3. France Stratégie se contente seulement de poser le diagnostic et ne souhaite en aucun cas prendre part au débat sur la gestion de l’eau, car cela ne recouvre pas son domaine de compétences. Cependant, ses cadres estiment qu’il existe sans doute des « efforts de sobriété à faire en fonction des territoires, des saisons et des activités », a dit Hélène Arambourou, adjointe au directeur de département développement durable et numérique de l’institution.

(*) Il faut rappeler qu’il tombe environ 500 milliards de m3 d’eau en France par an et que les 3/5 environ repartent à la nature (plantes, rivières, fleuve, évaporation…)

(**) Il est défini par l’Agence européenne pour l’environnement comme le rapport entre la consommation d’eau sur un territoire et la ressource renouvelable disponible.

Quelques chiffres sur l’agriculture

L’activité agricole concerne 11 % des prélèvements en eau en France. Sur un total de 30,2 Mdm3, elle prend donc 3,322 Mdm3. En revanche, elle représente 62 % sur l’eau totale consommée (4,4 Mdm3) soit 2,728 Mdm3. Autrement dit, elle consomme 82,11 % de ce qu’elle prélève. Sur les 3,3 Mdm3 prélevés, 44 % vont à l’alimentation humaine (environ 1,4 Mdm3) et 39 % à l’alimentation animale. Les 17 % se répartissent entre les biocarburants (5 %), la chimie-pharmacie-papeterie (5 %) et autres usages (7 %). Dans la mesure où les volumes inférieurs à 10.000 m3 d’eau prélevés ne sont pas soumis à redevance et ne sont pas répertoriés par la BNPE, France Stratégie ne peut pas évaluer, par exemple, le volume d’eau, affecté à l’abreuvement des animaux.

Eau : Le niveau des nappes « globalement satisfaisant »
© BRGM.Jpg

Eau : Le niveau des nappes « globalement satisfaisant »

Dans une conférence en ligne le 16 avril, le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) a estimé qu’au 1er avril, la situation des nappes phréatiques est « globalement satisfaisante » en France. « Pas moins de 58 % des nappes sont au-dessus de la normale » alors que l’an dernier à la même époque, « 80 % d’entre elles étaient en dessous de la normale », a indiqué Violaine Baud, hydrogéologue au BRGM. Pour l’établissement public, une telle recharge des nappes, qu’elles soient inertielles ou réactives, ne s’était pas vu depuis un certain nombre d’années, « au moins 2019 ». L’hydrogéologue a qualifié la recharge automnale et printanière « d’assez exceptionnelle ». Tous les feux sont donc au vert, à l’exception du Languedoc-Roussillon où la situation reste « préoccupante » car « les rares pluies ont été inefficaces depuis plus d’un an au moins », a précisé Violaine Baud. Le BRGM reste « assez optimiste pour cet été », même en cas de sécheresse intense. « S’il continue de pleuvoir en avril, les campagnes de prélèvement (irrigation) seront repoussées d’autant », a affirmé l’hydrogéologue.